"Twitter est une sorte de trahison littéraire." écrit Bruno Chaouat sur un autre fil.
D'un autre côté, Twitter a tout pour tenter un écrivain et je ne m'étonne pas que Renaud Camus ait mordu à cet hameçon, précisément et avant tout pour des raisons littéraires. Une contrainte à respecter, au moins aussi sévère que les règles de la versification, un défi à relever pour atteindre à une expression percutante, railleuse, spirituelle ou profonde, un lectorat potentiellement infini, c'est très tentant pour un écrivain et je ne doute pas que, dans cet art, Renaud Camus n'ait excellé plus d'une fois, mais je ne peux en juger, faute de compte twitter.
Si le monde n'était pas ce qu'il est, Twitter produirait de merveilleux recueils d'haïkus, d'aphorismes ou de traits d'esprit. On voit si tel est le cas... C'est que la plupart de ses utilisateurs ne sont tout simplement pas à la hauteur de la difficulté
littéraire que l'usage de ce média suppose. Et même ceux qui seraient à la hauteur ne peuvent éviter que leur langue ne fourche et qu'alors, la boutade plus ou moins heureuse qu'on aurait lancée entre la poire et le fromage, ne prenne la valeur d'un
écrit. De là toutes les hystéries qu'on sait et la tentation, puisque c'est comme ça, de provoquer les hystéries. Si Twitter est une trahison de la littérature, c'est parce qu'il emprunte, de fait, les voies de l'insignifiance ou de la provocation.
En d'autres termes, Twitter représente mieux que toute autre invention technologique du moment l'extraordinaire décalage qui s'accentue chaque jour un peu plus entre ce qu'il serait possible de faire avec nos appareils et ce que l'on fait en réalité.
On peut se demander si ce n'est pas cette "extension du domaine du
mésusage" qui distingue véritablement notre époque des autres, plus encore que ses prouesses techniques et, parfois, on peut s'aventurer à penser que toute cette technologie n'est pas faite pour
nous, dans l'état de notre conscience.