Le site du parti de l'In-nocence

Un corps supranational n'est possible en Europe que par la dissolution et le remplacement des peuples nationaux

Envoyé par Francis Marche 
De Gaulle voyait les choses ainsi. Nous, pas encore.

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Il n'est d'Europe intégrée possible que par abolition des identités nationales et remplacement des peuples. C'est le programme Peter Surtherland ou Kalergi. Le Grand remplacement et la construction du bloc continental supranational qu'on nous impose sont deux faces d'une même réalité, d'un même projet.

Il est remarquable à tous égards que ceux qui voudraient inverser l'issue du referendum anglais proposent que l'on accorde à chaque jeune qui votera deux voix dans les référendums sur l'Europe, pour une voix aux "vieux" : outre que les jeunes sont plus aisément manipulables, ils sont nés dans "l'Europe d'après" soit celle-là même qui tient à se faire approuver par référendum, ce qui sera d'autant plus facile si l'on accorde deux voix au lieu d'une à ceux qui n'ont connu qu'elle ! Ma maman c'est forcément la plus jolie et mon papa forcément le plus fort puisque je n'ai jamais eu d'autres parents. On s'étonne que l'Eurocratie n'ait pas encore fait voté les nourrissons, après tout, l'avenir leur appartient encore plus qu'aux jeunes, non ?
Suivre l'actualité sur la chaîne BBC World est passionnant. On y voit que dans ces journées historiques, l'Europe est le théâtre d'un débat métaphysique entre l'Union européenne, représentée par M. Juncker, d'une part, et le Royaume-Uni dans son ensemble, d'autre part. J'écris dans son ensemble parce que ce pays présente une position qui dans cette disputatio est parfaitement lisse et unanime entre partisans du Leave et partisans du Remain :

Les Britanniques, tous bords confondus, considèrent que le libre échange des marchandises et des services dans l'espace européen, la libre circulation des choses et des biens marchands, éminemment souhaitable pour le bien commun n'emporte pas l'obligation d'une libre circulation des personnes dans le même espace ; l'Union européenne, elle, tous pays confondus de ceux qui prennent position dans ce débat (essentiellement "les six pays fondateurs") estiment unaniment que, précisément, si : la libre circulation des choses contient la libre circulation des hommes, que les choses et les hommes sont sans différence, que le matériau humain, la main-d'oeuvre, le migrant en quête de se louer et la marchandise en quête d'acheteur, c'est du même ciment, du même sable, de l'identique matériau marchand et que par conséquent on ne saurait concevoir ni souhaiter la libre circulation des marchandises inertes dans cet espace sans souhaiter et décréter du même coup celle des bipèdes producteurs de valeurs.

D'un côté un humanisme un peu fondamental, et plutôt kantien (les spécialistes de Kant me corrigeront si je m'abuse sur ce point) ; de l'autre un anti-humanisme tout aussi fondamental, tout aussi radical dont l'axiologie est dite sans ambages, ni détour, dans un énoncé ferme et franc, chimiquement pur : l'homme est sans appartenance à rien ni à nulle part, il ne l'est pas plus qu'un kilo de semoule ou un pneu de tracteur, il est à qui le prend, là où il échoue, et pour citer notre philosophe national Alain Badiou, quand les hommes sont ici, ils sont d'ici.

Il faut choisir, comme autrefois, son camp métaphysique et politique, car la ligne de démarcation est tracée et les deux bords sont strictement irréconciliables : cratylisme ouvert (camp britannique) d'une part ; déconstruction hermogénique, désappartenance et déshumanisation, indistinction égalitaire des hommes entre eux et marchandisation de l'humain (camp de l'Union) d'autre part.

Qu'on ne s'illusionne pas et qu'on y prenne garde : cette démarcation entre ces deux camps fut celle de la guerre de Sécession en Amérique au XIXe siècle entre le camp de l'appartenance (le Sud) et celui de la désappartenance (l'Union nordiste), conflit qui fut, pour l'historiographie anglo-saxonne, guerre civile. Normalement, l'Union devrait l'emporter, mais le prix à payer pour les peuples d'Europe risque d'être très lourd, et le combat longtemps incertain.
Guerre de Sécession en Amérique au XIXe : entre d'une part ceux (les tenants de l'Union) qui entendaient limiter (en la taxant) la circulation des marchandises, y compris dans les échanges avec l'Angleterre, tout en affranchissant les travailleurs de leur appartenance aux domaines de production; et d'autre part ceux (les tenants de la Confédération et les producteurs de coton du Sud) qui ne la limiteraient point et ne la taxeraient pas mais qui entendaient maintenir le lien d'appartenance des travailleurs aux terroirs de production et aux familles possédantes ;

Guerre de Sécession en Europe au XXIe : entre ceux qui entendent limiter la circulation des hommes en respectant leur appartenance, notamment sur le sol britannique, d'une part, et ceux (les tenants de l'Union) qui entendent ne la limiter point et lever pour eux toutes frontières avec le reste du monde et hisser l'étendard de l'égale désappartenance des choses et des hommes dans tout l'espace européen. Les deux bords ne s'opposant pas, cette fois, sur la question de la libre circulation des marchandises.
L'argumentaire de Juncker est tranché ; il ne cesse de répéter que c'est tout ou rien, que l'on ne peut faire "l'Union à la carte" que "quand vous êtes OUT, vous êtes out". C'est la totalité de la liberté de circulation et d'installation d'absolument tout et d'absolument tout le monde, et absolument partout, ou c'est rien. Voilà l'âme de l'argument de la construction de cette Union : il ne s'agit plus seulement de construire un édifice supranational en Europe mais de forger un corps nouveau en lequel et duquel les peuples anciennement distincts ne le seront plus par la force des choses et par la liberté de mouvement des personnes. La création du corps impérial neuf passe logiquement par la dissolution des peuples existant et de leurs Etats et par la création d'un peuple européen neuf. Ce qui fait frémir quiconque est un peu sensible à l'histoire de ce continent mais qui enthousiasme notre vaillante jeunesse européenne Merkel-vous-voilà ! laquelle à Londres, à Paris, à Berlin et ailleurs, brandit ses slogans "antifachistes" et "no border".

L'Anglais, qui quant à lui n'a jamais été hegelien, tient son représentant le plus fidèle dans un Jeremy Corbyn, ce travailliste partisan du "Remain" à qui on reproche aujourd'hui d'avoir fait "le service minimum" dans sa campagne de référendum et qui, très significativement, refuse de démissionner. Lui est pour la libre circulation des produits britanniques en Europe et pour qu'on laisse les produits européens, l'huile d'olive italienne et grecque et tout ce qui est bon pour la qualité de vie en Grande Bretagne, se vendre en Angleterre et que pour le reste, il considère que les "jobs anglais" doivent quand même être un peu protégés sur son île. C'est à peine s'il est plus libéral et moins souverainiste que Marine Le Pen en France. Il incarne le "middle-of-the-road" britannique. La rhétorique folle d'une Europe nouvelle, ne l'émeut pas, il est ni pour ni contre, il s'en fiche éperdument, ça ne le concerne pas. Et au fond, c'est cela, cette indifférence à la flamme européenne/prométhéenne mystique d'un corps total en création, que l'Union reproche à l'Anglais moyen : de vouloir garder l'Empire Mol, mol ! à l'heure où tous brûlent de le voir devenir Empire Dur !

Juncker, d'heure en heure, dirait-on est plus "agité du bocal", plus possédé d'un fanatisme historiciste que ne le voudrait jamais toute rationalité économique ordinaire. L'homme, adossé aux puissances qu'il représente, montre des signes politiques de plus en plus inquiétants.
pour citer notre philosophe national Alain Badiou, quand les hommes sont ici, ils sont d'ici.

Ca alors !? Le grand comique diversitaire J. Debbouze (c'est com'ça qu'ça s'écrit ?) serait-il badouiste ? Lui qui avait déclaré : "Moi, je suis né ici, je suis un Icissien !"
Juncker, d'heure en heure, dirait-on est plus "agité du bocal", plus possédé d'un fanatisme historiciste que ne le voudrait jamais toute rationalité économique ordinaire. L'homme, adossé aux puissances qu'il représente, montre des signes politiques de plus en plus inquiétants.
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Je ne crois pas que Juncker soit un "agité du bocal". Non, selon moi il s'agit d'autre chose : lui et ses amis nous ont déclaré la guerre. On sait que parfois, des circonstances (Brexit) qui permettent à coup sûr de gagner, deviennent des motifs de déclencher l'attaque. César (pardon mais je suis en plein dedans), dans son plus beau livre, les Commentaires sur la guerre des Gaules, dit :"Une possibilité d'être victorieux a déclaré la guerre."


J'observe (comme vous je crois) que ces gens-là justifient de moins en moins leurs actes, qu'ils ne les exposent plus qu'avec brusquerie et violence dans l'expression, avec soudaineté dans l'attaque. Il leur suffit de s'entourer des quelques économistes ou experts ou techniciens pour noyer cela d'une sauce qui fasse passer la viande.
Juncker s'agite, il est en pleine Révolution Supranationale. Il a invité l'indépendantiste écossaise Nicola Sturgeon à un entretien. Bientôt une place Maïdan à Edimbourg ? Ils en seraient bien capables. Le 10 Downing Street a vivement réagi.

Images de manifestations à Londres, avec des jeunes Merkel-nous-voilà! agitant des pancartes "Non à la haine, non au fascisme !". On se croirait à Paris ou à Kiev. Le mot "clivant", s'il n'existait pas, devrait être inventé pour qualifier la politique de Bruxelles dans ces journées vis à vis de la Grande Bretagne. Juncker est une espèce de tranchoir à viande sur pattes. La perspective d'un équarrissage général des nations européennes et l'odeur du sang frais le rendent déchaîné dans ses déclarations et ses décisions.
Finalement, la force d'un Juncker, c'est de ne se réclamer d'aucune légitimité, de ne s'autoriser que de lui-même (me revient à l'esprit cette affirmation de Lacan : "Le psychanalyste ne s'autorise que de lui-même.").
Juncker s'autorise du vent de l'histoire. Il en serait presque beau.
30 juin 2016, 12:31   Le grand tour
Le vent de l'histoire, c'est aussi UN MILLIARD de touristes recensés l'année dernière. Qui inventa le tourisme ?
30 juin 2016, 14:36   Re : Le grand tour
Qui inventa le tourisme ?

Les sauterelles.
 
30 juin 2016, 18:04   Re : Le grand tour
Les sauterelles, oui, elles ont même inventé le cricket.
Je m'apprêtais à vous répondre l'Empereur (ce migrant antarctique) Thomas, quand je vois que ce diable de Hergat m'a devancé avec ses sauterelles : il me reste les cigognes d'Alsace et ces malheureuses hirondelles qui s'échouent dans les marais des Beaux-de-Provence avant de survoler l'Algérie, le Sahara, pour certaines la Mauritanie et pour d'autres, dit-on, le Zimbabwé et l'Afrique du Sud...

Le touriste est un petit migrant ritualisé, dévitalisé, susceptible d'annuler sa migration par une rémigration au premier échec (une bombe dans un aéroport, un coup de soleil dommageable, une tourista). Le migrant, le faux réfugié, lui, est dans l'absolu, il se la joue aujourd'hui -- c'était différent au siècle dernier -- sans retour envisageable. Il se meut touriste pour mieux faire passer son absolu. Le touriste, quel qu'il soit, est ambigu, un traitre virtuel à son époque qui se plaît ou s'imagine se vivant sur deux tableaux.

Moi-même touriste de tous les simulacres et de tous les absolus je m'étonne, trouvant le monde si transformé partout où je reviens, que mes pérégrinations soient partout prises au sérieux au point que le monde prenne la peine de changer son vieux décor familier pour m'accueillir à chacun de mes retours dans des atours nouveaux. Qu'est-ce qui oblige le monde à se changer d'habit quand je ne le regarde pas pour se présenter à mon regard dans une livraie neuve et défigurante quand je reviens ? Vous tournez le dos au monde un bref instant, deux ou trois ans, et voilà le monde qui entre-temps s'est cru tenu, on ne sait pourquoi, de changer de robe, en tenant à vous montrer comme il a su se mettre à la page pendant votre absence. Le monde se comporte partout avec votre regard tournant comme une sotte petite adolescente de rien du tout, qui se change de tenue pour en jeter au regard du vieil oncle visiteur.
Non. Désolé Pierre, c'est déjà pris : Luc Ferry est l'anagramme, signifiant ô combien, de Lucifer.
03 juillet 2016, 16:44   Un corps supranational
Cher Francis,

Ce que vous écrivez du touriste en "migrant ritualisé, dévitalisé" me parait exact jusqu'à un certain point : celui du nombre. S'il est vrai que le touriste ne fait que passer et rentre chez lui son voyage accompli, il se trouve qu'aujourd'hui un autre touriste le remplace immédiatement, si bien que la saison creuse est de plus en plus courte. Cela conduit à l'apparition, à côté des sédentaires et des migrants, d'une nouvelle catégorie de population permanente, avec ses ressortissants supranationaux : les touristes planétaires. Il me semble que l'existence de cette population affecte de façon non négligeable le caractère particulier des nations et a une grande responsabilité dans le "changement d'habit" du monde, tel que vous l'observez dans vos voyages, et tel que je l'observe de même, en ne voyageant pas. (Alain Finkielkraut choisit l'exemple de la disparation des pubs dans certains quartiers anglais pour signaler la perte d'une caractéristique vraiment anglaise. Eh bien, il n'a qu'à venir à Nice où, le soir, en guise de débits de boissons, on ne rencontre plus, précisément, que ces satanés pubs et où il est devenu impossible de trouver un bistrot digne de ce nom quand, il y a de cela une trentaine d'années, on avait l'embarras du choix pour passer la nuit dans des cafés.)

On multiplierait les exemples des torts causés par le tourisme planétaire à l'identité des nations, mais je suppose que les Britanniques qui ne veulent pas de la circulation des personnes ne songent surtout pas aux touristes, ce "matériau humain", cette denrée sur pattes qui rapporte mais dont l'exploitation engendre pourtant une modification des mœurs autochtones qui n'a rien à envier à celle produite par les "migrants".
Enfant j'allais pêcher avec mon père des "ailes-rouges" (par nostalgie, je ne veux pas connaître le nom officiel ou savant de ce poisson), dans le Gardon, rivière qui coule sous le Pont-du-Gard. Nous nous placions à moins d'un kilomètre en amont du pont romain et nous étions quasi-seuls des après-midi entiers. Et les personnes que l'on voyait, nous les connaissions, au moins de vue, et nous en saluions certaines.

Je suis retourné au Pont-du-Gard trente ans plus tard, au début des années 90 : j'y ai vu des familles chinoises venues de Chine faire du canoë, des gens de tous les peuples de la terre, s'y baigner et se photographier. J'étais là dans un univers aussi cosmopolite que le lobby du Waldorf à New-York, ou celui du Grand Hyatt à Hong-Kong, ou le site des chutes du Niagara, ou le pont d'un paquebot de croisière dans les Caraïbes. Je ne suis plus retourné au Pont-du-Gard depuis, ayant compris que mes "grands voyages", en Asie et ailleurs, avaient été, parallèlement aux miens ou avec un léger retard sur les miens, imités par la terre entière. Je me conçus enfin et définitivement comme le plus ordinaire des hommes, et dans ce moment, le Pont-du-Gard entra dans un domaine intérieur mien d'où plus rien ne pourra jamais l'extraire. Je vous conseille d'en faire autant pour Nice. De claquemurer Nice dans votre coeur à tout jamais, avec son chemin de Nietzsche, son mont Bégo, sa plage de la Garoupe, sa chère place Garibaldi, son Paganini mythique et ses Tombeaux ferment mal d'Audiberti.

[fr.wikipedia.org]
04 juillet 2016, 18:47   Zlatan le Suédois
Eh bien, on peut le dresser, le portrait-robot du contemporain dont la libre circulation ne dérange pas nos amis anglais. Il est Suédois, s'appelle Zlatan Ibrahimovic, et vient d'être engagé par le club de Manchester quelques jours après le "Brexit". On tient là un modèle d'individu parfait pour la libre circulation : un être humain taillé comme une marchandise, entre le migrant et le touriste, et qui n'empêchera jamais les supporters anglais d'entonner leurs chants identitaires en éclusant autant de bière qu'ils voudront, tradition nationale oblige. Plus généralement, le sus-nommé "mercato" représente lui aussi un modèle économique propre à ravir la City. Il faudrait que les Polonais comprennent qu'ils ont été engagés pour trois saisons maximum et qu'il est grand temps pour eux de trouver un autre club.
05 juillet 2016, 12:20   Circulez !
Permettez-moi de revenir sur cette question de la libre circulation des personnes.

S'il est vrai que "Les Britanniques, tous bords confondus, considèrent que le libre échange des marchandises et des services dans l'espace européen, la libre circulation des choses et des biens marchands, éminemment souhaitable pour le bien commun n'emporte pas l'obligation d'une libre circulation des personnes dans le même espace." il me semble qu'ils sont bien approximatifs et escamotent une partie de la réalité quant à cette "libre circulation". Ils devraient dire à qui ils pensent précisément refuser la libre circulation. Ceux à qui ils l'autorisent, et même l'encouragent, sont assez facilement connus :

- Les footballeurs (vedettes ou non car les "transferts" de joueurs intéressent même les petites équipes.)
- Les investisseurs étrangers (pour les attirer, le gouvernement britannique vient de faciliter leurs investissements au moyen de baisses de charges)
- Les touristes
- Les travailleurs "détachés" qui sont des sortes de footballeurs du pauvre ou des touristes laborieux.
- Les représentants des nantis planétaires (j'emploie le terme légèrement archaïque de "nantis" car, comme Finkielkraut, je suis exaspéré par l'utilisation à tout bout de champ du terme "élite" pour désigner les privilégiés de toutes les nations.)

(Notons qu'avec ces catégories, la question ethnique ou religieuse n'entre pas en ligne de compte.)

Ceux qui n'appartiennent pas à ces catégories sont priés de rester chez eux.

Ceux qui en font partie peuvent circuler librement et on ne prête que des avantages à leur libre circulation, sans jamais imaginer qu'elle puisse affecter l'identité britannique, ce que, pour ma part, je ne crois pas du tout.

En cela le "Brexit" ne change rien car il me semble que c'est un modèle de circulation des personnes, désiré comme un idéal par l'ensemble des gouvernements européens, quand bien même, du côté allemand, on se soit engagé, en effet, dans une politique délirante à base de volonté de puissance impériale.
05 juillet 2016, 23:25   Re : Circulez !
Pour conclure, il me semble qu'il existe deux formes de "circulation des personnes". L'allemande qui, paradoxalement, n'est pas favorable à la circulation des personnes, mais à leur installation permanente. L'anglaise qui, tout aussi paradoxalement, est favorable à la circulation des personnes, mais une circulation permanente. Si vent de l'histoire il y a, c'est la Grande-Bretagne qui l'a en poupe.
La libre circulation des personnes et leur libre installation ont des effets différents. La libre circulation, aussi permanente soit-elle, ne conduit pas à un état de faits nouveau ; elle n'a pas pour effet d'engendrer des forces politiques et des aspirations nouvelles chez les populations du territoire concerné du fait de leur recomposition ; elle n'est pas auto-dépassable par un état qu'elle aurait elle-même engendré. Tandis que la libre installation des personnes, si.

Les Britanniques, qu'ils soient Leave ou Remain, ne sont pas opposés à la libre circulation des biens et des personnes dans leur principe mais, pragmatiques, ils ont saisi que l'Union européenne ne distingue pas, et impose à ses membres de ne pas distinguer, libre circulation et libre installation. Les Anglais qui ont voté comme ils l'ont fait le mois dernier entendent préserver la britishness (la britannicité, si vous voulez) de leur quotidien sur leur île.

Le multiculturalisme est la doctrine géopolitique nouvelle de l'Empire Mol. L'émergence de ce paradigme après la réunification de l'Allemagne et la refondation eurogermanique de 1992 est rien moins que logique au regard de l'histoire européenne depuis 1871.

Au sortir de toutes les guerres ayant eu la Prusse ou l'Allemagne pour protagonistes en Europe, et dans les périodes de paix intercalaires, les vainqueurs s'attachèrent (que ce soit par le Traité de Versailles ou la conférence de Potsdam au siècle dernier), à tout mettre en oeuvre pour empêcher une résurgence du Reich. La leçon qu'avaient tirée les puissances alliées de ces phases de belligérance est que de l'exigence d'autonomie des germanophones il n'y avait qu'un pas à la proclamation de la nécessité d'annexion des territoires où ils se concentraient et que par conséquent le meilleur moyen de parer à l'émergence de pareils arguments belliqueux et des casus belli du type "affaire des Sudètes" était de favoriser l'établissement d'une mosaïque d'Etats-nations aussi monoculturels et monoethniques que possible. Cette doctrine, ce paradigme géopolitique, guidèrent ces grandes conférences post-bellum, ils expliquent aussi les immenses et dramatiques mouvements de population forcés, remaniements et reconcentration monoculturelles de la phase 1945-1948 (dans cadre desquels il convient de faire entrer la création de l'Etat d'Israël, parrainnée par les puissances alliées). La partition de l'Allemagne ajoutait un verrou à ce dispositif.
On doit constater aujourd'hui, lorsqu'on se penche sur cette époque, que les patriotismes nationaux dans la phase 1945-92 remplirent leur rôle au-delà de toutes espérances puisque non content d'empêcher la réemergence d'un Reich, ils contribuèrent fortement à saper la domination de l'empire russo-soviétique (Hongrie 1956, Tchécoslovaquie 1968, Pologne 1980-81) et même les vestiges du vieil empire britannique en Irlande du Nord (années 60/70) et à Chypre (1955). A cet essor des nationalismes émancipateurs il faudrait ajouter celui des peuples et nations pris dans les sphères coloniales hollandaises, françaises et anglaises qui tous, en commençant par les Indes néerlandaises (l'Indonésie) dès la fin de la guerre (et, pour l'Empire français, l'Algérie avec les événements de Sétif), puis avec l'Inde et bientôt toute l'Afrique et l'Indochine de l'empire colonial français, s'éveillèrent au nationalisme et conquirent bientôt leur indépendance politique. Donc, la phase de décolonisation souhaitée par De Gaulle, et formalisée par la conférence Bandung en 1955 (création du Mouvement des Non Alignés), doit elle-même être lue dans le paradigme qui domina en Europe continentale, soit cette phase de nationalisme émancipateur, durant laquelle toute l'intelligentsia européenne, et singulièrement parisienne fut pro-peuples et pro-nations.

Le paradigme s'inverse en 1990-92 avec la réunification de l'Allemagne, la dissolution de l'Urss et la concommittante fondation ectoplasmique d'un Reich Mol en 1992 à Maastricht. Le monoculturalisme est soudain déclaré nauséabond, de Montparnasse au Quai d'Orsay, et les héros émancipateurs, dont le valeureux Lech Walesa en Pologne se trouvent, pour ainsi dire du jour au lendemain si on mesure la rapidité et la radicalité de ce retournement à l'échelle historique, précipités dans le camp du Mal et catalogués de l'étiquette infâmante de "populistes". Les mouvements populaires anti-impérialistes avaient été "glorieux", "héroïques" quand l'empire qu'ils visaient était celui des autres ; tout change à partir de 1992 et ce changement prend un tour particulièrement prononcé aujourd'hui où ce même nationalisme, polonais ou hongrois, est méprisé et péjorativement désigné comme populisme quand le corps supranational contre lequel il s'élève est le nôtre, soit celui de l'Empire Mol eurogermanique.

Dès cette refondation, la guerre se déclare de nouveau en Europe (en Yougoslavie), et l'intelligentsia qui gouverne encore la France (BHL, etc.) scinde à partir de ce moment les peuples et leurs aspirations en deux camps : les Bons qui ont vocation à rejoindre l'Union européenne, et les Méchants qui ont vocation à s'aligner sur autre chose qu'elle. C'est ainsi que dès ce moment, tous les nationalismes ne sont plus bons : seuls sont bons ceux qui sont jugés, à l'odeur, pouvoir s'agréger à court terme au corps supranational continental central que l'on vient de créer. Donc, l'inversion du paradigme monoculturel/multiculturel s'est accompagné d'un retournement des champs gravitationnels des nationalismes : pour la première fois depuis 1945 des nations européennes entraient en belligérance, ou s'engageaient dans des hostilités politiques avec prise d'armes en 1992, non plus dans le but de SE SOUSTRAIRE à une domination impériale comme cela avait été le cas dans la période 1945-1992, mais dans celui de S'AGREGER à un corps impérial nouvellement fondé en Europe, et se trouvant encouragés à cela par les agents de propagande de ce corps eurogermanique nouvellement créé (cf. BHL et son agitation chronique sur ces théâtres).

L'émergence puis aujourd'hui l'universalisation "kantienne" du multiculturalisme comme doctrine politique et géopolitique sont logiques disais-je parce qu'elles font osciller le pendule dans le sens d'une libération non plus anti-impérialiste mais impériale, correspondant à l'essor de l'Empire Mol fondé dans ce moment charnière de 1992. L'axe multiculturel est essentiellement impérial ; il est du champ gravitationnel d'une résurgence du Reich parce que son opposé, le paradigme monoculturel d'après-guerre, avait fait office de harnais de contention contre une résurgence du Reich ; et l'effacement des frontières nationales en Europe s'inscrit dans la constitution d'un corps impérial continental nouveau au renforcement duquel nous avons jusqu'ici assisté impuissants, car il est bien probable que le vote Brexit ne soit que le chant du cygne de la résistance patriotique à ce cours de l'histoire.

Mais il y a pire, et plus inquiétant encore : le multiculturalisme , au-delà de son rôle d'outil idéologique de restauration du Reich, est pris comme tremplin vers la création d'un peuple, et même d'une race (obtenable par un métissage général destiné à abolir toutes races humaines et théorisé comme tel) européenne neuve, inédite et "dédiée" dans tous les sens du terme, devant donner chair au corps politique continental nouvellement institué. Il s'agit d'un trait millénariste qui anime les "artisans de l'Europe" après avoir inspiré les "pères de l'Europe" notamment Coudenhove-Kalergui duquel les chefs actuels de l'Empire Mol (Merkel, Juncker) s'honorent d'être lauréats d'un prix portant le nom.

L'autre trait particulièrement inquiétant est le tropisme de l'Empire Mol pour l'islam, l'invitation permanente qu'il lui tend de collaborer à son édification et à son renforcement politique et spirituel, car il convient de doter l'Empire Mol, outre de chair neuve, aussi d'une spiritualité à la mesure de ses ambitions.

Tel est le tableau, plutôt sombre, dans lequel se trouvent pris les peuples européens aujourd'hui sous la domination politique de l'Empire maastrichtien qui régente cet espace, le réorganise et y sévit.
Sur le souci des grandes conférences post bellum du XXe siècle de contenir le pangermanisme par "les principes wilsoniens des nationalités" (soit le droit des peuples à l'autodétermination, autrement dit l'arme anti-impérialiste par excellence), lesquels sont bien sous-tendus par le monoculturalisme comme paradigme et norme géopolitique -- l'autodétermination trouvant sa consécration lorsque chaque peuple possède sa nation et chaque nation son peuple unique, autrement dit dans le fait qu'il n'y ait plus nulle part de minorités ethniques --, Finkielkraut citant Jacques Bainville, et soulignant que le traité de Versailles n'avait qu'incomplètement opéré le travail de désemmêlement des nationalités et que c'est en s'appuyant sur cette compénétration des peuples germanophones que s'est plus tard ranimé le Reich avec Hitler:

En 1919, l'historien français Jacques Bainville publiait, sous le titre Les Conséquences politiques de la paix, une analyse critique et remarquablement prémonitoire du traité de Versailles. Il montrait que dans cette paix "rendue comme un arrêt de justice, l'idée d'équilibre avait été sacrifiée au principe wilsonien des nationalités (...). Résultat : plus d'Autriche-Hongrie, et une Allemagne, certes humiliée, affaiblie, raccourcie, mais compacte et vouée, un jour ou l'autre, à poursuivre l'achèvement de son unité par la présence de minorités allemandes dans les Etats nationaux, créés à sa périphérie, sur les ruines de l'empire des Habsbourg et du Reich bismarkien : "Accroupie au milieu de l'Europe comme un animal méchant, l'Allemagne n'a qu'une griffe à étendre pour réunir de nouveau l'îlot de Könisgsberg. Dans ce signe, les prochains malheurs de l'Europe et de la Pologne sont inscrits". Les signes, en effet, étaient clairs. -- Nous autres, modernes p.222

Le règlement de 1945 alla plus loin que le traité de Versailles : il morcelait l'Allemagne elle-même mais celle-ci, en opérant sa réunification 45 ans plus tard, devait faire exploser les principes wilsoniens reposant sur le monoculturalisme et relancer l'aventure bismarkienne par d'autres moyens que "les orages d'acier", sous la forme d'une utopie molle chevauchant la promesse millénariste d'un multiculturalisme fusionnel et d'une refonte biologique des peuples par le métissage, assortie d'une invite permanente faite à l'islam de se joindre à la fête.

Bien identifier la folie dans laquelle l'Europe est embarquée depuis le tournant du millénaire.
Point d'orage d'acier en vue en Europe, en effet, et presque aucune guerre régulière, qui serait menée par des états-majors d'armées, en ce moment non plus dans le reste du monde, mais partout, l'insécurité, la violence, le terrorisme, sur tous les continents. Partout en Europe et dans de vastes régions du monde le quotidien de la paix est un quotidien de quasi-guerre.

Point d'orage d'acier sur l'Europe en 2016 certes, mais si on me donnait le choix entre me trouver dans le Bataclan le soir du 13 novembre de l'an passé et celui d'être enfoncé dans une tranchée l'arme au point sous la mitraille ou la cannonade, j'aurais choisi la tranchée, pour au moins deux raisons :

1. J'aurais eu la possibilité de vendre cher ma peau en combattant au lieu de périr comme un mouton sous la lame du boucher hallal ;
2. J'aurais su que la défense de mon pays, sur sa frontière ou au front, garantissait, pendant ce temps, une paix véritable à l'arrière pour l'ensemble de mes compatriotes que cette guerre, ainsi concentrée, ne toucherait pas, aussi totale fût-elle.

La fausse paix, jamais défendue par personne dans un dispositif aux frontières levées, à la différence de la guerre totale de 1916, n'épargne personne.
N'est-il pas remarquable que le néo-empire maastrichtien, dans sa première phase d'accrétion (1992-1995) fit se disloquer, pour agréger à lui les morceaux qui pouvaient l'être, la Fédération de Yougoslavie, soit un des pays fondateurs du Mouvement des Non Alignés et qui en avait été, depuis 1955, un de ses membres chefs de file ? Ce mouvement, né de la conférence de Bandung, avait été dirigé contre l'hégémonisme et l'impérialisme ; il entra en hibernation après son sommet historique de Jakarta en septembre 1992. Il n'a plus eu aucune activité notable depuis lors. L'Urss et les Etats-Unis n'étaient point parvenus à en venir à bout, l'Empire Mol, sorte de serpent dépourvu de crocs et de venin, lui régla son compte en un rien de temps, comme ces pythons qui font périr leur proie en l'hypnotisant puis en l'enserrant pour lui briser les os.

Agissant comme grand attracteur passif-agressif, l'Empire Mol chargé de promesses utopiques présida à l'éclatement, fort douloureux, de la Yougoslavie après celui, pacifique, de la Tchécoslovaquie qui était intervenu dès 1992 : quatre Etats-nations nés de ce concassage des nations européennes existantes sur le flanc Est de l'Allemagne réunifiée intégrèrent presque aussitôt le projet d'Empire Mol: la Slovaquie, la Tchéquie, la Croatie, la Slovénie.

Aux yeux de Berlin-Maastricht, le non-alignement, en Europe et ailleurs, n'avait plus de raison d'être et pouvait même s'avérer funeste au projet d'Empire Mol ; il était indispensable que soit brisé son pays phare en Europe, la Yougoslavie, et que l'Empire Mol en absorbât les débris. Beau travail, rondement mené en moins de cinq ans.

La deuxième phase d'accrétion de l'Empire Mol a été celle de l'absorption des pays situés plus pleinement dans l'ancienne sphère d'influence de l'Empire russe soviétique (Pologne, Bulgarie, Roumanie, Hongrie).

La troisième phase d'accrédition de l'Empire Mol s'annonce comme étant celle lors de laquelle doivent être disloquées les nations anciennement impériales de son flanc Ouest, à savoir :

1. Le Royaume-Uni aujourd'hui, qui doit céder l'Ecosse ;
2. L'Espagne demain, qui devra céder la Catalogne ;
3. La France après-demain, qui devra céder, pour commencer, la Corse, territoire à valeur hautement symbolique pour être le domaine ancestral de l'unique empereur continental issu de la Révolution française et dont l'agrégation à l'Empire Mol fera la revanche posthume du Kaiser.
Quels fondements philosophiques supportent le concept d'Empire Mol, de quelle pensée ce concept s'autorise-t-il ? A lire ceci, trouvé ce jour dans une recension de l'ouvrage de Gilles Marmasse Histoire hégélienne entre malheur et réconciliation (Vrin, 2015) :

Que peut donc produire une philosophie de l’histoire ? Elle peut élever l’expérience historique au niveau de la pensée, c’est-à-dire identifier ce qui dans la manifestation objective du théâtre historique se ramène à une compréhension sensée pour le sujet. Penser n’est rien d’autre que produire ce regard rétrospectif sur l’expérience au sein de laquelle le sujet cherche à donner sens à l’objet ou, plus exactement, à s’identifier à ce qui lui apparaît du point de vue du sens. « Tout savoir, commente G. Marmasse, est une Aufhebung au sens où il consiste à élever à la pensée idéelle ce qui se présente originairement come réel. Cependant une telle Aufhebung, loin de faire disparaître ou d’occulter son objet réel, le conserve à titre de matériau du savoir idéel qu’elle produit. » En d’autres termes, la pensée philosophique n’est pas là pour établir l’expérience mais pour lui donner sens, donc pour la conceptualiser, pour identifier le multiple de l’expérience sous l’unité du concept : le sujet donne ainsi son propre sens à l’objet, ce que résume l’auteur ainsi : « La philosophie est vraie non pas dans la mesure où elle rapporte des faits avérés – car c’est là la tâche des sciences finies, abstraites – mais dans la mesure où elle pense les faits à partir d’un concept unitaire. »

[www.actu-philosophia.com]
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