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"En marche !" d'Emmanuel Macron ou le recrutement Pokémon (Combaz)

Envoyé par Francis Marche 
Tant qu'il y aura des types comme Combaz on se dit que tout n'est pas fichu, que le pays dort profondément mais qu'il n'est pas mort pour autant :

[twitter.com]

Combaz évoque sa jeunesse et le bon sens critique qui caractérisait alors un certain esprit français "dans la génération d'après-guerre". C'est esprit est-il perdu, n'est-il plus qu'un souvenir recouvert par celui de "la télé-réalité" universelle qui inonde les consciences et s'impose comme norme ? Il est normal d'être idiot, en France, désormais, incline-t-on à penser. L'imbécilité panurgique imposée par les cabinets-conseils en communication a triomphé de tout. Puis quelqu'un comme Combaz vient rayer ce constat en rappelant que le sens critique français reste la norme sous-jacente. Que pensent nos contemporains de son propos ? Personne ne peut le dire car bien entendu aucune étude sérieuse n'est jamais entreprise sur cette question. Est-il donc illusoire de croire qu'une majorité de Français partage encore son point de vue ?
Utilisateur anonyme
24 janvier 2017, 20:27   Re : "En marche !" d'Emmanuel Macron ou le recrutement Pokémon (Combaz)
Oui, c'est illusoire. La France d'aujourd'hui, c'est Marmaille & Racaille.

Marmaille
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Racaille
[www.youtube.com]

Entre ces deux pôles, quelques fantômes...
Autant espérer que revienne ce genre de vendeur :

"Je le vois derrière son comptoir, dans son complet noir si correct, les cheveux bien lissés, son visage pâle impeccablement rasé. Lorsqu’un client entre dans la boutique, il pose soigneusement sa cigarette sur le bord du cendrier et, tout en frottant l’une à l’autre ses mains fines, il se met avec empressement au service de l’acheteur. Parfois – et surtout si le client est une dame – il a un faible sourire destiné à exprimer, au choix, la condescendance que méritent généralement les livres, ou peut-être l’ironie qu’il éprouve à se voir, lui, dans ce rôle de vendeur, et il donne de judicieux conseils – cela vaut la peine d’être lu, tandis que ceci est un peu trop indigeste ; dans ce roman, l’éternelle guerre des sexes est décrite de façon très amusante, ce n’est pas très profond, mais c’est brillant, très capiteux, vous voyez ce que je veux dire, comme le champagne. Et la dame qui a acheté le volume, la dame à la fourrure noire et aux lèvres rouges, emporte avec elle la troublante image de ces deux mains délicates maniant les livres avec une certaine gaucherie, de cette voix pondérée, de cette ombre de sourire, de cette élégance affable."

Vladimir Nabokov – Le Guetteur (1965) (trad. de l’anglais Georges Magnane 1968)
Utilisateur anonyme
31 janvier 2017, 04:59   Re : "En marche !" d'Emmanuel Macron ou le recrutement Pokémon (Combaz)
Pouvoir écrire comme je-ne-sais-plus-qui : "Je suis fier d’être resté un esprit libre. Je suis fier de n’avoir jamais déserté la pensée critique. Je n’ai jamais abandonné le désir de voir “de l’autre côté du miroir”. Je ne suis pas l’homme de la repentance ou de la Téchouvah. C’est aussi une chose dont je suis fier."
31 janvier 2017, 14:40   Question Réponse
Incidemment, la techouva signifie littéralement la "réponse", et celui qui y est "revenu", selon l'expression désignant l'homme revenu à Dieu (le hozer betechouva) a donc par cela même abdiqué tout sens critique, justement, tout questionnement, pour se lover comme un coq en pâte, un ver dans l'élément nourricier profus, au sein de l'absoluité pérenne de la réponse à toute chose.
Et celui qui a opéré la démarche inverse, s'étant défroqué du fardeau de la Torah, est "retourné à la question" : c'est le hozer bechéélah.
Utilisateur anonyme
31 janvier 2017, 17:19   Re : Question Réponse
"La techouva (hébreu תשובה, « retour » ou « réponse ») est le processus de repentance dans le judaïsme, tant dans la Bible hébraïque que dans la littérature rabbinique. Conformément à la pratique juive, une faute, une erreur, un acte interdit, peuvent être pardonnés sous réserve d'engager une démarche de techouva."
Il faudrait parler de "distance critique", en France. Laquelle voyage.

Je suis en train de lire la biographie d'un prêtre gardois réfractaire sous la Terreur de Robespierre. Les adorateurs de la Raison lui livrèrent une chasse à l'homme, dans les maquis qu'entourent trois villages dans le secteur du Pont-du-Gard ; le saint homme, habité par l'Eucharistie, était la distance critique personnifiée. C'était un résistant à l'adhésion aux idées du jour (terme employé par le biographe).

Les terroristes voulaient sa peau pour le fanatisme qu'ils lui reprochaient... Ces vénérateurs de la déesse Raison investirent son église et y improvisèrent un oratoire à l'Etre Suprême, un monticule de terre piqué de fleurs fut aménagé à l'endroit de l'autel, surmonté d'un buste de Marianne. Des séances d'épurations, parodies de confessions, rendues publiquement, furent organisées à l'usage des paroissiens. S'épurer consistait à venir déclarer là, sous les rires et les gras blasphèmes fusant, ce qu'on avait fait pour la République et ce qu'on n'avait pas fait assez. Pendant ce temps, à Nîmes, le Tribunal révolutionnaire, devant qui on traînait les mal-épurés, faisait tourner la guillotine à plein régime.

Pendant ce temps, le curé du village, replié seul dans une grotte des collines, tel le lièvre dans son gîte, serrant sur sa poitrine son crucifix, se tenait critiquement distant.

Pour en savoir plus et voyager dans le sens critique :
Biographie d'abbé L. Dorte, curé de Lédenon sous la Terreur dans Gallica (non daté mais probablement des années 1880) : [gallica.bnf.fr]
31 janvier 2017, 19:23   Retour à l'Envoyeur
Citation
Pascal Mavrakis
"La techouva (hébreu תשובה, « retour » ou « réponse ») est le processus de repentance dans le judaïsme, tant dans la Bible hébraïque que dans la littérature rabbinique. Conformément à la pratique juive, une faute, une erreur, un acte interdit, peuvent être pardonnés sous réserve d'engager une démarche de techouva."

C'est le "retour à Dieu", par quoi donc la réponse à toute question est dorénavant donnée ; et par l'abandon de la foi l'on revient au questionnement. La repentance n'intervient qu'après, dans la mesure où l'on a déjà décidé d'effectuer le retour.
MM Eytan et Mavrakis nous entretiennent du voyage, politique, de la distance critique. Voyage en forme d'oscillation (éloignement puis retour à Dieu).

Bien comprendre que les prêtres réfractaires sous la Terreur étaient ce qu'on appelait prêtres inassermentés, ne reonnaissant pas l'autorité de l'Assemblée nationale en matière religieuse et ecclésiale. Ils refusaient l'amalgame entre l'Eglise et l'Etat et, à tout prendre leur parti pris politique n'était autre que celui... de la laïcité telle qu'elle est actuellement comprise. La séparation de l'Eglise et de l'Etat, tel était le principe défendu par les prêtres réfractaires, chassés par les révolutionnaires comme du gibier, la plupart de ceux du Gard s'exilant en s'embarquant à Aigues-Mortes en 1794, avant de tomber entre les mains de pirates barbaresques. L'Abbé Dorte, lui, prit le maquis, exactement comme le firent les réfractaires au STO en 1942 (les paroissiens fidèles le cachaient, l'avertissaient des raffles, l'avitaillaient nuitamment, etc.).

Voilà donc que la distance critique à la française, le refus, le NON, prit dans ces temps troublés la figure d'un curé de campagne, se crevant les yeux dans une caverne sans lumière à lire son bréviaire ou qui, chez les paysans, baptisait des enfants et administrait l'extrême-onction clandestinement au péril de sa vie.

Dans cette période historique, ce "calotin fanatique" fut le plus français des hommes.
Je crois que les plus estimables rationalistes ont toujours été critiques, et reconnu les limites de la raison : cela s'est appelé aussi "rationalisme critique", et Kant en a même été l'un des champions : la première Critique consiste entre autres, et peut-être surtout, à délimiter l'aire opératoire de la raison, et indiquer par défaut ce qu'elle ne peut pas.
Cela tient dans cette proposition anti-hégélienne par excellence : tout le réel n'est pas réductible au rationnel. Loin s'en faut.
Il devrait y avoir une recherche française de la raison, dialectique à sa façon, dans l'esprit de conservation réfractaire. L'abbé Dorte était conservateur forcené, en cela que la paix, la préservation des vies dans la séparation continue des ordres lui apparaissaient comme ne pas devoir être sacrifiées à l'impératif de la nouveauté. Il était sage et son choix politique, pour le coup "franchement décalé", était visionnaire. La nation mit un gros siècle pour le rejoindre.

Le plus remarquable : que dans ces années de la Terreur, le pol-potisme robespierriste pouvait, au hasard, pour les mêmes faits formant grief, faire couper en deux en place publique tout opposant à qui auront été reprochés aussi bien le "fanatisme" que "la temporisation complice avec les ennemis de la Nation". Dorte était chassé partout, à coup de perquisitions musclées chez les villageois, à coup de battues dans les bois, avec chiens de chasse, etc. parce que considéré coupable de ces deux travers politiques pourtant antinomiques. Telle était la puissance de la Raison chez ces barbares, conduits de loin et excités par leur chef sanguinaire à perruque poudrée.

La biographie de l'abbée Dorte gagne à être connue. Son auteur est d'une bonne plume. On pourrait se croire dans Giono, ou un film de Maurice Pialat.
La guillotine : la guillotine était comme la Gauche sociétale -- elle tranchait les gens en deux morceaux quand la gauche le fait en deux camps : le Bien d'un côté, le Mal de l'autre, lequel par la grâce implacable de la Veuve se retrouvait subitement orphelin, dans le panier sanguinolent.

Rendre le Mal orphelin par le tranchant séparateur, c'est depuis Robespierre, le job souverain, souterrainement continu, inavouable, de la Gauche catégorique, sur ce plan très-hautement, et fort incisivement discriminante.
Je vous rappelle toutefois qu'il est depuis fort longtemps de notoriété publique que la raison a son siège dans la tête, laquelle peut difficilement être tenue pour le Mal par ceux qui vouent un culte à celle-là ?
Vous m'avez lu à l'envers, comme souvent. Du reste, dans sa version post-moderne, celui du couperet moral entré en politique, le corps c'est le Bien, la tête, c'est le Mal, ce qui ne change rien à la machine à séparer l'un de l'autre qu'était la guillotine. Le mal-penser rend coupable (bon à couper). Les tribunaux journalistiques et leurs grands juges qui siègent le soir dans le petit écran aux heures de grande écoute ordonnent les mêmes exécutions, qui pour se pratiquer dans la sphère symbolique, renouvellent et perpétuent la Veuve séparante -- à ma gauche le Bien et le Corps (social) sain; à ma droite le Mal et la Tête mal-pensante, partie du corps social à détacher du reste.

Les médias suppriment la tête des citoyens. Ils la leur lavent de près, ils leur font la barbe au ras du cou, comme autrefois aux condamnés. La télé, cube ou écran plat, est le billot du nouveau régime.
Sur Macron et le macronisme, trouvé à l'instant :

« Ceux qui m’ont déjà fait l’honneur de me lire savent que je n’ai pas l’habitude de désigner sous le nom d’imbéciles les ignorants ou les simples. Bien au contraire. L’expérience m’a depuis longtemps démontré que l’imbécile n’est jamais simple, et très rarement ignorant. L’intellectuel devrait donc nous être, par définition, suspect ? Certainement. Je dis l’intellectuel, l’homme qui se donne lui-même ce titre, en raison des connaissances et des diplômes qu’il possède. Je ne parle évidemment pas du savant, de l’artiste ou de l’écrivain dont la vocation est de créer – pour lesquels l’intelligence n’est pas une profession, mais une vocation. Oui, dussé-je, une fois de plus, perdre en un instant tout le bénéfice de mon habituelle modération, j’irai jusqu’au bout de ma pensée. L’intellectuel est si souvent un imbécile que nous devrions toujours le tenir pour tel, jusqu’à ce qu’il nous ait prouvé le contraire.
Ayant ainsi défini l’imbécile, j’ajoute que je n’ai nullement la prétention de le détourner de la Civilisation des Machines, parce que cette civilisation le favorise d’une manière incroyable aux yeux de cette espèce d’hommes qu’il appelle haineusement les « originaux », les « inconformistes ». La Civilisation des Machines est la civilisation des techniciens, et dans l’ordre de la Technique un imbécile peut parvenir aux plus hauts grades sans cesser d’être imbécile, à cela près qu’il est plus ou moins décoré. La Civilisation des Machines est la civilisation de la quantité opposée à celle de la qualité. Les imbéciles y dominent par le nombre, ils sont le nombre. J’ai déjà dit, je dirai encore, je le répéterai aussi longtemps que le bourreau n’aura pas noué sous mon menton la cravate de chanvre : un monde dominé par la Force est un monde abominable, mais le monde dominé par le Nombre est ignoble. La Force fait tôt ou tard surgir des révoltés, elle engendre l’esprit de Révolte, elle fait des héros et des martyrs. La tyrannie objective du Nombre est une infection lente qui n’a jamais provoqué de fièvre. Le Nombre crée une société à son image, une société d’êtres non pas égaux, mais pareils, seulement reconnaissables à leurs empreintes digitales. Il est fou d’opposer le Nombre à l’argent, car l’argent a toujours raison du Nombre, puisqu’il est facile et moins coûteux d’acheter en gros qu’au détail. Or, l’électeur s’achète en gros, les politiciens n’ayant d’autre raison d’être que de toucher une commission sur l’affaire. Avec une Radio, deux ou trois cinémas, et quelques journaux, le premier venu peut ramasser, en un petit nombre de semaines, cent mille partisans, bien encadrés par quelques techniciens, experts en cette sorte d’industrie. »

Georges Bernanos, La France contre les robots

(j'adore le dussé-je, une fois de plus, perdre en un instant tout le bénéfice de mon habituelle modération, j’irai jusqu’au bout de ma pensée. Je vais essayer de l'apprendre par coeur.)
» Vous m'avez lu à l'envers

Je vous prie de m'excuser Francis, mais je vous assure que j'ai pris soin de vérifier ce qui, du corps ou de la tête, était le Bien ou le Mal :
« le Bien d'un côté, le Mal de l'autre, lequel par la grâce implacable de la Veuve se retrouvait subitement orphelin, dans le panier sanguinolent », avez-vous écrit : j'en ai conclu que comme c'étaient les têtes qui se retrouvaient dans le panier, elles figuraient donc le Mal, c'était logique...
Utilisateur anonyme
04 février 2017, 14:48   Re : "En marche !" d'Emmanuel Macron ou le recrutement Pokémon (Combaz)
@Francis

Grand Bernanos... qui nous renvoie à Heidegger (ou quand le grand romancier rejoint le grand philosophe, ou inversement) : même mépris pour les institutions démocratiques, les partis politiques, l'intellectualisme, l'égalitarisme petit-bourgeois, le modernisme en art et le cosmopolitisme.

Le sens de l'extrait que vous nous proposez est clair : les qualifications existentielles sont plus importantes que les qualifications intellectuelles.
04 février 2017, 16:57   Imbroglio
Les authentiques "qualifications intellectuelles" ne se mêlent pas de ce qui est "le plus important", elles laissent ça aux intellectuels qui pensent que l'on peut déterminer ce qui l'est en ne pensant pas.
Etrange dialectique entre corps social et corps physiologique, spiritualité et corps chrétien (spiritualisé, esprit ritualisé dans le corps du Christ) sous la Terreur :

Les robespierristes voulaient tout en même temps réunir, fondre, amalgamer, faire de l'Un de l'Eglise et de la Nation, faire qu'il n'y ait plus de corps ecclésial qui obéisse à une entité autre que la Nation, et pour ce faire, pour assurer ce résultat, ils se livrèrent à une action séparante et tranchante des corps en deux parties irréconciliables : la tête (l'Esprit) d'un côté du panier de la guillotine, de l'autre, le corps. Ils tenaient fanatiquement à faire de deux entités distinctes de l'Un (Eglise et Nation) mais s'employaient à réaliser sur les corps l'opération contraire consistant à les scinder en deux parties (tête et corps).

L'abbé Dorte et avec lui les prêtres réfractaires, oeuvrant au plus près du peuple (corps social) et par conséquent fondus à lui, tenaient quant à eux à maintenir indépendantes les deux entités : celle de l'Eglise, figurant l'esprit, d'une part, et le corps social, figuré par la Nation d'autre part. Dorte, pour se préserver de la guillotine séparante, se fit "comme un poisson dans l'eau" dans le corps composé de ses ouailles. Il fit corps avec elles, dans le village de Lédenon. Lui aussi fit donc le contraire de sa doctrine qui était ségrégationniste (Eglise distincte de la Nation).

Tels sont les temps troublés, dont on a retrouvé le schéma sous l'Occupation (1940-1944) en France, quand les bords politiques protagonistes (Collaboration et Résistance) ont agi chacun à contre-emploi de sa doctrine. Temps où chaque français était, en son coeur divisé. Lire à ce sujet de très remarquable roman de Marcel Aymé Le Chemin des écoliers, où l'on trouvera cette phrase qui résume assez bien ce paradoxe : chacun ne pensait que d'un oeil.
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