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La réforme de l'hôpital public vue par l'écrivain Eric Chevillard

Envoyé par Thierry Noroit 
Désormais, je viendrai travailler dans la salle d’attente des Urgences de l’hôpital. Là au moins je suis certain d’avoir du temps devant moi sans être dérangé.
24 février 2018, 16:06   Les écrivains bec
Dans les faits, c'est à déconseiller formellement : hormis la nuisance invisible, la plus dangereuse, qui fait des salles d’hôpitaux un véritable bouillon de culture microbien où l'on peut attraper toutes les saloperies imaginables, ces lieux sont aussi intranquilles au superlatif : on y est constamment perturbé par un brouhaha ininterrompu de plaintes, de récriminations, de cris, de hurlements, de reniflements, de toux, d'éructations, par des cocktails d'odeurs innommables, et le papotage atrocement blasé et indifférent du staff qui vous regarde agoniser et crever sans broncher, comme si c'était chose naturelle.
Là se rassemble et gît l'humanité souffrante, quémandeuse, impuissante, la plus misérable, la plus détestable, la pire qui soit, qui ne manquera pas de faire ravaler au littérateur le plus pénétré de sa vocation l'envie de faire de l'art pour un bon moment.
À moins, peut-être, si on a le goût du risque et de l'étrange, de ne s'y aventurer qu'à la façon d'un Noroit, caparaçonné de livres, papiers et journaux, avec en plus des habituels Boules Quiès et pince-nez, le port d'un élégant masque antiseptique.
Oui, je pensais aussi que la remarque de Chevillard n'était défendable que s'il était seul (patient) aux urgences - puisque la discrétion voire l'absence du corps médical semblent bien avérées quand on aurait le plus besoin de lui. Cela dit, un membre de phrase de Eytan attire mon attention et soulève un lièvre à la fois moral et philosophique (mais nous parlerons de philosophie, si faire se peut, en langage courant). Le voici : "Là se rassemble et gît l'humanité souffrante, quémandeuse, impuissante, la plus misérable, la plus détestable, la pire qui soit". Ma question : comment peut-on passer subrepticement, comme si de rien était, de "souffrante, quémandeuse, impuissante" qui sont descriptifs et ne portent pas de jugement moral (quoique "quémandeuse"...) à "détestable" et "pire"qui ne sont plus du tout du même registre ?
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Oui, je pensais aussi que la remarque de Chevillard n'était défendable que s'il était seul (patient) aux urgences

Même dans ces conditions, ça reste indéfendable : il y aura toujours les postes de télévision accrochés au haut des murs et déversant leur sirop.
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Thierry Noroit
Ma question : comment peut-on passer subrepticement, comme si de rien était, de "souffrante, quémandeuse, impuissante" qui sont descriptifs et ne portent pas de jugement moral (quoique "quémandeuse"...) à "détestable" et "pire"qui ne sont plus du tout du même registre ?

Au contraire, cher Thierry, tout y est : la misère est inconvenante, les nécessiteux sont haïssables, l'état de souffrance est du registre de l'obscène et provoque naturellement le rejet, voire le dégoût.
Comment n'en pas vouloir aux plus faibles d'être si exposés, si vulnérables ?
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