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Vers quoi tendent les sociétés contemporaines ?

Envoyé par Pierre Anton 
J'espère ne pas être hors-sujet en posant cette question dans le forum public où l'on discute plutôt de l'actualité.

A votre avis, si l'on prend, disons, les sociétés occidentales, la société américaine, quelle est leur finalité : d'un point de vue téléologique, vers quelle "fin de l'histoire" tendent-elles ?

Pour ma part, je constate une grande accumulation de produits et de services ; une conception du bonheur qui s'identifie à la possession de nombreux biens et à l'assouvissement du plus grand nombre de désirs.

Plus beaucoup de personnes (dont moi) ne croient à l'immortalité de l'âme ou à une "autre vie". Le sentiment d'absurdité, qui en est la conséquence, ouvre en nous un gouffre que nous comblons, de façon névrotique, dans une pratique consumériste effrayante.

Mais tout cela ne sont que des éléments et l'on ne voit pas bien le tout se dessiner à partir des parties.

Donc, vers quoi courent nos sociétés contemporaines ?

Connaissez-vous des ouvrages qui traitent de ce sujet ?
Le telos de l'Union européenne tel qu'il est proclamé (dans les discours officiels) est celui de la paix perpétuelle, notion dérivée des Lumières (et de l'oeuvre de Kant pour l'intitulé de la chose), il est aussi celui de l'indistinction (soit la concoction d'une soupe humaine indifférenciée réalisant l'abolition définitive de la race quand celle-ci pouvait valoir distinction et incarnation du Beau); ce telos s'est scindé en telos concurrents ou parasites, qui le minent : celui du djihad et de la tentation nihiliste d'abolition du réel qui agit sur une partie de la jeunesse en est un, particulièrement virulent ces temps-ci.

La Paix perpétuelle et la Fête dionysiaque, l'abolition de toute distinction dans la fusion, le retour à la soupe humanoïque fantasmée, voilà, en gros, le credo et le programme de l'Union européenne, modèle de rassemblement de l'humanité. C'est pauvre, c'est très indigent et passablement simplet, mais c'est là la petite lampe qui guide les hommes et les femmes qui "pensent l'Europe de demain".

Pour les Etats-Unis d'Amérique, ce doit être un peu différent. L'Amérique, à cet égard est restée très dix-neuviémiste, sa révolution permanente n'est pas exempte d'une authentique spiritualité, du moins théologiquement estampillée telle. Cependant que le Canada, lui, est une sorte d'Union européenne qui serait exceptionnellement dotée en terrains vagues, en terres arables et en vide historial à combler.
Tenez cher Pierre Anton, ceci est un texte (malheureusement rédigé en globish, et que je ne traduirai donc pas) qui constitue en quelque sorte la plateforme de travail du Séminaire d'Albach (en Autriche) où depuis un demi-siècle environ, de grands penseurs parmi les plus grands de nos sociétés occidentales (Koestler en fut un animateur dans les années 60/70), se réunissent dans des symposiums pour faire le point et tracer des voies d'un avenir de ces sociétés.

Il a été produit en octobre 2015 pour le programme 2016. Vous y trouverez les mêmes interrogations qu'il y a deux siècles, notamment sur la technique et son rapport ambivalent avec le bien commun (l'aviation devait "tisser du lien" entre les hommes avant que la première guerre mondiale ne révèle qu'elle servirait à mitrailler les tranchées ; l'énergie nucléaire devait produire de l'électricité gratuite pour tous les hommes, avant qu'on ne découvre à Hiroshima et Nagasaki qu'elle connaîtrait des usages forçant à repenser l'avenir de l'humanité et toute création humaine, etc. aujourd'hui ce sont les nanotechnologies par exemple, et bien sûr l'intelligence artificielle qui se teintent, à la surprise feinte de ces faux penseurs, de la même ambivalence -- l'Occident, depuis deux siècles fait du surplace, tourne en rond, son telos fait plus que se mordre la queue, il est une queue qui se spiralise et nous emprisonne) :

An Introduction to “New Enlightenment”

By the Executive Board of the European Forum Alpbach, October 2015
New Enlightenment ahead
The tools for thought of the Enlightenment no longer suffice for mastering the challenges of the present. The course European societies are taking can be compared to the exploration journeys of bygone days. Maps, which ought to provide orientation and security, seem to have lost their value. We are journeying into the uncertain and have yet to discover new paths and routes in many areas.
The situation two hundred and fifty years ago, at the time of Kant, Rousseau and Voltaire, was very different. The Enlightenment was the great intellectual project of a self-confident Europe in her prime. The Industrial Revolution, revolutionary discoveries in science and the development of human rights emerged from it. Generations later we could still witness the effects of the light and dark sides of the Enlightenment. A century of European intellectual and geopolitical dominance was the result.
At present, the dream of the universality of Enlightenment values has been exhausted. Today, European ideals have to compete on the global market just as our products, goods and services do. Is it at all possible globally to preserve the gains made by the Enlightenment, such as human rights? What role does Europe play in a multipolar world? How can it credibly represent its values? Is there a European model of the Welfare State which will be able to bear up next to competing American and Asian concepts?
New Tools for Thought
Dealing with complexity has become the central question of the 21st century. While technocracy is falling at the hurdles of complex systems and insecurity, we adhere to these old ways of thinking. And that although recent discoveries in neuroscience, neurolinguistics and behavioural psychology have fundamentally questioned the Cartesian conception of man. Today, we have to accept that increased awareness and rational understanding do not automatically lead to changes in behaviour. However, we will still require these in order to prevent a global environmental catastrophe. A social model based purely on consumption and growth is driving our planet to ruin.
The Radicalism of the Enlightenment
We still continue to underestimate the radicalism of the Enlightenment as a phenomenon in contemporary history and in the history of ideas, as well as the bravery of its actors. Enlightened thinking contained enormous social explosive force and many representatives of the movement had to work underground. Which are the theses facing resistance today, like the ideas of Enlightenment thinkers such as Diderot and Holbach did at that time? Which social models are being formed outside the mainstream? And who are the pioneers today establishing radical new organisational structures and cultural techniques, and consciously excluding themselves from learned templates? Decentralised organisational structures are enthusing a young generation of entrepreneurs. Open innovation processes are successfully placing in doubt the use of patented and protected knowledge. New business models are stirring up the markets. Cooperative movements and a focus on the common good are booming. Are these structures the first manifestations of a new enlightenment?
Digitalisation – The Motor of the Upheaval
At first, digitalisation and the internet were interpreted as a departure into a new epoch of the Enlightenment. Many expressed exalted hopes that participation and connection in the digital arena would bring about the final breakthrough for democracy and rationality. Access to knowledge and information alone would protect humanity from radicalisation and ideology: so ran the assumption. Whoever casts a glance over the global flashpoints of today will realise that a hyper-connected, global communication platform does not automatically lead to more peace and cooperation. Additionally, algorithm-driven, self-learning structures are developing their own dynamic which for many people is cause for some concern. This automatisation is penetrating the world of work and fundamentally changing the economy. The most recent advances in new, easily accessible technologies such as nano- and biotechnology have their own risks. At the same time, enormous technical possibilities being developed can be implemented to the benefit of all. Which form of public enlightenment do we need for this?
Just as on every voyage of discovery, we are experiencing in every field how truths that were considered valid up until now are being questioned, re-interpreted and rebutted. From one day to the next, firmly held models in politics, economics and society are turning out to be obsolete. How can Europe orientate itself in times of upheaval and insecurity? Where are the intellectual beacons who can capture the new in words and deeds? Where are the utopias which would be worthy of a new Enlightenment? We will hunt for the answers to these questions together with hundreds of people from all generations, disciplines and regions under the general topic of “New Enlightenment” at the European Forum Alpbach 2016.


[www.alpbach.org]
Vous pouvez jeter un œil dans le dernier livre de Luc Ferry : La révolution transhumaniste. Ce n'est pas spécialement ébouriffant du point de vue du style mais cela a le mérite de présenter les travaux et l'idéologie des trans/posthumanistes. Ils ont sur beaucoup d'autres l'avantage de ne pas avancer masqués et de dire clairement quel sont leurs buts, le sens, précisément de leur entreprise. Ils sont très actifs et Ferry expose leurs arguments, cite abondamment leurs textes fondateurs ou leurs déclarations et les replace, un peu scolairement, dans l'histoire de la philosophie. Il couple sa réflexion avec ce qu'il nomme, comme d'autres, "l'ubérisation" du monde. Il en appelle à la régulation. Vœux pieu s'il en est.

Sur le même thème, on peut aussi regarder L'homme nu de Marc Dugain, qui prend nettement position contre le transhumanisme et produit plutôt un pamphlet.
je dois être devenu totalement gâteux, mais il me semble que 'Il en appelle à la régulation. ', c'est tout au plus une façon de nommer l’État. L’État, en tant qu'organe de régulation. Évidemment, on peut toujours réguler au nom de Dieu, mais qu'est ce que ça change ?

C'est quoi, l’État, sinon un organe de régulation ?
C'est en effet dans le sens d'une intervention plus nette de l'Etat qu'incline Ferry.
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