Qui contestera, après ça, que la stratégie de la terreur djihadiste est celle qui garantit au mieux et au plus vite les progrès de l'islam dans la société ?
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Disons-le clairement et une bonne fois pour toutes, les "terroristes" se fichent éperdument que vous "n'ayez pas peur" ou que vous "ayez peur", ou que votre mode de vie occidental soit, sur le coup et après coup, perturbé ou non par leurs actions. Ce qui compte, le résultat net recherché en Occident, c'est de voir, quatre jours après le passage du camion-bélier, une voilée défiler côte à côte avec le roi d'Espagne dans un immense rassemblement, et que la parole publique de l'islam "de paix" soit renforcée, médiatisée, légitimée, accueillie avec chaleur et émotion, et que ceux qui la propagent et la portent haut, voilées et barbues, soit aimés, désirés et qu'une place chaude et fraternelle leur soit faite au sein des collectivités nationales.
L'Occident post-chrétien a une manière si particulière, si christique de réagir à ces atrocités sanguinaires, si différente des réactions obtenues dans d'autres régions du monde, Afghanistan, Nigéria ou Pakistan, que les djihadistes perpétrant leurs massacres en Europe peuvent se féliciter d'un bénéfice particulier et inattendu des atrocités qu'ils répandent : le sang des innocents, mêlé à celui de leurs "martyrs", produit une chimie remarquable dans ces foules ahuries qui doit beaucoup à ce que René Girard a défini comme dynamique du bouc-émissaire dans les sociétés pré-chrétiennes : le massacre, le sang de l'agneau et celui du bourreau versés en commun précipitent les embrassades, les accolades, le pardon (cf la une de Charlie-Hebdo ayant succédé à la tuerie de janvier 2015 --
Tout est pardonné), la réconciliation communautaire et l'unité nationale dans laquelle il est réservé au camp des bourreaux une place de choix, au pinnacle des autorisés de parole, des chantres du chant profond disant toutes les visions de l'humanité à venir.
Quelqu'un sur Twitter a dit que ce à quoi l'on assiste après chacune des tueries aurait pour équivalent de voir un frère ou une soeur d'un résistant fusillé par l'Occupant dans les années 40,
déclarer qu'il brûle de serrer dans ses bras un officier de la Kommandatur. L'image est forte mais elle est fausse : les officiers de la Kommandatur ne perdaient pas la vie dans les exécutions qu'ils ordonnaient, ils ne versaient pas leur sang en le mêlant à celui de leurs victimes. Nos chers djihadistes, si. Là est toute la différence : ces sacrifiés déclenchent chez les post-chrétiens de généreuses effusions pardonnantes, car leur mort est mimétique à celle de leurs victimes; leur sacrifice et celui de leurs victimes sacrificielles s'opèrent simultanément et sur un même théâtre. Le fameux
amalgame que toute la sphère politico-médiatique s'empresse de proscrire se scelle alors avec un sens si fort qu'il faut l'assimiler à celui que les dentistes donnent à ce terme --
celui d'un ciment. Or ce phénomène n'était possible que dans une société dont le soubassement psychologique reste la tradition chrétienne, et au-delà, certaines constantes anthropologiques pré-chrétiennes. Ce n'est pas le "tendre l'autre joue" qui est en cause ici, mais bien la geste de l'agneau sacrificiel, du bouc-émissaire dont le sang doit refonder l'avenir (cf.
Je vois Satan tomber comme l'éclair de R. Girard).
L'amalgame des chairs déchiquetées se solidifie alors en ciment de l'édifice communautaire en construction. Si le vivre-ensemble est difficile, le mourir-ensemble, lui, vous garantit le paradis de la charia sur terre en quelques années. Par le truchement de ce mécanisme infernal, chacun des sacrifices sanglants opérés par ces djihadistes, donnant le
la à une nouvelle reprise dès le lendement de la chanson
Imagine dans des communions larmoyantes (avec installations d'oratoires improvisés sur les lieux de la tuerie), fait avancer de cent points la cause de l'installation en Europe d'un islam de paix, aimable et rassurant, contrasté avec l'autre autant que peut l'être le "bon flic" du "méchant flic" dans les interrogatoires de police où la personne mise en garde-à-vue finit par s'écrouler, se livrant en pleurs, passant à table dans la contrition devant le calme compatissant et digne du "bon flic", qui représente dans cette image l'islam qu'on nous sert dans les livres de classe. Telle est la
divine surprise que les hommes de Daech découvrent depuis deux ans en Europe et dont ils ont probablement déjà tiré les leçons méthodologiques : plus on cogne fort sur le bétail mécréant, plus il désire embrasser nos frères qui préparent l'avenir de l'Oumma sur leur sol. Elle est pas belle la mort ?