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La marmite sud-américaine

Envoyé par Gérard Rogemi 
Je sais, chers liseurs, que le copié-collé est une chose très/trop facile mais la rédaction de billets demande beaucoup de temps et je n'en ai pas.

Ci-dessous vous trouverez un article paru sur le blog Le Meilleur des Mondes dont j'ai tout particulièrement retenu le dernier paragraphe:

"Et la France dans cette crise? Je répondrai en citant le commentaire ironique d'un lecteur du Monde qui résume bien sa position: "une guerre en Amérique du sud importe peu, pourvu que l'on puisse récupérer notre otage français!" Ingrid Betancourt est le seul horizon de la diplomatie française. Les présidents successifs se battent pour qu'elle revienne pendant leur mandat, afin qu'ils puissent être là lorsqu'elle descend de l'avion. Voilà tout ce qui compte. Ingrid Betancourt n'intéresse même pas les autorités françaises en tant que personne. Elle ne vaut que par la couverture médiatique qu'on peut en tirer. L'hypocrisie suintante et opportuniste qui émane de la position française ne contribue évidemment pas à relever le prestige du pays en Amérique du sud."


La marmite sud-américaine
le 06 Mar 2008

Les FARC empoisonnent bien des populations en Amérique du Sud. La guérilla marxiste agit surtout comme révélateur des motivations des uns et des autres.

Que se passe-t-il là-bas? Alors que l'Amérique du Sud semblait vivre son bonhomme de chemin - on n'entendait guère parler de cette région du monde dans l'Hexagone hors des happenings appelant à la libération d'Ingrid Betancourt - ces derniers jours ont donné lieu à une surenchère incroyable de prises de position et de provocations.

Si on remonte un peu dans le passé, on s'aperçoit sans trop de peine que la marmite a commencé à se réchauffer depuis que le président vénézuélien Hugo Chavez est arrivé au pouvoir. Prônant une politique d'extrême-gauche décomplexée et financée par les revenus pétroliers du pays (tant qu'il en reste), le politicien a toujours été idéologiquement proche des FARC, dont le marxisme n'est guère éloigné de sa propre conception de la "révolution bolivarienne". qu'il a cherché à étendre aux pays voisins en intervenant directement dans leurs campagnes électorales. C'est donc tout naturellement qu'il est devenu un "intermédiaire privilégié" dans les "pourparlers humanitaires" avec les rebelles. La manoeuvre lui donnait une excellent visibilité médiatique et un bon moyen de s'introduire dans la politique intérieure de l'ennemi Colombien.

Ennemi? Sans aucun doute. La Colombie est dirigée par le président Alvaro Uribe, conservateur et allié des Etats-Unis, deux péchés impardonnables. Hugo Chavez hait les Etats-Unis avec une passion presque religieuse (comme beaucoup de gens de ce côté de l'Atlantique, il faut bien l'admettre.) Les amis de mes ennemis sont mes ennemis, la Colombie est donc haïssable à son tour. Naturellement, Hugo Chavez, en bon dictateur paranoïaque, prête des pouvoirs paranormaux aux organisations américaines. Si l'économie vénézuélienne s'effondre, si ses projets de réforme de la Constitution échouent, ce ne peut être que la faute du diable américain. Il est également persuadé que les Américains, qui ont bien d'autres chats à fouetter, veulent attenter à sa vie.

Tout ceci aurait pu en rester là s'il n'y avait eu l'incident Raul Reyes.

Feu Raul Reyes était donc le numéro deux des FARC. Un homme "diplomate, doux, intelligent et cultivé" dont la mort est "une grande perte", selon le correspondant de France Info en Colombie. Pas une grande perte pour les FARC, cette bande de tueurs qui sévissent depuis quatre décennies dans la jungle et retiennent plus de 1'600 otages innocents dont la célébrissime Ingrid, non; une grande perte pour tout le monde. Pour l'humanité entière. Une chadelle vient de vaciller et de s'éteindre. On en aurait la larme à l'oeil en oubliant presque que même l'Union Européenne, dont les critères sont on ne peut plus souples, a listé les FARC comme mouvement terroriste.

Raul Reyes est donc mort. Il s'est fait tuer avec seize de ses compères, samedi dernier, dans le bombardement de son camp. Il avait pourtant pris soin de l'installer dans une zone de jungle en Equateur. Les frontières sont les meilleurs amis des rebelles de tous poils: hors de la juridiction de l'ennemi, on est hors d'atteinte. Mais le camp de la guérilla était situé à seulement 1.8 kilomètres de la frontière colombienne, et Raul Reyes fut identifié par son téléphone satellite. Les Colombiens pesèrent le pour et le contre d'une violation du territoire équatorien et conclurent que le jeu en valait la chandelle. Ils donnèrent leur feu vert à un bombardement et lancèrent ensuite une offensive terrestre pour jauger du résultat. Ce dernier fut à la hauteur de leurs espérances. L'armée colombienne rapatria le cadavre, et surtout, les débris de son ordinateur portable personnel. Des spécialistes informatiques dépêchés sur place n'eurent pas trop de mal à récupérer les informations stockées sur le disque dur, mettant la main la correspondance perrsonnelle de Raul Reyes et une multitude d'informations sur le fonctionnement de la guérilla.

Au milieu des liens révélés entre les FARC et les gouvernements équatoriens et vénézuéliens, ils dénichèrent également la preuve d'un versement par M. Chavez de 300 millions de dollars à la guérilla marxiste.

On comprend la colère de M. Uribe. 300 millions de dollars, c'est entre 17 et 25'000 dollars par troufion des FARC, près de 200'000 dollars par otage qu'ils détiennent; largement de quoi éteindre la rébellion sous des liasses de billets ou libérer tous les otages, si tel avait été l'objectif. Mais de toute évidence, ce n'est pas le cas. Cet argent est une subvention pour continuer la lutte.

Hugo Chavez a joué de malchance. Les frontières sont poreuses entre la Colombie et tous les pays voisins, mais Raul Reyes s'est fait tuer en Equateur, pas au Venezuela. Pauvre Chavez! Lui qui aurait tant aimé en découdre avec Alvaro Uribe, le haranguer aux Nations Unies sous un tonnerre d'applaudissements, jouer les vierges effarouchées! Pas de chance, la frontière de son pays n'a pas été violée. Cela ne l'a pas empêché de faire comme si: dès que la nouvelle a été connue, le bouillant président vénézuélien, pris d'une colère noire, a donné ses ordres et mobilisé des bataillons, dépassant largement en intensité la réaction du gouvernement équatorien pourtant premier concerné... Hélas pour Chavez, le Venezuela n'a rien à reprocher à la Colombie dans l'affaire Reyes.

Le gouvernement équatorien, quant à lui, ne manque pas d'aplomb: abriter secrètement sur son territoire des groupes armés de narco-terroristes en guerre ouverte contre le pays voisin ne gêne pas son sens chatouilleux de la souveraineté nationale ni sa conception de "relations normales" avec la Colombie. En revanche, venir attaquer ces groupes dans une zone de non-droit est une violation intolérable de sa souveraineté. Etonnant!

La crise est installée. Une aventure militaire est peu probable, sans qu'il soit possible de l'exclure totalement. Depuis, tous les pays du coin prennent position et s'alignent sur la Colombie et les Etats-Unis ou le Venezuela et les FARC suivant une grille extrêmement simple, selon que leur gouvernement soit de droite ou de gauche. La Colombie, dont le gouvernement conservateur est presque un accident dans une Amérique du Sud foisonnante de socialisme, se retrouve bien isolée. Mais les gouvernements de gauche sont solidaires de Chavez seulement jusqu'à un certain point; ils réalisent le danger que représente son extrémisme et le caractère international du danger incarné par les FARC. En effet, ces derniers débordent largement des frontières colombiennes.

Et la France dans cette crise? Je répondrai en citant le commentaire ironique d'un lecteur du Monde qui résume bien sa position: "une guerre en Amérique du sud importe peu, pourvu que l'on puisse récupérer notre otage français!" Ingrid Betancourt est le seul horizon de la diplomatie française. Les présidents successifs se battent pour qu'elle revienne pendant leur mandat, afin qu'ils puissent être là lorsqu'elle descend de l'avion. Voilà tout ce qui compte. Ingrid Betancourt n'intéresse même pas les autorités françaises en tant que personne. Elle ne vaut que par la couverture médiatique qu'on peut en tirer. L'hypocrisie suintante et opportuniste qui émane de la position française ne contribue évidemment pas à relever le prestige du pays en Amérique du sud.
Oui. Jamais vu un président aussi pressé de prendre l'avion...
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