Pour mieux mesurer tout ce qui nous sépare de "la France d'avant" je propose à la réflexion des lecteurs de ce Forum ce court texte d'André Leroi-Gourhan, parlant de l'enseignement de son maître Marcel Mauss :
"L'image que j'ai de Mauss est une image idéalisée ; mais il avait une façon de construire ses phrases qui suggérait les choses sans les déclarer de façon inflexible. Son discours était tout en articulations et en élasticité. La plupart de ses phrases finissait sur le vide mais c'était un vide qui donnait à construire (…) le plus caractéristique, c'était ses silences. Mauss faisait des commentaires qui accrochaient n'importe quel coin du monde à titre de comparaison. Il avait une érudition fantastique, et nous, on absorbait tout cela avec délectation, sans pouvoir au fond dire, après coup, comment il était parvenu à nous combler. Mauss était un homme d'une confusion géniale. Il mélangeait un peu tout et il en sortait des choses inoubliables. En fait, un maître, on ne sait jamais ce qu'on lui doit. Il y a tant de pensées que l'on construit avec un arrière plan dont on ne se rend pas compte et qui peut vous avoir été communiqué par quelqu'un qui pensait mieux que vous, ou différemment."
In "L'homme qui marche sous la pluie", Jean Clavreul, p. 151.