Paris au Moyen-Age

Espérons qu'un jour il sera possible, grâce à la technique ou à des drogues semblables à celles imaginées par Philp K. Dick, de se téléporter ailleurs dans l'espace et dans le temps. Je choisirai ce Paris-là pour première destination:

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Si vous voulez visiter Paris au moyen-âge, rendez-vous à la petite ville ou gros village de Siem Reap près des temples d'Angkor au Cambodge : vous y verrez Paris se former avec sa rivière qui coule au milieu d'est en ouest, son quartier rive droite à vocation marchande avec ses halles, son quartier rive gauche où se concentrent les établissements culturels (où se trouvait jusqu'en 2015 l'Institut français, près des quais) et d'enseignement, son "quartier latin". Tout le plan de Paris s'organise là sous vos yeux et comme dans l'oeuf, embryonnairement. Avec déjà, rive droite, son enfilade de "grands boulevards" et sa grande avenue Charles-de-Gaulle qui imite celle de la Grande Armée à Paris. Et son Palais royal en bordure de la rivière sur la rive droite qui tiendrait, avec ses grands jardins ouverts, la place des Tuileries et du Louvre.

Cela se fait spontanément, sans que personne n'y ait songé. C'est aussi miraculeux qu'une ontogenèse. Le "rôle" ou le "rayonnement" supposé de la France n'y est absolument pour rien. Cela est sans raison ni cause autre qu'un plan morphique donné, phénoménal : un être survient qui comporte des traits identifiables à ceux d'un autre en l'absence de toute intention, de tout plan supérieur ou transcendant.

un être survient qui comporte des traits identifiables à ceux d'un autre en l'absence de toute intention, de tout plan supérieur ou transcendant.
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Un peu comme en linguistique, plus exactement en phonologie (quoiqu'il n'y ait toujours pas de phonologie achevée du francais et de l'allemand), quand nous ne savons pas très bien pourquoi "choucroute" vient de Sauerkraut... Pourtant nous le savons, en tout cas à partir du moment où un premier étymologiste a découvert cet emprunt.

A vrai dire si, il y a bien un plan transcendant, mais qui n'est autre que le schéma corporel de l'être humain, tel que le mit en graphisme Leonardo :

Les quartiers marchands où se trouvent généralement les halles (le ventre de Paris) ce ventre donc, est toujours en position de répulsion mutuelle avec la tête (comme deux pôles électro-magnétiques qui s'entre-repoussent) ; tous deux s'accordent sans se consulter pour se séparer par un cours d'eau central qui les démarque. Le schéma parisien respecte cela : la ville, comme un corps humain dont la tête ne peut se joindre au ventre, ces deux parties du corps étant rivales et ne supportant pas d'être en contact l'un avec l'autre, la Seine veille à les bien séparer. Mais il y a plus : Notre Dame se refusant à prendre parti entre les quartiers marchands et les quartiers où se concentrent vie spirituelle et vie intellectuelle, elle se pose au milieu, dans une île, chacune de ses deux tours pouvant être symboliquement revendiquée par l'un ou l'autre camp de ce corps scindé ; elles forment ainsi une broche qui soude ces deux moitiés : dans le schéma corporel, le ventre et la tête qui ne peuvent se joindre ni s'atteindre ou se toucher ont à mi-distance, le coeur, qui est figuré dans le schéma parisien par Notre-Dame, sise entre les deux camps rivaux et complémentaires dans le vivre. Et la Seine, comme de juste, irrigue ce coeur. Il me semble que Budapest, la capitale de la Hongrie, suit ce même schéma.

Encore une fois, ce schéma se retrouve dans toute sa pureté dans cette petite ville du Cambodge sans que personne, jamais, n'ait consulté de plan de Paris avant d'y tracer une avenue où d'y bâtir un nouveau quartier. Monde quantique vous dis-je : sans relation de cause à effet reconnaissable par la rationalité et sans transmission d'enseignement non plus. Le simple et magnifique schéma du corps humain sert de plan directeur au corps urbain et ce, sans que personne ne s'en préoccupe.

"Ces jours durans, les mauvais garsons se retirèrent de Paris en grant nombre, desirant de jour à aultre la venue des ennemis, pour que, joinctz avec iceulx ils pussent à leur plaisir piller, dérober et gaster la ville, de sorte que en ce temps estoient plus craints les mauvais garsons de la ville que les ennemis."

In : Le livre de raison de maitre Nicolas Versoris Avocat au parlement de Paris 1519-1530, publié sous le titre : Journal d'un bourgeois de Paris sous François 1er