Le vieillissement de sa population ne me parait pas dangereux pour une société dès l’instant où le besoin de main d’œuvre n’est plus le moteur indispensable à son développement, dès l’instant où l’on a davantage besoin de têtes que de jambes, ce qui me semble être le cas des sociétés technologiquement avancées, qu’on le déplore ou s’en félicite.
Certes, on entend des employeurs se plaindre de ne pouvoir trouver des ouvriers dans tel ou tel secteur industriel ou artisanal. On dit par exemple qu’il est devenu très difficile de recruter des bouchers, en France. Mais cela n’a strictement rien à voir avec le prétendu vieillissement de la population, tout à voir au contraire avec les orientations du système éducatif, et cela ne change rien au fait que nous n’avons pas d’usines à remplir, comme cela a été le cas au XIXè siècle ou après la Seconde Guerre mondiale.
En lui-même, le concept de « vieillissement » de la population me parait entaché d’archaïsme. Il suggère que l’état de vieillesse d’un Européen de 2016 est équivalent à celui d’un européen de 1850, 1950 ou 1970. Ce n’est pas à dire, Dieu sait !, qu’il faille contraindre les gens à gagner encore leur croûte jusqu’à 70 ans et plus mais en aucun cas, ils ne sont vieux comme l’ont été au même âge leurs grands-parents. Il me semble que suffisamment de richesses sont créées qui, mieux distribuées, permettraient de garantir un revenu aux retraités sans en passer par cette vieille lune entre toutes nommée « cotisation ». Car c’est au prétexte absurde de « cotiser » qu’on prétend impératif de « rajeunir » la société par de massifs apports exogènes. Dans des pays qui ne sont minés par le "problème du chômage" qu’en raison du refus obstiné de prendre en compte les métamorphoses du travail humain, on s’ingénie à importer en masse de chimériques « cotisants » censés payer les retraites de la pléthore de « vieux », à qui, dans le même temps, on demande d’ailleurs de travailler de plus en plus longtemps. C’est d’une absurdité d’autant plus absurde que ces masses de nouveaux venus appelés à la rescousse des caisses de retraite sont eux-mêmes promis à voir leur durée de vie s’allonger indéfiniment grâce aux progrès de la médecine et à multiplier ainsi la quantité de personnes vieillissantes à qui il faudra verser une retraite... et les Shadoks pompaient toujours. Comme le souligne justement le communiqué 157 : « Ce point de vue implique […] que la croissance démographique est une nécessité pour toutes les sociétés, et pour l’humanité en général. Or nous sommes arrivés à un stade de développement où c’est l’inverse exact qui est vrai. »
Par imbécillité routinière et déplorable manque d’imagination, on présente le vieillissement de la population européenne comme inéluctable et très fâcheux. C’est faux. Une fois passée la génération du « baby-boom », si la population cessait de croître dans des proportions d’un autre âge, la baisse des naissances entraînerait automatiquement la baisse de la future quantité de « vieux » et un équilibre démographique pourrait s’installer.
Pour ma part, je ne crois malheureusement pas à un tel scénario. L’homme préférera tenter de se répandre dans le cosmos comme les poux changent de tête quand ils sont trop nombreux.