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Langages et musiques

Envoyé par Daniel Teyssier 
30 septembre 2016, 10:12   Langages et musiques
Entendu ce matin, vers 7h45, sur France Musique(s), au mot près : "Je vais vous emmener à réfléchir sur la notion sur qu'est-ce-que c'est la musique contemporaine". La personne, qui s'exprime ainsi si joliment, voulait nous inviter à l'écoute de Stockhausen.

Au-delà d'un tel massacre syntaxique, mon propos ici est de vous emmener à réfléchir sur la notion sur qu'est-ce-que c'est qui fait que ce type de langage semble bien s'acoquiner avec cette musique-là".
En effet on n'imagine pas cette même personne dire : "Je vais vous emmener à réfléchir sur la notion sur qu'est-ce-que c'est la musique de Mozart" ou aussi sur qu'est-ce-que c'est la musique de Bach ou même encore sur qu'est-ce-que c'est la musique des Rolling Stones.
Cela ne collerait pas, sonnerait étrangement. Cela ne cousine pas, ne s'acoquine pas. Pourquoi ? Peut-être parce-que la musique dite contemporaine et ce pseudo langage partagent tous les deux ce goût de l'atomisation des règles anciennes, mais surtout ont en commun snobisme et morgue, goût pour l'expression absconse et faussement
savante
.
Bach ou Mozart n'ont pas ces qualités-là !

Car, n'en doutez pas un seul instant, ceux qui s'expriment ainsi sont convaincus de le faire de façon savante, et d'appartenir, si ce n'est à une élite, à tout le moins à une caste intello. Pour en être et être reconnu, il faut s'exprimer ainsi, et singer ceux qu'on pense qui en sont.
30 septembre 2016, 10:43   Re : Langages et musiques
Désolé, on imagine parfaitement cette même personne dire : "Je vais vous emmener à réfléchir sur la notion sur qu'est-ce-que c'est la musique de Mozart"

"Je vais vous emmener à réfléchir ensemble sur comment la notion de métissage musical était déjà déjà présente dans le Requiem de Mozart et sur qu'est-ce que c'est qu'il faut entendre ici par métissage".

Restez à l'écoute assez longtemps, et vous finirez par la capter celle-là.
30 septembre 2016, 14:14   Re : Langages et musiques
Oui Francis bien sûr ! On peut imaginer tout à fait cela. Je n'ai pas d'avis définitif à ce sujet. Je cherche...

Néanmoins il me semble que si la même personne déclarait : "Je vais vous emmener à réfléchir sur la notion sur qu'est-ce-que c'est la musique de Claude François (ou d'un autre chanteur dit de variétés)" il y aurait encore un peu plus de ridicule à le faire.
Ces tournures faussement savantes font surtout bon ménage, me semble-t-il, avec l'art dit contemporain et, plus généralement avec la soi-disant modernité. J'y perçois comme un cousinage.
D'ailleurs dans votre exemple du requiem de Mozart je note que vous introduisez le concept moderne de métissage. C'est par lui que va se faire le lien entre Mozart et ce type de langage.
30 septembre 2016, 17:20   Re : Langages et musiques
Discourir sur la musique contemporaine est de toute façon "casse-gueule". Il faut avoir une solide culture classique pour commencer à en parler sans se prendre les pieds dans les câbles de sonorisation.

Alors on se protège en l'abordant dans une langue en dessous-de tout, sans prétention aucune, c'est plus sûr.

Pour Claude François, là, on est chez nous, on respire : le discours file, vole, sans souci aucun, sans doute aucun.

Exemple de musique contemporaine sublime sur laquelle personne, d'aucun horizon culturel qu'il soit, ne saurait aventurer le petit orteil glossateur : celle d'Anthony Braxton, compositeur et multi-instrumentiste qui produit une musique si complexe et si originale qu'il faut trois chefs d'orchestre en même temps pour diriger l'ensemble qui l'interprète ! (C'est ce qu'il appelle l'approche "tri-centrique" (http://tricentricfoundation.org/).

Cette musique, infiniment belle, dont les partitions sont elles-mêmes des dessins, des folies picturales tracées dans l'écoute même de la musique, nous laisse coi. Je ne saurais vous en dire un seul mot, sûr de trahir, si je le faisais, mes propres sentiments, ma propre expérience de cette musique, pour ne rien dire de celle des musiciens qui s'y consacrent. Ils s'y consacrent avec sérieux, avec science, sans effet, et même avec une jouissance apparemment sage et mesurée.

Il y a certaines musiques, comme celle-là, qui ont cette vertu véritablement sublime de clouer le bec aux radioteurs. Il en faudrait plus. Il faudrait se liguer pour en demander plus.

Mozart fut peut-être une sorte d'Anthony Braxton dans son époque : un type épatant, qui défiait le commentaire, qui surclassait le classique, ne le faisant exister, et ré-exister, que pour l'abattre aimablement et le cueillir comme petite fleur sur le bord du chemin.

Ecrire ou parler sur la musique, quand la musique est véritablement exceptionnelle, est chose impossible, du moins pour moi, comme je crois, pour un grand nombre.

Stockhausen, de ce point de vue, reste indiscutablement intimidant.

Fiche Wikipédia d'Anthony Braxton : [fr.wikipedia.org]

[tricentricfoundation.org]
Pour Claude François, là, on est chez nous, on respire : le discours file, vole, sans souci aucun, sans doute aucun.

[www.youtube.com]

Le play-back de Claude François mais aussi le néo-burlesque muet de Benny Hill: des puissances du faux que Deleuze trouvait intéressantes.
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