Citation
Marcel Meyer
« car le fait d'une élite de sang et de pensée, pratiquant en vase clos » : je ne crois pas cher Alain. En ville en tout cas les mœurs étaient légères du haut en bas de la hiérarchies sociale. Lisez les mémoires de Casanova, c'est édifiant (mais la littérature du XVIIIe siècle en témoigne de toute part).
Cher Marcel, vous avez probablement raison, le vase n'était pas si clos que ça, mais il me semble pourtant que le mouvement était descendant, de l’élite vers le peuple, et que le libertinage du XIIIe était d'inspiration, d'esprit libertiniste, héritier des libertins érudits du siècle précédent, et en ce sens avant tout philosophique, aristocratique et artistique, bref, qu'il était, comme conception du monde et manière de vivre, le fait d'une élite de sang et d'esprit, quel qu'ait été du reste le niveau de diffusion réel de cet état d'esprit dans la société...
J'avais d'abord en tête les "roués", les "grands seigneurs méchants hommes", Laclos et Vivant Denon, Diderot et La Mettrie, mais Casanova était homme à trouver plaisir absolument n'importe où, chez sa logeuse comme dans les salons.
Pour complaire à Trystan, il faut bien admettre que c'étaient aussi bien des rouées qui menaient la danse, et que le mal, une fois de plus, venait en grande partie des femmes, des Parisiennes, et cela apparemment dans toutes les classes sociales : Rousseau, dans
Julie ou la Nouvelle Héloïse :
« Depuis le faubourg Saint-Germain jusqu'aux Halles, il y a peu de femmes à Paris dont l'abord, le regard, ne soit d'une hardiesse à déconcerter quiconque n'a rien vu de semblable en son pays ; et de la surprise où jettent ces nouvelles manières naît cet air gauche qu'on reproche aux étrangers [...] La gaieté naturelle à la nation, ni le désir d'imiter les grands airs ne sont pas les seules causes de cette liberté de propos et de maintien qu'on remarque ici dans les femmes. Elle paraît avoir une racine plus profonde dans les mœurs, par le mélange indiscret et continuel des deux sexes, qui fait contracter à chacun d'eux l'air, le langage, et les manières de l'autre. »
Si Rousseau était très improbateur, Casanova en était à l'inverse absolument ravi et enthousiaste, jusqu'à en paraître un précurseur du féminisme, ni plus ni moins : dans la préface de
Mon apprentissage à Paris, morceaux choisis de son autobiographie, est cité ce passage d'une sienne lettre :
« L'éducation et la condition de la femme sont les deux causes qui la rendent différentes de nous dans son système. L'homme a tout en son pouvoir, et la femme ne possède que ce que lui donne l'homme... »