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"Elsa Dorlin, philosopher à mains nues"

Envoyé par Pierre Jean Comolli 
Quand Le Monde loue le travail d'une philosophe (entre nous, je n'irais pas la chercher, cette dame !) qui, disons-le comme elle le sous-entend à peine, appelle les "opprimés" à se soulever. Et quand on sait ce qu'englobe la catégorie des opprimés d'après les sociologues et autres philosophes autoproclamés de gauche...


Elsa Dorlin, philosopher à mains nues

Dans « Se défendre », la chercheuse rend justice à la violence que les opprimés déploient face à leurs oppresseurs. Un superbe retour à la vérité charnelle de la politique.


C’est le quotidien Ouest-France qui nous l’apprend : le 25 novembre, à l’occasion de la Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, elles étaient une quarantaine à se rassembler dans un dojo de Plougoumelen, au fond du golfe du Morbihan, pour participer à un stage (non mixte !) de krav maga. Cette technique de combat rapproché, qui attire aujourd’hui de plus en plus de femmes à travers toute la France, permet d’acquérir quelques gestes utiles si l’on veut prendre au sérieux, et à la lettre, le mot d’ordre « balance ton porc » : il s’agit de bien placer son genou pour que celui du monsieur touche terre…

L’objectif est d’apprendre à se battre mais aussi, et peut-être surtout, de désapprendre à ne pas se battre. De se forger une présence différente, donc une autre conscience de soi, et de s’inscrire ainsi, même à son insu, dans la longue lignée, l’anonyme tradition de ces corps longtemps habitués à être des proies, qui soudain se cabrent et contre-attaquent.

Le corps-à-corps de peau à peau
En effet, comme le rappelle Elsa Dorlin dans son nouvel essai, Se défendre. Une philosophie de la violence, le krav maga est une méthode israélienne inventée pour protéger d’autres corps désarmés. Son créateur, Imi Lichtenfeld, né en 1910 à Budapest, héritait des pratiques de boxe à mains nues élaborées par les groupes d’autodéfense qui avaient tenté, dans la première moitié du XXe siècle, de protéger les juifs d’Europe centrale et de Russie livrés à la terreur des milices fascistes et des pogroms.

Le geste de survie, porteur d’un universel tout en intensité, rayonne par-delà les identités. Les réflexes des opprimés se transmettent de causes communes en sursauts partagés, et les techniques du corps-à-corps se propagent peau à peau : dans l’Amérique des années 1960, les mouvements d’autodéfense noirs fondés par les Black Panthers, qui inspireront plus tard les patrouilles LGBT et « queer », rendront eux-mêmes hommage aux insurgés du ghetto de Varsovie.

Lire aussi : « Des Nègres marrons aux Black Panthers, l’histoire de l’autodéfense peut inspirer l’Afrique »

Ainsi vont les « éthiques martiales de soi » dont Elsa Dorlin propose, plutôt qu’une histoire exhaustive, une généalogie de combat, depuis la résistance des esclaves jusqu’aux gestes de protection de Rodney King, lynché par la police de Los Angeles en 1991, en passant par le panache des féministes anglaises s’appropriant d’un seul et même élan, au début du XXe siècle, la politique et les arts martiaux.

Conscience aux aguets
Cette aventure souterraine, sans autres archives que la chair indocile et les coups rendus, Elsa Dorlin la porte comme on porte une espérance ou un enfant : avec une sollicitude farouche, une tendresse à l’affût. Elle la prend en charge en tant que philosophe qui a déjà beaucoup travaillé sur l’articulation entre sexisme et racisme, notamment. Mais aussi en tant que femme qui sait d’expérience que la question de l’autodéfense oblige à penser ce qui se joue « dans l’intimité d’une chambre à coucher, au détour d’une bouche de métro, derrière la tranquillité apparente d’une réunion de famille… ».

C’est dans cette conscience aux aguets, cette mémoire à la fois pugnace et endeuillée, qu’Elsa Dorlin puise le meilleur de son livre. A la lecture, du reste, on sent comme une empoignade entre cette libre réflexion et un appareillage conceptuel qui menace de lui faire un croche-pied. C’est que la théorie peut se faire elle-même technique d’immobilisation, et les références utilisées par Dorlin, qui l’aident souvent à se déployer, tendent parfois à l’entraver. Trois exemples.

Les proies ont parfois un devenir prédateur
Nourrie par les penseurs de la domination, de Frantz Fanon (1925-1961) à Judith Butler, la jeune philosophe bâtit son propos sur une opposition entre l’autodéfense des opprimés et la « légitime défense » instituée par le droit ; si bien qu’elle peine à envisager que l’Etat puisse être autre chose qu’un pouvoir oppressif, qu’il puisse aussi, le cas échéant, protéger les faibles.

De même, si elle montre bien, à partir des tensions concrètes entre « nationalisme » noir et « homonationalisme » LGBT, que les proies ont parfois un devenir prédateur, cet enjeu aux résonances si actuelles, et si douloureuses, ne donne pas lieu, ici, à un développement suffisant pour sortir les luttes ­d’éman­cipation de leurs impasses.

Enfin, la dimension psychanalytique, ou simplement inconsciente, se trouve largement évacuée. Or il suffit d’interroger les militant(e)s des « années rouges », au lendemain de Mai-68, ou de se tourner vers certains de leurs héritiers actuels, pour saisir la face ténébreuse d’une violence qui charrie des pulsions fort peu « politiques »…

Un matérialisme militant
Cela posé, parce qu’il faut bien que les bons textes nourrissent la discussion critique, on doit souligner la force de cet essai important et de la décision qui l’emporte : partir du corps abandonné à l’arbitraire, de son dépouillement extrême, de ses sensations musculaires, pour élever ce minimum physiologique à la hauteur d’un matérialisme militant.

« En politique, la demande de survie n’est pas seulement légitime, mais elle est, en dernier ressort, la seule légitime » : on pense à ces mots du linguiste Jean-Claude Milner (Pour une politique des êtres parlants, Verdier, 2011) en lisant ceux d’Elsa Dorlin. Revenant à la vérité charnelle de la politique, à son substrat nerveux, elle décrit magnifiquement les données immédiates de la conscience traquée, la façon dont le monde se présente à elle : insécurité de tous les instants, état d’alerte permanent, dénégations épuisantes, « chimie de la peur »…

Tant et si bien qu’Elsa Dorlin construit ce qu’on pourrait nommer une philosophie à mains nues, une phénoménologie martiale qui explore la façon dont le pouvoir domestique les corps, mais aussi le brusque sursaut des corps qui se libèrent.

Jean Birnbaum
Votre Elsa Dorlin est une vraie furieuse.

Jadis, les femmes étaient Flesh & Blood à cause du cycle menstruel et de la maternité. Aujourd'hui, chaque trois semaines elles philosophent sur la maternité, cette anonyme tradition de ces corps longtemps habitués à être des proies. Elsa Dorlin, ses mains dans les entrailles du Grand Remplacement.
 
Utilisateur anonyme
16 décembre 2017, 06:38   Re : "Elsa Dorlin, philosopher à mains nues"
Dans le genre "aussi con" et un poil plus gnangnan :

Allemagne :
La ville de Cologne a annoncé qu’elle distribuera des bracelets « respect » pour encourager la compréhension entre les individus le soir du prochain Nouvel An afin d’empêcher le genre d’agressions sexuelles qui ont eu lieu lors de la soirée du Nouvel An 2016.


Les bracelets font partie d’une nouvelle campagne appelée « respect » qui est sponsorisée par la maire de Cologne Henriette Reker. Beaucoup ont critiqué Reker après la déclaration qu’elle a prononcée après les attaques sexuelles de 2016 appelant les femmes à ne pas stigmatiser leurs agresseurs.

Lors d’une conférence de presse, Reker a déclaré que la campagne viserait à dire aux gens de ne pas agresser sexuellement les autres. Les bracelets eux-mêmes sont destinés à informer les personnes d’être respectueux à l’attention d’autrui et a prévenir les agressions sexuelles potentielles.

Kronen Zeitung

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