C'est en effet une expérience que les Français d'origine étrangère qui sont néanmoins très attachés à la France française peuvent faire à peu près tous les jours.
Arrive ce moment où l'anti-raciste de souche patenté, après vous avoir prodigué quelques leçons de morale et vous avoir expliqué
à vous ce que c'est que l'immigration (en dépit d'une enfance entièrement passée à Meung-sur-Loire (je n'ai rien contre les enfances passées à Meung-sur-Loire,
mind you)), va, très logiquement et très bathmologiquement, vous jeter vos origines étrangères à la figure.
« Franchement (sous-entendu : espèce de métèque), après ce que la France a fait pour toi et tes parents, tu pourrais au moins te montrer tolérant et ouvert à l'Autreeeeeeeeeuh ! Quand on vient d'un pays comme le tien ! »
Je l'ai souvent dit : dans ma vie, je n'ai essuyé que peu, très peu, vraiment très peu de remarques ouvertement racistes au sens conventionnel du terme. En fait, je n'y ai pas eu droit du tout. C'en est presque scandaleux. Au contraire, j'ai toujours trouvé que les Français aux côtés desquels j'ai grandi et qui m'ont en bonne partie éduqué ont toujours fait montre d'une xénophilie légèrement délirante. Les seules remarques nettement racistes auxquelles j'ai eu droit ne me sont arrivées très récemment, paradoxalement, et de la part de personnes à la mentalité la plus anti-raciste qui fût. Il faut comprendre ces personnes : elles
adooooorent les étrangers. Mais pauvres. Mais incultes. Si possible illettrées. En guenilles. Assistés. Clandestins. Non-civilisés. Sales. Enfermés dans leur violence, leurs névroses et leur prison mentale. Ceux-là, oui, autant qu'on voudra.
Mais gare à toi, l'Etranger, si tu n'es pas comme ça, si tu te prends en main : car dans ce cas, tu leur ôtes la possibilité de se mirer dans le beau miroir de l'anti-racisme. S'assimiler, c'est leur voler leur supériorité morale de Blanc, et en fin de compte leur supériorité tout court. Rien ne va plus, et alors le racisme ancienne manière (degré 1), après un long détour par un anti-racisme qui ignore sa propre fausseté (degré 2), remontra à la surface de façon soudaine et étrangement décomplexée (degré 3).
Voilà pourquoi, pour me prémunir de tout racisme, je ne fréquente que les milieux dits d'extrême-droite.