La libre circulation des personnes et leur libre installation ont des effets différents. La libre circulation, aussi permanente soit-elle, ne conduit pas à un état de faits nouveau ; elle n'a pas pour effet d'engendrer des forces politiques et des aspirations nouvelles chez les populations du territoire concerné du fait de leur recomposition ; elle n'est pas auto-dépassable par un état qu'elle aurait elle-même engendré. Tandis que la libre installation des personnes, si.
Les Britanniques, qu'ils soient
Leave ou
Remain, ne sont pas opposés à la libre circulation des biens et des personnes dans leur principe mais, pragmatiques, ils ont saisi que l'Union européenne ne distingue pas, et impose à ses membres de ne pas distinguer, libre circulation et libre installation. Les Anglais qui ont voté comme ils l'ont fait le mois dernier entendent préserver la
britishness (la
britannicité, si vous voulez) de leur quotidien sur leur île.
Le multiculturalisme est la doctrine géopolitique nouvelle de l'Empire Mol. L'émergence de ce paradigme après la réunification de l'Allemagne et la refondation eurogermanique de 1992 est rien moins que logique au regard de l'histoire européenne depuis 1871.
Au sortir de toutes les guerres ayant eu la Prusse ou l'Allemagne pour protagonistes en Europe, et dans les périodes de paix intercalaires, les vainqueurs s'attachèrent (que ce soit par le Traité de Versailles ou la conférence de Potsdam au siècle dernier), à tout mettre en oeuvre pour empêcher une résurgence du Reich. La leçon qu'avaient tirée les puissances alliées de ces phases de belligérance est que de l'exigence d'autonomie des germanophones il n'y avait qu'un pas à la proclamation de la nécessité d'annexion des territoires où ils se concentraient et que par conséquent le meilleur moyen de parer à l'émergence de pareils arguments belliqueux et des
casus belli du type "affaire des Sudètes" était de favoriser l'établissement d'une mosaïque d'Etats-nations aussi monoculturels et monoethniques que possible. Cette doctrine, ce paradigme géopolitique, guidèrent ces grandes conférences post-bellum, ils expliquent aussi les immenses et dramatiques mouvements de population forcés, remaniements et reconcentration monoculturelles de la phase 1945-1948 (dans cadre desquels il convient de faire entrer la création de l'Etat d'Israël, parrainnée par les puissances alliées). La partition de l'Allemagne ajoutait un verrou à ce dispositif.
On doit constater aujourd'hui, lorsqu'on se penche sur cette époque, que les patriotismes nationaux dans la phase 1945-92 remplirent leur rôle au-delà de toutes espérances puisque non content d'empêcher la réemergence d'un Reich, ils contribuèrent fortement à saper la domination de l'empire russo-soviétique (Hongrie 1956, Tchécoslovaquie 1968, Pologne 1980-81) et même les vestiges du vieil empire britannique en Irlande du Nord (années 60/70) et à Chypre (1955). A cet essor des nationalismes émancipateurs il faudrait ajouter celui des peuples et nations pris dans les sphères coloniales hollandaises, françaises et anglaises qui tous, en commençant par les Indes néerlandaises (l'Indonésie) dès la fin de la guerre (et, pour l'Empire français, l'Algérie avec les événements de Sétif), puis avec l'Inde et bientôt toute l'Afrique et l'Indochine de l'empire colonial français, s'éveillèrent au nationalisme et conquirent bientôt leur indépendance politique. Donc, la phase de décolonisation souhaitée par De Gaulle, et formalisée par la conférence Bandung en 1955 (création du Mouvement des Non Alignés), doit elle-même être lue dans le paradigme qui domina en Europe continentale, soit cette phase de nationalisme émancipateur, durant laquelle toute l'intelligentsia européenne, et singulièrement parisienne fut pro-peuples et pro-nations.
Le paradigme s'inverse en 1990-92 avec la réunification de l'Allemagne, la dissolution de l'Urss et la concommittante fondation ectoplasmique d'un Reich Mol en 1992 à Maastricht. Le monoculturalisme est soudain déclaré
nauséabond, de Montparnasse au Quai d'Orsay, et les héros émancipateurs, dont le valeureux Lech Walesa en Pologne se trouvent, pour ainsi dire du jour au lendemain si on mesure la rapidité et la radicalité de ce retournement à l'échelle historique, précipités dans le camp du Mal et catalogués de l'étiquette infâmante de "populistes". Les mouvements populaires anti-impérialistes avaient été "glorieux", "héroïques" quand l'empire qu'ils visaient était celui des autres ; tout change à partir de 1992 et ce changement prend un tour particulièrement prononcé aujourd'hui où ce même nationalisme, polonais ou hongrois, est méprisé et péjorativement désigné comme
populisme quand le corps supranational contre lequel il s'élève est le nôtre, soit celui de l'Empire Mol eurogermanique.
Dès cette refondation, la guerre se déclare de nouveau en Europe (en Yougoslavie), et l'intelligentsia qui gouverne encore la France (BHL, etc.) scinde à partir de ce moment les peuples et leurs aspirations en deux camps : les Bons qui ont vocation à rejoindre l'Union européenne, et les Méchants qui ont vocation à s'aligner sur autre chose qu'elle. C'est ainsi que dès ce moment, tous les nationalismes ne sont plus bons : seuls sont bons ceux qui sont jugés, à l'odeur, pouvoir s'agréger à court terme au corps supranational continental central que l'on vient de créer. Donc, l'inversion du paradigme monoculturel/multiculturel s'est accompagné d'un retournement des champs gravitationnels des nationalismes : pour la première fois depuis 1945 des nations européennes entraient en belligérance, ou s'engageaient dans des hostilités politiques avec prise d'armes en 1992, non plus dans le but de SE SOUSTRAIRE à une domination impériale comme cela avait été le cas dans la période 1945-1992, mais dans celui de S'AGREGER à un corps impérial nouvellement fondé en Europe, et se trouvant encouragés à cela par les agents de propagande de ce corps eurogermanique nouvellement créé (cf. BHL et son agitation chronique sur ces théâtres).
L'émergence puis aujourd'hui l'universalisation "kantienne" du multiculturalisme comme doctrine politique et géopolitique sont logiques disais-je parce qu'elles font osciller le pendule
dans le sens d'une libération non plus anti-impérialiste mais impériale, correspondant à l'essor de l'Empire Mol fondé dans ce moment charnière de 1992. L'axe multiculturel est essentiellement impérial ; il est du champ gravitationnel d'une résurgence du Reich parce que son opposé, le paradigme monoculturel d'après-guerre, avait fait office de harnais de contention contre une résurgence du Reich ; et l'effacement des frontières nationales en Europe s'inscrit dans la constitution d'un corps impérial continental nouveau au renforcement duquel nous avons jusqu'ici assisté impuissants, car il est bien probable que le vote Brexit ne soit que le chant du cygne de la résistance patriotique à ce cours de l'histoire.
Mais il y a pire, et plus inquiétant encore : le multiculturalisme , au-delà de son rôle d'outil idéologique de restauration du Reich, est pris comme tremplin vers la création d'un peuple, et même d'une
race (obtenable par un métissage général destiné à abolir toutes races humaines et théorisé comme tel) européenne neuve, inédite et "dédiée" dans tous les sens du terme, devant donner chair au corps politique continental nouvellement institué. Il s'agit d'un trait millénariste qui anime les "artisans de l'Europe" après avoir inspiré les "pères de l'Europe" notamment Coudenhove-Kalergui duquel les chefs actuels de l'Empire Mol (Merkel, Juncker) s'honorent d'être lauréats d'un prix portant le nom.
L'autre trait particulièrement inquiétant est le tropisme de l'Empire Mol pour l'islam, l'invitation permanente qu'il lui tend de collaborer à son édification et à son renforcement politique et spirituel, car il convient de doter l'Empire Mol, outre de chair neuve, aussi d'une spiritualité à la mesure de ses ambitions.
Tel est le tableau, plutôt sombre, dans lequel se trouvent pris les peuples européens aujourd'hui sous la domination politique de l'Empire maastrichtien qui régente cet espace, le réorganise et y sévit.