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Le règne de l'Eau

Envoyé par Utilisateur anonyme 
Utilisateur anonyme
24 mai 2017, 17:50   Le règne de l'Eau
En parcourant Carl Schmitt :

L’Eau est l’élément qui symbolise par excellence le libéralisme marchand des thalassocraties, des sociétés manchestériennes, des ploutocraties : voilà pourquoi un monde dominé par l’élément Eau refuse de reconnaître limites et frontières, les harmonies paisiblement soustraites à toute fébrilité permanente (Carl Schmitt rappelle dans son Glossarium que qui cherche le repos, immobile, en mer coule et se noie). Il n’y a plus d’ « otium » (de repos fructueux, d’introspection, de méditation, de transmission sereine) possible, il n’y a plus que du « neg-otium » (de la nervosité fébrile, des activités matérielles, acquisitives et cumulantes, sans repos). Seul ce « neg-otium » permanent et ubiquitaire survit et se développe de manière anarchique et exponentielle, submergeant tout sous son flux. Nous vivons alors dans des sociétés ou une accélération sans arrêt (Beschleunigung) domine et annule toutes les tentatives raisonnables de procéder à une « décélération » (Entschleunigung). Dans cette perspective, toute véritable pensée écologique, et donc non politicienne, vise à ramener l’élément Terre à l’avant-plan de la scène où se joue le politique (même si la plupart de ces menées écologiques sont maladroites et empêtrées dans des fatras de vœux pieux impolitiques).
24 mai 2017, 18:03   Re : Le règne de l'Eau
Il est intéressant de noter au passage (mais j'espère que nous y reviendrons) que dans l'histoire des civilisations occidentales et islamiques au moment d'émergence des temps modernes dans notre ère chrétienne, thallassocraties et puissance continentales chrétiennes (thalassocraties ibères et puissance continentale russe) ont agit simultanément, à défaut de le faire de concert, pour circonvenir lentement l'islam qui était lui aussi une thalassocratie (l'océan Indien, "lac arabe") doublée d'une puissance continentale (les Osmanli), si bien que la dichotomie Eau/Terre n'est opérante qu'à l'intérieur d'un bloc civilisationnel (celui de l'Occident en particulier) et qu'elle ne l'est pas dans la perspective d'un conflit des civilisations. Ce qui pourrait rendre compte du malentendu permanent, du sous-conflit parasite et des divisions persistantes du camp occidental (les thalassocraties héritières d'Amérique du Nord vs les Poutiniens) dans l'actuel conflit des civilisations. L'eau et la terre nous divisent et ne divisent que nous dans le conflit qui nous oppose à l'islam.

Si les circonstances de ce forum s'y prêtent, je vous proposerai de lire ensemble certaines pages de l'anthropologue et historien A.J. Toynbee sur le sujet.
Utilisateur anonyme
24 mai 2017, 19:48   Re : Le règne de l'Eau
la dichotomie Eau/Terre n'est opérante qu'à l'intérieur d'un bloc civilisationnel (celui de l'Occident en particulier) et qu'elle ne l'est pas dans la perspective d'un conflit des civilisations
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C'est (pour aller vite) ce qu'écrit le juriste de Plettenberg, qui pose les confrontations du monde contemporain comme un choc permanent entre forces élémentaires brutes, de pré-socratique mémoire, en l’occurrence l’affrontement entre l’élément Terre et l’élément Eau. Toute expression réelle du politique (« das Politische ») étant, dans cette optique, une expression du facteur élémentaire « Terre », le politique en soi ne pouvant avoir qu’un ancrage tellurique, continental. Le véritable homme politique est alors une sorte de géomètre romain, explique-t-il (Glossarium). Un géomètre qui mesure et organise le territoire qui tombe sous sa juridiction.

Lire ou relire également les textes où Carl Schmitt affirme que tout concept politique moderne recèle en lui-même, quelque part, une racine théologique.
25 mai 2017, 03:00   Les Elémens
Est-ce que Carl Schmitt dit quelque chose de la dichotomie Air/Feu ?

Personnellement je serais plutôt un type de l'Elément Eau de la mer Morte, paradis des thalassophiles paresseux, dans quoi on peut flotter en toute quiétude sans faire le moindre mouvement, bien salé de tous côtés, le corps abandonné, la tête vide, les orifices un peu cuisants, mais content, et idéalement désœuvré.


Utilisateur anonyme
25 mai 2017, 08:09   Re : Les Elémens
La dichotomie Air/Feu ? À ma connaissance non.

C. S. avait campé le choc animant la scène internationale comme le choc entre les deux éléments « Eau » et « Terre », cela ne signifie pas que les éléments « Air » et « Feu » n’existaient pas, ne jouaient aucun rôle dans le politique, même si cela ne transparaissait pas aussi clairement aux époques vécues par Schmitt.


Cependant, dès le moment historique où il n’y a plus aucun territoire vierge à conquérir et à organiser sur la planète (voir les thèses de Toynbee à ce sujet (en attendant que Francis nous en dise plus)), à la mode tellurique/continentale des géomètres romains, la « Terre », en tant qu’élément structurant du véritable politique, cède graduellement sa place prépondérante, non seulement à l’Eau mais aussi au Feu.


NB : l'élément « Feu » recouvre dès lors plusieurs significations : il est la force brûlante/dévorante de la destruction (que l’on retrouve dans les révolutions anti-traditionnelles) ; il est aussi la « lumière-sans-chaleur » de l’idéologie des Lumières, ou encore la chaleur couvant sous la cendre, celle de la révolte silencieuse contre les institutions abstraites et anti-traditionnelles issues des divers corpus modernistes du 18ème siècle des Lumières.
01 juin 2017, 16:52   Re : Les Elémens
» la « Terre », en tant qu’élément structurant du véritable politique, cède graduellement sa place prépondérante, non seulement à l’Eau mais aussi au Feu

...et ne sous-estimez pas le rôle prépondérant de l'Air, Pascal, dans une époque si bien caractérisée comme Ère du Vide...
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