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Universalité, Raison et Puissance (Lettre du Kubilai Khan au Japon)

Envoyé par Francis Marche 
Suite à nos pérégrinations instructives sur la généalogie du couple Puissance-Raison dans le ciel de la fraternelle universalité.

Nous sommes en Chine occupée par les Mongols qui viennent par Kubilai Khan, petit fils de Gengis Khan, d'instaurer la première dynastie non chinoise en Chine, les Yuan, en 1264, date de l'installation de la capitale de cette dynastie à l'emplacement de l'actuelle Pékin. L'empire de KK ne couvre pas tout le territoire de la Chine. Au sud du Yang-tsé, subsiste la dynastie chinoise des Song du Sud, riche, civilisée, et non sans puissance militaire. Sa capitale est à Hangzhou, terrain marécageux qui se prête mal aux évolutions de la cavalerie mongole. Les Song du Sud commercent avec le Japon, sans que Kublai Khan ne puisse imposer un blocus qui asphixierait cette puissance chinoise qui le défie. KK, qui possède alors sous sa domination la majorité des peuples connus (jusqu'aux frontières de l'Europe), se décide à attaquer le Japon, à envahir l'archipel. Il a conquis la Corée et va ne faire qu'une bouchée des Japonais, qui lui refusent jusqu'à une ambassade, et qui boudent toutes ses tentatives d'engager un dialogue. KK fait alors rédiger une lettre adressée à celui qu'il nomme avec insolence dans sa missive "le roi du Japon" (alors qu'il est empereur) dont une copie manuscrite a été conservée. Cette lettre est rédigée en chinois classique d'assez belle tenue (KK avait enrôlé à son service tout ce que le mandarinat servile pouvait compter dans les territoires occupés de lettrés et rhéteurs rompus à pareil exercice). Les collabos empressés ne manquaient pas. Les Coréens le fournissaient en soldats aguerris et en navires, la Chine en ingénieurs, mandarins et navires.

Cette lettre est couchée dans le ton particulier d'un boss de la mafia qui s'enquiert des sentiments des patrons d'un clan rival dans l'intention guère dissimulée d'obtenir sa soumission. On se croirait dans les Tontons flingueurs. On y lit que jusque-là, le roitelet japonais a cru bon d'ignorer sa puissance, de ne point s'avancer vers elle en vue d'une démarche de vassalisation pacifique. Que voilà qui est fâcheux. Que monsieur le petit roi semble donner crédit aux médisances sur notre compte alors que, par exemple, nos amis coréens ne trouvent qu'à se féliciliter de la protection que nous leur accordons. Que par le passé le Japon a entretenu des relations respectueuses avec la Chine, que voilà que nous, parce qu'on est des Mongols, on n'y aurait pas droit ? tss tss pas bien ça.

Nous sommes en 1266. En Europe, la puissance, c'est, par exemple, la Venise de Marco Polo, lequel a visité le palais de KK et en était resté baba. Pour les Japonais, KK règne sur la totalité, ou peu s'en faut, des terres connues. KK, c'est l'universel (la petite dynastie des Song tombera de toute façon, elle n'a, à cette date, plus que 12 ans à vivre). Il a les sciences et les arts a sa disposition. Il est entouré de conseillers de toutes les écoles de pensée et de spiritualité, dont des savants musulmans. KK pour tout dire, pratique une forme de multiculturalisme syncrétique très en avance sur son époque. KK, c'est Mme Merkel qui aurait du poil sur la poitrine et un goût immodéré pour les effusions de sang. Tous les savoirs du monde (astronomie, mathématique, architecture navale, médecine, agriculture, art de la guerre, art des explosifs et des trébuchets de siège, etc.) sont entre ses mains. KK va bientôt inventer le papier monnaie (pour financer ses expéditions contre le Japon), soit une première dans l'histoire de l'humanité. Le Japon est cuit d'avance. Toute velléité de résistance serait absurde, irrationnelle, risible.

Et voici cette lettre de deux pages (ci-dessous en facsimile), qui se conclut par ceci, qui surprend par sa modernité, son côté dix-huitiémiste en diable, et même, disons le mot, son ton humaniste :

四海為 家
不相通好豈一家之理
至 用兵夫孰所好

Article du Wiki japonais qui donne une version texte du facsimile
[ja.wikisource.org]

四海 (si hai), soit "les quatre mers" autrement dit "les nations du monde"
為 (wei) la copule de prédication en classique : "sont"
家 (jia) famille, "une seule famille"

不相通好 bu xian tong hao : si nous ne nous pénètrons (相通 xian tong) pas de cette pensée. 相 c'est la réciprocité et 通 désigne ce qui nous traverse

豈一家之理 qi yi jia ze li : 豈 (qǐ) exclamation déhortatoire en classique : "mais comment ?" ; 一家 (yi jia) ensemble ; 之 (ze) partitif et...理 (li) la fameuse raison autour de laquelle devait s'organiser la pensée en Occident comme autour d'un totem après le traité de Wesphalie. Nous avons donc sous ce terme chinois 理, notre logique bien-aimée qui se confond dans ce moment de la lettre avec l'Ultima ratio du chef mafieux.

Ce fragment peut se traduire par conséquent comme suit :

Les nations du monde sont une seule famille. Si nous ne nous pénétrons pas de cette idée, comment prétendre ensemble faire oeuvre de raison ?

Vient enfin la formule comminatoire d'usage qui conclut la lettre : 至 用兵夫孰所好 : le recours à la force n'est souhaitable pour personne.

En résumé : la raison, mère (ou fille, ça dépend des écoles) de toute logique, est de nouveau invoquée en prémice à la guerre exterminatrice. La raison adossée à la science et à l'universalité, la raison arme de parole dont use la puissance guerrière et guerroyante. Comme en 1945 les justifications raisonnantes de l'usage de la bombe atomique sur le même Japon. La "modernité" des termes apparaissant dans cette lettre ne doit pas faire illusion : cette "modernité" est immuable depuis la nuit des temps : multiculturalisme, universalisme proclamé, et bonnes intentions humanistes ne sont jamais que le faux nez que revêt le Puissant et l'Exterminateur depuis les origines de l'humanité. La "raison" est sa raison. Rien de plus et rien de moins. Sa fonction est d'arraisonner, d'obtenir la soumission.

On connaît la suite à cette lettre. KK monta hâtivement une armada, alla en 1274 massacrer des populations japonaises de la petite île de Tsushima entre Corée et Japon, aborda le sud du Japon ensuite, tomba sur une résistance nippone inattendue à Hakata (l'actuelle Fukuoka sur la façade sud-ouest de Kyushu). En fut surpris. Amorça un repli tactique et vit son armada dispersée et envoyée par le fond sous les vents furieux d'un typhon en octobre. Il remit les couverts en 1281 : deux immenses flottes de 140000 hommes en tout venant du sud et du nord de la Chine convergèrent sur le Japon et bis répetita : maladie à bord, engagement infructeux contre les forces des shoguns complètement sublimées, et qui avaient édifié des défenses côtières entre temps, typhon destructeur, et perte de la flotte sino-mongole. Episode qui donna naissance à la notion de "zéphir des esprits" (kami kaze), que firent leur certains aviateurs japonais face aux manoeuvres d'invasion de la flotte US sur leur archipel au XXe siècle.

La résistance résiste d'abord à la raison du plus fort. Elle force celle-ci à se relativiser dans l'histoire. Elle fait l'histoire en élargissant les hommes de leur enfermement dans les cercles logiques de la puissance.


Les enseignements à tirer de cet épisode historique et du discours que contient cette lettre sont nombreux et précieux pour notre époque :

1. Que Kubilai Khan fut probablement le premier visionnaire politique du multiculturalisme "fraternel" sur le continent eurasien, un chaud partisan du loft civilisationnel ;
2. Que son goût de l'universel avait pour escorte un certain encyclopédisme technologique ;
3. Que cet encyclopédisme trouva à s'illustrer dans des méthodes de belligérance tout à fait innovantes, face auxquelles les samouraïs japonais montrèrent un retard et une inadéquation incontestables. Ces derniers pratiquaient encore le combat singulier, y compris sur les champs de bataille à terrain découvert, tandis que les armées de KK avaient déjà adopté la technique de l'assaut de masse indiscriminé, avec tirs de flèches (incendiaires, empoisonnées et explosives) en l'air dont les traits devaient retomber en pluie sur les forces ennemies ;
4. Que KK était à l'avant-pointe de la technologie militaire, le premier à faire usage d'explosifs sur les théâtres des opérations ;
5. Que le multiculturalisme raisonnant de KK s'accommodait de ce que les historiens ont appelé plus tard "la guerre totale" avec campagnes d'extermination et atrocités commises sur les populations du camp des vaincus (à Tsushima, les généraux mongols firent passer des chaînes de fer aux femmes captives -- la chronique rapporte que ces chaînes étaient passées dans les paumes des victimes -- et les attachèrent ainsi aux bastinguages de leurs navires, comme trophées autant que comme boucliers humains, avant d'accoster sur les rivages de Hakata) ;
6. Que le multiculturalisme raisonnant de KK faisait de lui un authentique No Border avant l'heure, et que le moderne mouvement No Border d'abolition des frontières en ressort comme d'essence impériale ;
7. Que le siècle des Lumières, et le Robespierrisme des guerres de Vendée qui en fait le prolongement politique, n'ont, au regard des considérations qui précèdent, strictement rien créé de neuf, rien produit d'inédit dans l'histoire de l'humanité ;
8. Que, au Japon, le concept de "guerre totale" mis en oeuvre au vingtième siècle puisa indirectement son inspiration de l'exemple qu'en avaient laissé dans les mémoires les méthodes de Kubalai Khan, ce dont nous est fourni l'indice par l'appellation même de Kami Kaze (en référence aux deux typhons qui eurent raison des flottes sino-mongoles), appellation que se donnaient les aviateurs japonais résistant à l'invasion de leur pays par les forces américaines ;
9. Et enfin que les discours multiculturalistes, universalistes et intéressés qui émanent dans notre siècle des dirigeants et responsables de l'Union européenne, au regard des points qui précèdent, se révèlent discours de puissance pourrissante et mort-née, au corps mou et envahi qui se goberge encore d'un universalisme et d'un humanisme omnipotents, héritage vestigial d'une époque révolue (les trois siècles de l'âge d'or de l'Occident qui court de Descartes à Einstein, soit de la paix de Westphalie à la première victoire (celle du Japon) de forces non chrétiennes sur des forces chrétiennes en 1905), discours aujourd'hui repris à leur compte par les charognards qui sont en train de dévorer ce corps.
A souligner ceci : le proto-moderne Kubilai Khan, inventeur de la guerre totale, inaugurateur de l'usage de grenades explosives (en 1274 !) et d'armes bactériologiques (flèches empoisonnées) sur les champs de bataille, est à un cheveu, dans cette lettre, de reprocher aux Japonais leur racisme (!), leur manque d'esprit d'ouverture, leur repli sur soi, leur morgue et leur rejet de l'Autre !

王之君臣亦已知之高麗朕之 東藩
Votre majesté n’est pas sans savoir que la Corée (高麗, soit « la Grande Licorne ») est notre vassal à l’orient de nos terres

也日本密邇高麗開國以來亦時通中國至於朕躬
Et que le Japon s’est déjà allié avec la Corée depuis la création de votre nation et qu’il a aussi à l’occasion scellé des relations avec la Chine

而無一乘之使以通和好
Et cependant il n’a pas encore dépêché d’ambassadeur auprès de nous depuis notre accession au trône.

尚恐王國知之未審
Et il nous semble bien (尚恐 : « nous craignons de devoir vous faire observer ») que votre royaume n’ait pas encore pris conscience de ce fait.

So much pour notre modernité et notre universalisme agressif et singulier, qui émergèrent dans l'histoire universelle quatre bons siècles après ce précurseur que fut Kubilai Khan, apôtre de la concorde entre les nations, qui n'hésite pas aussi à invoquer la déesse Raison dans cette affaire, avant de fondre sur sa proie.
C'est très intéressant mais, à mon avis, ne prouve rien : les Arabes mahométans furent d'entrée de jeu conquérants puis très rapidement puissants, surpuissants, esprit de conquête dont on dit qu'ils ne démordent toujours pas : leurs peuples se distinguèrent-ils particulièrement dans les domaines de la logique, de la raison et des sciences ?
Les Juifs, peuple singulièrement dénué de toute puissance politique pendant deux mille ans, voué si longtemps à l'exil et culturellement constitué par lui, ont produit un nombre effarant de logiciens, scientifiques et ratiocineurs à l'excès : le représentant vivant peut-être le plus important des héritiers du courant de l'"analyse logique du langage" est Saul Kripke, fils de rabbin atterri dans l'Ohio de nulle part, le yiddishland lituanien.
Alors ?
Alors il y a découplage Alain. Le logicien est un mercenaire de l’esprit. Il s’offre aux Puissances. Le Puissant invoque son dire, reprend sa manière, mais Kubilaï Khan aura été, comme Charlemagne, probablement analphabète (même s’il est crédité auteur de certains poèmes qu’il aurait composés à la fin de sa vie).

Le Puissant n’est pas un intellectuel mais n’est pas un sot non plus : il sait s’entourer des plus fins philologues (Avec le soutien de Kubilai Khan, Chögyal Phagpa s'est établi ainsi que son école en tant que pouvoir politique prééminent au Tibet. Kubilaï avait besoin d'une nouvelle écriture pour unifier l'écriture multilingue de l’Empire mongol. Il confia cette tache à Drogön Chögyal Phagpa. En réponse, Chögyal Phagpa a modifié l'écriture tibétaine traditionnelle et a créé une nouvelle série de caractères appelé l'écriture ’phags-pa qui a été finalisée en 1268. Kubilai Khan décida d'utiliser l’écriture Phagspa comme écriture officielle de l'empire, y compris lorsqu'il est devenu empereur de Chine en 1271, à la place des idéogrammes chinois. L’écriture Phagspa fut utilisée pendant 110 ans et l’on pense qu’elle a influencé le développement de l'écriture coréenne moderne. L'écriture Phagspa est tombée en désuétude après l'effondrement de la dynastie Yuan en 1368 - Wiki). Il n’y eut probablement, du vivant de KK, aucun logicien, aucun ratiocineur mongol, or il en fallait, de manière indispensable : il faut au sabreur son rhéteur. L’affinité sincère et spontanée que l’Empire éprouve et manifeste pour le philologue, l’artiste du logos, est du même ordre que celle qui unit la soude et l’eau fraîche. L’art rhétorique, et donc la philologie et la logique en tant que telles remplissent deux fonctions réciproques au sabreur et au rhéteur : au sabreur elles sont instrument de gouvernement (dans un espace ou un empire multiculturel comme la Chine de KK ou l’UE de Bruxelles, il faut des traducteurs, des philologues, des maîtres de langue) ; au rhéteur elles sont … un moyen de se faire remarquer par ce dernier, moyen de faire (dé)monstration en tout temps et en tout lieu de la valeur de son esprit et donc d’augmenter ses chances de trouver à s’enrôler au service de la puissance (« la logique se définit comme démonstration » écrit Barthélémy Saint-Hilaire dans sa préface à sa traduction de l’Organon).

Philologie et logique scholastique fournissent tout uniment le ciment devant unir ces acteurs complémentaires de l’Empire et l’argument de l’exercice du pouvoir impérial.

Moins le peuple juif était puissance mondaine et plus pléthoriques et plus forts les contingents qu’il fournissait de logiciens et de soldats de la raison aux gros bataillons de la Puissance en armes, un pic ayant été atteint à ce phénomène aux Etats-Unis d’Amérique, et ce précisément et de manière symptomatique dans les années qui précédèrent la création de l’Etat d’Israël où la figure du savant juif fut la clé de voûte des efforts militaires de la Puissance dominante. Plus faible était le peuple juif, plus fort et plus pénétrant l’esprit de ses mercenaires internationaux de l’intellection. D’où la fortune du multiculturalisme dans ces moments et processus de l’histoire, doctrine qui satisfait les deux en produisant le bain idéal de leur rencontre : le Puissant y trouve son juif de la Raison, le juif de la Raison son Puissant.

Le multiculturalisme de KK apportait la solution symbiotique -- comme un bain chimique est composé d’une solution -- voulue pour tourner le découplage entre Puissance et Logique (le Mongol ne sait pas lire mais sait combattre ; l’astronome et le philologue chinois ou arabe ne savent pas combattre mais savent manier la raison et diffuser l’œuvre d’Avicenne et transcrire Aristote), en une force solidaire, par leurs noces efficaces, celles devant engendrer pour progéniture la superpuissance impériale concentrant tous les pouvoirs du monde. Puissance du logos et logos de la puissance ont ces noces fusionnelles pour destin.

Qui plus est, quel agent propagandiste et artisan du multiculturalisme peut mieux convenir pour ce rôle que « l’artiste du logos », le raisonnant professionnel (figure de Jacques Attali dans les efforts de l’Union européenne en ce sens) ?

Le multiculturalisme (le « loft civilisationnel », qu’il soit celui de l’empire de KK ou de l’UE aujourd’hui) est le bain utile à la rencontre entre le Sabre et la Raison apatride, mais aussi, la raison apatride attalienne œuvre efficacement à l’entretien du bain, elle s’emploie ainsi doublement : elle escorte les entreprises du Puissant et dose les mesures du bain de leur collaboration, contrôle les processus chimiques (immigration, brassage et métissage des populations avec en arrière-plan incessant le désir et la fantasmatique ambition d'y "recruter des cervaux", d'y engager des pairs) et la température de ce dernier.

L’Arabe eut son juif de la raison lui aussi, dans l’Andalous si chère à notre Jacques Attali et pour cause. Et à propos que font les imans des mosquées salafistes établies à Marseille aujourd’hui, dépêchés de tous les horizons de l’Islam, sinon « ratiociner à l’envi » et raisonner habilement sur le bon droit apodictique du djihad ? Sabrer suffit à avancer mais pour régner, il faut sortir le rhéteur, le précepteur aristotélicien en toge (le "pédagogue" universel sur lequel on bute partout dans le monde contemporain), il faut sortir Tariq Ramadan, il faut solliciter et produire aux foules l’Enchanteur : c’est le boulot de la Logique, scholastique et ontique, qui se présente, la main levée, pour signifier au sabre son volontariat à ce rôle, tant en amont de l’action (l’affûtage des lames auquel il est procédé aujourd’hui dans les mosquées salafistes de France) que pour le service après-vente de la domination post-conquête.
Et à propos que font les imans des mosquées salafistes établies à Marseille aujourd’hui, dépêchés de tous les horizons de l’Islam, sinon « ratiociner à l’envi » et raisonner habilement sur le bon droit apodictique du djihad ?

Dans ces mosquées, comme sur les réseaux sociaux, à la télé et dans la salle de séjour des immenses logements sociaux, l'imam-rhéteur, en effet, ne prêche pas, ne s'enflamme jamais. Il explique par A + B le bien fondé du djihad. Il est là pour convaincre. En cela, il m'évoque le personnage de Martin, campé par un Helmut Berger hypnotique et vénéneux, véritable serpent du Livre de la jungle, dans les Damnés de Visconti.
Il faut aller en Egypte pour trouver, dans les villes moyennes, des imams, qui, tous affects dehors, divaguent, pleurent et transpirent à grosses gouttes.
Petit récapitulatif : la vérité (entendue au double sens de vérité formelle et factuelle) ne dépend en rien des désirs et de la volonté des hommes, lesquels ont en revanche tout à voir avec la volonté de puissance ; cette vérité rationnelle étant la seule source de connaissance du réel, et constituant donc le moyen de le maîtriser, elle est aussi l'instrument le plus efficace de domination afin d'établir sa puissance : comment pensez-vous cette apparente contradiction ? en décrétant que la vérité de raison est équivalente à la puissance.
C'est pour ma part un raisonnement spécieux, qui ne dit du reste rien ni sur la valeur intrinsèque de cette connaissance et de ses méthodes (la théorie physique atomique qui rend possible la bombe A n'est pas moins vraie parce que quiconque se servira de cette bombe afin d'affirmer sa puissance, au contraire), ni sur ce qu'on doit penser de cette volonté de puissance en soi, qui est probablement une des caractéristiques humaines et politiques les plus récurrentes, ni comment ou pourquoi la juger en fait, en conséquence de quoi on (enfin, moi) ne voit plus très bien ce que signifie cette équivalence incriminée et qu'en faire.

Ce que je trouve magnifique, c'est de mettre dans le même sac les imams salafistes de Marseille et les logiciens du Cercle, unis dans un même combat pour la promotion de la Raison : mais à ce compte, les mots eux-mêmes, "logique", raison", "vérité" etc. ne veulent plus rien dire, ou tout et n'importe quoi, la logique étant purement et simplement confondue avec la dialectique, la sophistique et l'éristique.

« Si quelqu'un dit "Dieu existe" ou "le fondement premier du monde est l'inconscient" ou encore "c'est une entéléchie qui forme le principe directeur des organismes vivants", nous ne lui disons pas "ce que vous dites est faux" ; mais nous lui demandons "que voulez-vous dire au juste à l’aide de ces énoncés ?". Alors apparaissent deux espèces d'énoncés : les énoncés appartenant à la science empirique dont l'analyse logique peut déterminer la signification ou, plus précisément, dont on peut réduire la signification à celle des énoncés les plus simples concernant des données empiriques et les autres énoncés, pareils à ceux qui viennent d'être cités, qui se révèlent vides de sens si on les entend à la manière des métaphysiciens. » (Neurath, Carnap, Hahn - La Conception scientifique du monde)

Se permettre de tout dire, comme prétendre tout savoir, est littéralement la démarche la plus illogique qui soit, puisque raison et logique ne consistent qu'en l’élagage systématique de la pensée et de la parole selon les règles des deux premières : quand on délimite et limite ainsi l'aire et la portée de ce qui peut être dit et connu, on restreint fatalement la volonté de puissance, qui n'a cure d'ajuster ses désirs à une telle portion congrue du monde.

Circa 1933, mes grands-parents paternels résidant à Berlin écrivirent de très nombreuses lettres à des proches installés à New-York, les suppliant littéralement de les accueillir chez eux et de leur procurer d'avance des attestations de domicile et de travail, afin de pouvoir immigrer dans ce pays où les quotas d'accueil des immigrants avaient été drastiquement réduits : ce fut peine perdue, mais il n'en reste pas moins que ces braves Berlinois — dont quelques surgeons devinrent d'éminents raisonneurs — n'étaient pas attirés par l'Amérique pour sa "puissance", ou pour pouvoir y exercer je ne sais quel génie calculateur au service des princes de là-bas, mais simplement pour avoir de meilleures chances de survie, dans ce qui constituait alors le seul pôle attractif paraissant pouvoir offrir des conditions de vie dignes, et la liberté de penser, hors l'Europe où l'atmosphère devenait irrespirable.
La famille du rabbin Kripke fuyant les pogroms et débarquant en Amérique une soixantaine d'années plus tôt, ou les intellectuels libéraux et même plutôt gauchistes du Cercle de Vienne, dont une grande partie était d'ailleurs juifs, étaient dans un cas similaire.
17 mars 2018, 08:32   Question sur LI
Vos ouvertures sur l'histoire chinoise viennent de résonner avec ce que je lis dans les Cantos de Pound, qui sont peut-être à la poésie ce que les Eglogues sont au roman. Pound n'est pas réputé pour être un bon sinologue, et l'on dispute à l'infini sur la pertinence de ses références. Mais enfin il cite Confucius en XIII-77,(Ta Hio 1-7, Le Grand Digeste, 35) disant :

"And Kung gave the words "order"
and "brotherly deference"
And said nothing of the "life after death".
And he said
"Anyone can rush to excesses
It is easy to shoot past the mark,
It is hard to stand firm in the middle".

Traduit ainsi par Philippe Mikriammos :

Et Kung forgea les mots "ordre"
et "déférence fraternelle"
Et ne dit rien de la "vie après la mort".
Et il dit
"Quiconque peut aller jusqu'à l'excès ;
Il est facile de dépasser la cible,
Il est difficile de rester invariable dans le milieu."

Mon commentaire (de Jonathan Pollock, Lire les Cantos d'Ezra Pound) signale que le mot "order" est LI, terme qui renvoie aux idées d'ordonnancement naturel, de cohérence interne, et dont la graphie évoque les veines minérales du jade. Le texte du canto XIII ne contient encore aucun signe chinois. Alors, cet ordre naturel appelé LI représente-t-il le même mot et le même signe que celui que vous citez dans la lettre de Kubilaï Khan à l'empereur du Japon ?
Oui cher Henri Bès, ce (li) est bien celui des commentaires de Jonathan Pollock. Et l'analyse sémantique de sa graphie par le même Pollock est (presque) correcte, du moins sensiblement conforme à la tradition (ordonnancement naturel, des minéraux, etc.)

J'en profite pour attirer votre attention sur la composition de ce graphème : à gauche le sémantème qui seul se prononce wáng et qui ne désigne pas le jade mais le roi. Mais il est vrai que la graphie du jade est très proche (remarquez le point dans le quart sud-est de la figure, qui distingue cette graphie de la précédente) qui se prononce et en outre le mot "roi" peut aussi s'écrire comme le jade (yù), si bien que les deux figures, très proches graphiquement, en sont indissociables sémantiquement. Ce qui par parenthèse introduit la puissance royale dans le graphème de la raison !

à droite la partie phonétique (celle qui confère au graphème le son qui est le sien dans la langue) est qui se prononce évidemment

Je voudrais à présent attirer votre attention sur ce qui fait le fond de mon propos dans cette discussion :

- que cette partie phonétique est elle-même un "mot" chinois pourvu d'un sens et d'un référent, et que ce référent (la chose que désigne ce mot 里) n'est autre que la mesure topographique des distances dans le monde chinois classique, soit la li chinoise (comme en France nous avions la lieue terrestre (valant 1/25 de degré du périmètre terrestre), qui vaut environ 450 mètres et qui se trouve être ainsi assez proche de la lieue terrestre.

- que par conséquent une unité de mesure se trouve introduite ou, "déjà présente" dans la raison, comme extension numérique du monde physique : du monde physique est induite une unité de mesure physique. L'homme dans cette notion perd sa place de "mesure de toute chose". Nous sommes dans un monde cartésien qui fait droit à la mesure des choses par une unité indépendante du corps de l'homme (pas de coudée ni de pouce ici).

- que le "maître du monde" qu'était Kubilai Khan, seigneur technologique, -- son usage des grenades explosives en 1274 devait être peu ou prou équivalent, dans ses effets psychologiques, à l'emploi de drones tueurs par les forces occidentales sur les actuels théâtres du Moyen Orient --, entend recourir à la raison dans ses manoeuvres diplomatiques : il possède le monde, l'empire des choses et fait naturellement appel dans sa manière d'appréhender les hommes à la raison omnipotente et minérale des choses dont il est le maître. Il invoque la raison souveraine dans la seule mesure où il est souverain de la chose arraisonnable !

L'expression 豈一家之理 qu'il emploie dans sa lettre à l'Empereur du Japon n'est pas sans poser un défi au traducteur. Les traducteurs modernes la rendent en anglais par une platitude qui n'en fait ressortir aucun relief : comment pourrions-nous être raisonnables ? How could we be in the right (unless we comprehend this).

Revenons un instant sur ce 一家之理

Dans 一家, vous reconnaissez le qui vient de servir pour énoncer la prémisse de ce syllogisme et qui désigne une famille (ou une "maison"):
以四海為 , soit toutes les nations du monde forment une même famille.

L'auteur de la lettre construit son syllogisme très classiquement, en bon disciple d'Aristote, en trois temps :

prémisse majeure : toutes les nations sont une même famille (introduction du 家);
prémisse mineure : or vous ne paraissez pas vous être pénétré de cette notion ;
conclusion : nous ne pouvons pas "nous entendre tout uniment en raison" (reprise du 家 en écho à la majeure) -- sous-entendu votre manquement à adhérer à la prémisse majeure vous exclut du concert des nations et de l'humanité comprise comme communauté d'animaux doués de raison.

en reprenant ce 家 dans sa conclusion, l'auteur referme la boucle du syllogisme avec panache.

Le logos aura été habilement asservi à une fin politique qui consiste à exclure une nation et son peuple de la communauté humaine. L'homme animal doué de parole (dont le logos excelle) nie, grâce aux moyens que lui confère cette excellence, l'humanité d'un peuple qui n'entend pas la raison commune au terme d'un glissement. Quel est ce glissement ? Celui qui fait basculer le premier vers "l'animal doué de raison". L'animal autre, qu'il aura caractérisé comme dépourvu de raison a beau savoir parler, se vêtir, et se comporter en civilisé (civilisé comme pouvait l'être le Japon en 1266), il est massacrable à souhait. Insensible au culte de la raison, l'homme devient une utilité sous le regard et dans les plans de qui se sera instauré maître ou grand prêtre de ce culte. C'est Robespierre en Vendée autant que Kubilaï Khan considérant par la pensée les rivages du Japon.
Par le truchement des pièges de la logique, la déclaration humaniste tous les hommes sont frères est la plus aggressive, la plus dangereuse qui soi, qui ouvre la voie royale vers tout génocide :

1. Tous les hommes sont frères ;
2. Vous ne m'adressez pas la parole, vous ne montrez aucun enthousiasme pour la vérité 1. et ne vous comportez pas en frère ;
3. Conclusion : n'étant pas frère, vous n'êtes pas homme puisque tous le sont ; vous n'êtes qu'une bête qui provoquez mon fer, par lequel vous allez périr justement.

La plupart des conquêtes de l'Occident moderne ont roulé sur ce syllogisme. Kubilai Khan y ajoute un redoublement sophistique : "Vous n'entendez pas la logique 1.2.3 : non content de bouder le genre humain, vous nous montrez que ne savez pas raisonner. Votre élimination sera donc celle d'animaux obtus et nuisibles".
Ce n'est pas la logique qui est fautive, bon sang, mais ce qu'on y coule comme argument, comme contenu, qui peut être abracadabrant : le moule n'y est pour rien si la qualité de la matière y fourrée est mauvaise, hence la toxicité du plat. Pourquoi ne faites-vous pas cette distinction ?

« 6.1 — Les propositions de la logique sont des tautologies.
6.11 — Les propositions de la logique par conséquent ne disent rien. (Elles sont les propositions analytiques.) » Tractatus
Ce qui m'intéresse et qui est objectivement intéressant : l'usage des choses, parmi lesquelles les fruits de la pensée logique. Le tractatus, du moins dans ces deux propositions, est un grand neutre, passablement inutilisable (presque autant que pouvait l'être Heidegger par les Nazis, suivant Steiner), se rapproche de la poésie comme on l'a signalé à propos de son auteur tout récemment (Wittgenstein trollant les tables rondes des empiristes logiques avec Tagore, etc.) Sa visée est théologique. Alors que la grande logique aristotélicienne, celle qui, comme se plurent à le croire les savants occidentaux de la mécanique newtonnienne, était non perfectible, aboutie, suffisante (cette suffisance kantienne dénoncée par Heidegger s'agissant de cette logique) n'a été, de toujours, que cela : un outil au service du bras séculier.

Cela étant, les épigones de Wittgenstein, eux, s'amassèrent bien comme des poux au plus près possible de la grande pile atomique de Chicago, dont ils se chauffèrent le derrière (celle-ci étant installée dans les sous-sol de leur campus) comme Descartes dans son poële, et au bon moment pour la servir, directement ou indirectement. L'Inde, puisqu'on vient d'évoquer Tagore, compte depuis longtemps des logiciens de très grand calibre, d'admirables têtes bien faites, que l'on retrouve tous à travailler dans le même pays, qui à séquencer le génome humain, qui a préparer les algoritmes de l'asservissement et de l'avilissement de l'espèce par l'intelligence artificielle. Le drone tueur, c'est le boulot du logicien, celui pour qui tout ce qui s'éloigne de son objet est vide de sens. Plus cette restriction est stricte, plus est donné à la puissance le champ de s'exercer sur les fruits logiques.

Dès que la science migre, elle tue, à commencer par sa mère la civilisation qui l'a enfantee. Rousseau l'avait bien observé dans ce petit chef-d'oeuvre qu'est son Discours sur les sciences et les arts. Cet axiome se vérifie toujours, et s'est plus particulièrement vérifié dans le cas des scientifiques recrutés par les Etats-Unis dans les dix années qui précédèrent la création de l'Etat d'Israël. Que la tuerie de masse fût un mal pour un bien sur le Japon et sur l'Allemagne en 1945 (le Cercle de Vienne étant dans le "camp du Bien", les prêcheurs salafistes dans celui du Mal, l'affaire est entendue) est extérieur à ces considérations.

Oui la vérité de raison, par ses effets, immanquablement les mêmes, est bien phénoménologiquement équivalente à la puissance. Comme l'a très bien fait ressortir Blumenberg (cf l'extrait que je donne dans un fil de discussion connexe).

qui ne dit du reste rien ni sur la valeur intrinsèque de cette connaissance et de ses méthodes (la théorie physique atomique qui rend possible la bombe A n'est pas moins vraie parce que quiconque se servira de cette bombe afin d'affirmer sa puissance, au contraire)

La physique change de "vérité" tous les cinquante ans environ depuis 130 ans. La mécanique newtonnienne a été le vrai pendant toute la période d'essor de l'Occident vers l'hégémonie, puis sa "vérité", entièrement suffisante, s'est effondrée avec l'advenue du paradigme de la mécanique quantique qui a coïncidé avec les premières grandes crises qui ont touché l'Occident. Je ne comprends pas pour ma part comment après cela, on puisse encore faire valoir une hypothétique intangibilité des techniques de mise en vérité de la chose mondaine. La logique quantique est autre que la logique qui sous-tend la mécanique newtonnienne. Où est le vrai de vrai alors ? Pour ma part je ne le vois nulle autre part que comme pure adéquation, pure superposition à la puissance : est puissant ce qui est vrai, et est vrai ce qui bénéficie des faveurs de la puissance soit le salaire en nature que la vérité perçoit pour les services qu'elle lui rend.
Comment la science echappe à l'emprise de la puissance?
En se refusant à "cadrer les problèmes" et les énoncés comme le lui prescrit la logique classique. Ici l'exemple d'un très grand mathématicien non mercenaire

[reporterre.net]
Citation
Francis Marche
Le logos aura été habilement asservi à une fin politique qui consiste à exclure une nation et son peuple de la communauté humaine. L'homme animal doué de parole (dont le logos excelle) nie, grâce aux moyens que lui confère cette excellence, l'humanité d'un peuple qui n'entend pas la raison commune au terme d'un glissement. Quel est ce glissement ? Celui qui fait basculer le premier vers "l'animal doué de raison". L'animal autre, qu'il aura caractérisé comme dépourvu de raison a beau savoir parler, se vêtir, et se comporter en civilisé (civilisé comme pouvait l'être le Japon en 1266), il est massacrable à souhait. Insensible au culte de la raison, l'homme devient une utilité sous le regard et dans les plans de qui se sera instauré maître ou grand prêtre de ce culte. C'est Robespierre en Vendée autant que Kubilaï Khan considérant par la pensée les rivages du Japon.

Merci, cher Francis, de vos explications sur le signe LI : le chinois d'Ezra Pound venait de Fenollosa, qui l'avait reçu de lettrés japonais à la fin du XIX°s. Depuis, des sinologues ont quand même tout vérifié. Je reste rêveur devant cet usage du mot, qui poétiquement fait écho à la mezura des troubadours, dans un discours de conquête du monde : n'y eut-il aucun Confucéen pour faire observer (quand c'était possible, chez les Song du sud ou plus tard sous une autre dynastie) à quel point la pensée du Maître était trahie ? Ou bien sont-ils tous une bande de rhéteurs ?

Je cite un passage de vous plus haut car il m'a rappelé qu'en Grèce hellénistique, sous Alexandre et plus tard, des débats similaires eurent lieu sur l'humanité des Barbares et sur leur capacité à avoir une sagesse (d'où le livre d'Arnaldo Momigliano, Sagesses barbares). Mais à première vue, il s'agit encore d'embrigadement de la pensée dans le jeu des forces de l'histoire, de sa chute dans l'idéologie.
@Alain

« Grothendieck avait des idées si vastes et si puissantes qu’elles débouchaient sur des solutions générales alors que la plupart des chercheurs travaillent sur des problèmes beaucoup plus cadrés...

il continuait à faire des recherches mathématiques “dans des domaines beaucoup plus vastes”. »

Grothendieck s'est appliqué à faire exactement tout ce que vous dites qu'il ne faut pas faire : Se permettre de tout dire, comme prétendre tout savoir, est littéralement la démarche la plus illogique qui soit, puisque raison et logique ne consistent qu'en l’élagage systématique de la pensée et de la parole selon les règles des deux premières : quand on délimite et limite ainsi l'aire et la portée de ce qui peut être dit et connu, on restreint fatalement la volonté de puissance, qui n'a cure d'ajuster ses désirs à une telle portion congrue du monde.

G. s'est "permis de tout dire" (et de dire le tout) en rejetant la logique ontique dont vous plaidez la cause. Il a opté pour ne pas "délimiter et limiter l'aire et la portée de ce qui peut être dit et connu". Il a opté pour "la démarche la plus illogique qui soit". La sanction de la puissance a été sans appel et fort logique : G. a passé les 23 dernières années de sa vie à se nourrir des légumes de son potager dans une thébaïde des Pyrénées, et à devoir répondre devant les tribunaux de ceci ou cela (pour avoir hébergé un moine japonais sans papier, entre autres). et G., mathématicien hors pair, occupé d'ontologie, dont la CIA (ou les Russes) n'aurait voulu pour rien au monde, n'aura jamais son nom sur une plaque de rue.

La vérité (formelle) est contraire à votre affirmation : c'est précisément en se limitant comme vous le préconisez que le savant laisse tout champ libre à la puissance d'exercer son emprise/empire. Et dès que le savant se débride, dès qu'il se montre "illogique" comme vous dites, la puissance le fuit et lui est hostile.

Vous aviez faux lorsque vous opposiez à mes conclusions le fait que les juifs, peuple longtemps dépourvu de puissance, comptait un nombre remarquable d'individus raisonneurs en son sein (en échouant à déceler le découplage et le processus de réassociation sélective entre le rhéteur et le puissant dans le bain multiculturel tels je vous les ai exposés par la suite), et vous avez faux à présent en affirmant que la limitation logicienne des ambitions du chercheur a pour vertu d'amputer la puissance de ses pouvoirs quand c'est exactement le contraire qui est vrai, ce dont l'histoire de Grothiendeck nous fournit un exemple probant.
@Henri Bès qui écrit :

Je reste rêveur devant cet usage du mot, qui poétiquement fait écho à la mezura des troubadours, dans un discours de conquête du monde : n'y eut-il aucun Confucéen pour faire observer (quand c'était possible, chez les Song du sud ou plus tard sous une autre dynastie) à quel point la pensée du Maître était trahie ? Ou bien sont-ils tous une bande de rhéteurs ?

C'est que, le rhéteur est un peu comme la femme : on ne nait pas rhéteur, on le devient.

Confucius a servi à tout et à son contraire dans l'histoire de ce pays, la Chine. La dynastie mongole n'était pas plus chinoise que ne serait européenne l'Europe si le Turc Erdogan parvenait, par je ne sais qu'elles péripéties homériques, à refonder l'Union européenne à Bruxelles. L'Europe turque serait-elle encore l'Europe ? Nous verrions alors pourtant, à n'en pas douter, Rousseau, Kant, et Aristote dûment mobilisés pour servir le nouveau maître.

Confucius fut trahi de son vivant ! Sa carrière de conseiller des princes fut un échec. Son enseignement servit à contre-emploi dès ce temps, alors vous pensez bien sous Kubilaï Khan !

Le lettré confucéen se fait rhéteur, devient tel, sans même avoir besoin de trahir qui que ce soit. La "plume" de Kubilaï Khan n'a pas "viré sa veste" pour collaborer avec l'occupant, il a continué son métier, tout simplement. Jacques Attali servirait le Grand Turc de Bruxelles tout aussi bien que François Mitterrand, n'en doutez pas. Et il n'y aurait là aucun reniement de l'homme, égal à lui même tout du long.
A propos du "changement de vérité", nous en avons déjà parlé enfin, inutile de ressasser les mêmes choses indéfiniment : Vérité scientifique...
» G. s'est "permis de tout dire" (et de dire le tout) en rejetant la logique ontique dont vous plaidez la cause

Bien sûr, et je suppose que ses travaux ont été menés n'importe comment et sont un ramassis d'incohérences et d'illogismes ; il est absolument naturel pour un mathématicien de rejeter la logique, surtout la logique mathématique : les mathématiciens ne raisonnent pas, c'est bien connu, aussi doivent-ils se passer de propositions, de démonstration et de théorèmes, car sans proposition démontrable pas de théorème : mais qu'est diable cette foutue "démonstration" sinon un raisonnement qui permet d'établir la vérité ou la fausseté d'une proposition, et comme cela ne peut se faire n'importe comment, mais selon des règles absolument nécessaires (ne tournons pas autour du pot, ce sont des règles logiques), l'ère du vrai tout mathématique ne peut alors commencer qu'à partir du moment où tout est possible, tout peut se dire, tout énoncé en vaut un autre, et même mézigue, qui pourtant n'est certes pas grand matheux, pourrait vous fignoler un joli petit théorème de derrière les fagots.
Vive les mathématiques marchiennes !
» Oui la vérité de raison, par ses effets, immanquablement les mêmes, est bien phénoménologiquement équivalente à la puissance

Plus j'y pense en fait, plus je me dis que cette phrase est en réalité dénuée de sens : cette équivalence postulée équivaut à dire que "le vrai est le puissant", ou "le vrai est la même chose que le puissant" ; c'est une confusion sémantique, ce que Wittgenstein aurait appelé une confusion de niveaux de langage, les catégories du vrai et du faux ne se distribuant pas dans le même registre que celui où sont déterminés les rapports de force et de faiblesse ; bref, c'est pratiquement une faute de grammaire, de s'exprimer ainsi...
Pensez-y, Francis : le puissant peut avoir tort, se tromper, être dans le faux ; le vrai ne peut en même temps être faux, tout de même : donc, le vrai ne peut être la même chose que le puissant, ces deux catégories d'êtres ne pouvant être prédiquées de la même façon. C'est pourtant simple...
Je vous avoue que le fond du débat que vous avez avec M. Eytan m'échappe. Mais comme lecteur de poésie, je suis très intéressé par votre science sinologique et par l'usage qui a été fait du mythe chinois dans les années 38-40 où Pound rédigeait les Cantos 52 à 71, consacrés à un modèle politique chinois de sagesse et d'équilibre. J'appelle cela mythe, car il y croyait, si je me fie aux pages du chapitre XI du Pound's Cantos de Peter Makin (Unwin, 1985, p.212 sq) : pour lui, sa poésie avait le pouvoir d'agir sur le monde. Le poète quitta l'Italie et revint aux USA en avril 1939 pour persuader le gouvernement d'éviter la guerre, tout en rédigeant à la hâte ces Cantos jusqu'en janvier 1940 (180 pages de poésie écrites en moins de temps qu'il n'en fallut pour les 46 de la section précédente, dit Makin, ajoutant : "Obviously Pound saw himself as doing battle for a literature intended to affect the world (like Dante's), against the littérateur's predisposition towards mere lyrics and wedding-cakes").

Makin ajoute que l'écriture de ces poèmes sur la Chine repose sur L'histoire générale de la Chine de Joseph de Mailla (1777-1785) - drôle d'historien qui ne distingue pas entre la Chine du VIII°s et celle du XVIII°s (Makin p. 223) - et sur Le LI KI ou livre des bienséances et des cérémonies dans la traduction de Couvreur. Ce qui frappe, c'est qu'en quelques poèmes, il fait de sa Chine un modèle an-historique de toute sagesse économique et politique, et même un miroir du prince de son cru, puisque le rebelle légitime Tai Tsong est rapproché de Malatesta, et de ... Mussolini.

Bien plus que la question du logos dans l'histoire, à laquelle je ne comprends rien, je suis étonné de voir qu'on ait pu tellement croire à la puissance de la poésie dans l'histoire, et dans la politique. Makin, p. 221 : " Un Canto ultérieur fera dire au porte-parole de la nouvelle Maison de Chou :

"Our dynasty came in because of a great sensibility" ["Notre dynastie est apparue du fait d'une grande sensibilité", trad. Denis Roche, 85, p. 595].

La plus exacte des sciences se fait par le vers ; un dirigeant dont la tournure d'esprit est imperméable au vers restera toujours à la surface des événements.'Mussolini avait dit à son peuple que la poésie était nécessaire à l'état', et son associé Delcroix 'est convaincu que les poètes devraient s'occuper de ces sujets - le crédit, la nature de l'argent, les questions monétaires, etc.' C'est pourquoi Pound écrivit en 1938 que l'empereur Chun-Tchi promut la lecture du Livre des Odes confucéen en écrivant une préface."

Cet allègre mélange de plans et d'époques distincts me perturbe quelque peu. Pound a eu ses imitateurs dans les "auteurs engagés" de gauche après la guerre, mais aucun, que je sache, n'a osé bousculer son échafaudage marxiste au point de mettre la poésie au centre du pouvoir politique.
''Plus j'y pense en fait, plus je me dis que cette phrase est en réalité dénuée de sens : cette équivalence postulée équivaut à dire que "le vrai est le puissant", ou "le vrai est la même chose que le puissant" ; c'est une confusion sémantique, ce que Wittgenstein aurait appelé une confusion de niveaux de langage, les catégories du vrai et du faux ne se distribuant pas dans le même registre que celui où sont déterminés les rapports de force et de faiblesse ; bref, c'est pratiquement une faute de grammaire, de s'exprimer ainsi...
Pensez-y, Francis : le puissant peut avoir tort, se tromper, être dans le faux ; le vrai ne peut en même temps être faux, tout de même : donc, le vrai ne peut être la même chose que le puissant, ces deux catégories d'êtres ne pouvant être prédiquées de la même façon. C'est pourtant simple...''

J'avoue que comme Henri Bès, le fond du débat a fini par m'échapper et que je suis assez d'accord pour autant que j'ai pu suivre avec la conclusion d'Alain Eytan.
Il commence à m'échapper à moi aussi, cher Henri Bès, et je crains que nous ne finissions par casser les pieds à la compagnie, avec nos histoires... Il en est souvent ainsi, quand deux débatteurs apparemment aussi têtus l'un que l'autre refusent catégoriquement de lâcher le morceau.
Du reste, bien que dans une folle jeunesse je m'étais naïvement piqué de philosophie analytique, j'en ai depuis un peu soupé, quitte à faire quelques accommodements avec l'inflexible exigence de rigueur de pensée : il n'en reste pas moins que certaines déclarations particulièrement capricantes de Francis, ai-je trouvé, m'en ont redonné le goût, et les plaisirs de la redécouverte sont toujours vifs.
Je découvre les interventions de Cassandre, Alain et Henri Bès en voyageant. Je ne peux vous répondre de manière étoffée avant trois ou quatre jours. Alain qui me renvoie à ses considérations sur "les modèles" de juillet 2017 en réponse à mon objection portant sur la variabilité du discours de vérité qui visent les lois du monde physique semble fuir le débat. Dommage. Les modèles en sciences physiques ne sont plus qu'un habit, changeant et variable, du vrai, ce qui est irréconciliable avec ce qu'il affirme de l'intangibilité de la vérité. Il n'est aucune intangibilité qui ne soit que représentation et qui soit toute représentation, dès lors que les représentations du vrai évoluent et se font contraste au fil du temps. Et la parade du modèle n'offre ainsi aucun refuge dialectique contre le soupçon qui pèse sur l'intangibilité et la pureté des lois découvertes. La représentation, le modèle qui l'anime, se posent sur le plan ontique. La science physique, prise isolément, sous ses guises successives et ses jolis théorèmes qui tous les cinquante ans cèdent la place à plus justes, plus grands et plus englobants qu'eux, opèrent sur le plan ontique (pour le dire vite), et danse le pas de deux avec la logique volontairement servile et emprisonnée sur le même plan de fuite.

Ma phrase sur l'équivalence phénoménologique entre logique et puissance est parfaitement sensée contrairement à ce qu'en dit Alain. Elle dit une unité phénoménologique : la vérité ne surgit que comme puissance (énergie), et la puissance élit et pose sa vérité ainsi offerte dans l'acte d'emprise qui la prend pour objet. Et ce processus est dépourvu de toute consécution dans les actes qui le composent, au point que c'est la vérité qui peut être dite, ou se dire, conquérante, comme dans la locution latine étudiée par Blumenberg. Une allégorie ("par la raison j'ai conquis le monde") meurt en tant qu'allégorie, se fige en constat, la puissance se trouvant entièrement et invisibilement (au point que l'on puisse dire que c'est la vérité qui conquiert) investie dans l'oeuvre de vérité.

Je tâcherai de répondre à Henri, qui met le doigt sur des choses plus profondes et plus essentielles que tout cela, par un développement digne de son intervention.
» Les modèles en sciences physiques ne sont plus qu'un habit, changeant et variable, du vrai, ce qui est irréconciliable avec ce qu'il affirme de l'intangibilité de la vérité

Alors là Francis, certainement pas, jamais je n'ai pensé qu'une théorie physique pouvait être le "vrai intangible", seulement le vrai fort tangible, comme modèle précisément, c'est pourquoi je vous renvoyais à ce passage, que je redonne donc, une énième fois : « modèles vérifiables, reproductibles partout, donc "universels", donc vrais... temporairement, parce que ce ne sont que des modèles, des façons fonctionnelles de rendre compte des phénomènes en les pouvant reproduire, et que le modèle n'est pas le réel qu'il décrit et explique. »
Les modèles ne sont pas "un habit du vrai", mais des tentatives d'approximation du vrai, ce que Popper avait décrit en termes de "vérisimilitude". Je fais parfaitement mienne cette sienne assertion selon laquelle « on peut expliquer la méthode scientifique et avec elle une bonne partie de l'histoire des sciences, comme la procédure rationnelle qui permet de se rapprocher de la vérité. »

De surcroît, il est même douteux qu'on puisse jamais atteindre à un tel état de savoir absolu et exhaustif, étant donné, d'abord, les fatales limitations inhérentes à la raison humaine, dont il est extrêmement problématique d'affirmer qu'elle serait en mesure de disposer de la totalité des énoncés vrais sur la totalité des phénomènes constituant le réel (un tel état de choses est censément inimaginable), d'une part, mais ensuite, et surtout, parce que même si par extraordinaire on y arrivait, on ne pourrait pas le savoir : il n'y a aucun moyen de savoir que vous savez tout et tout ce qu'il y a à savoir, je suppose qu'il faut laisser cela à Dieu (mais comme je ne suis pas croyant, à jamais).
Il a été plus tôt fait référence, dans une citation attribuée à Heidegger je crois, à une "supercherie" ; eh bien, ce qui me semble être une supercherie au centuple, est de faire accroire que parce que le savoir scientifique est fatalement partiel et faillible, donc toujours révisable, en regard d'un état purement imaginaire et inexistant où la totalité du savoir possible serait réalisée, la valeur de ce savoir relatif serait en soi révoquée en doute, et que donc par défaut d'absolues certitudes, n'importe quelle bêtise équivaudrait à des théories, des modèles explicatifs dûment vérifiés et confirmés : cela, à mon sens, est le vrai charlatanisme.

J'avoue que je ne comprends pas du tout en l'occurrence ce reproche, ce qui semble être un reproche, fait à la science "d'opérer sur un plan ontique" ; mais qu'est-ce que ça veut dire ? où voulez-vous donc qu'elle opère, la pauvre, sinon sur un plan ontique ?? La science est l'étude des phénomènes, afin d'en pouvoir proposer des modèles explicatifs et fonctionnels ; les phénomènes, c'est de l'étant, rien que de l'étant : l'"ontique", c'est ce qui est relatif à l'étant, aussi, par définition et vocation, la science ne peut opérer que sur le plan de l'ontique. Elle est donc dans son rôle et dans son droit, foutez-lui la paix.
Je serais moins équanime et diplomatique que vous Alain. Je dirais que c'est votre goût immodéré de la chicane et de la noyade de poisson qui rend impossible tout progrès collectif de la pensée dans ce cénacle. Je vous lance ceci de l'aéroport d'Istamboul, dévorez-moi tant qu'il vous plaira pour cela. Je n'y suis pas. Profitez bien.
Pour ce qui est de l'empêchement du progrès collectif de la pensée (dans ce cénacle), je ne vous le fais pas dire, Francis : plus réac que moi, ça n'existe pas, et il n'y a pas de progrès qui tienne : on ne va nulle part, on tourne en rond, c'est le propre des tautologies...
Cela étant dit, je ne sais ce que vous me voulez : je ne suis manifestement pas d'accord avec vous, et j'essaye de dire pourquoi : vous ferais-je quand même remarquer que pour ma part, lorsque je vous faisais des objections ou tentais de recevoir quelques réponses précises à des questions qui, du moins je le crois, l'étaient, ici, et ici, je n'ai pas reçu la moindre réponse, rien... Ce n'est pas grave en soi, et personne ne vous oblige à répondre, mais enfin, pour ce qui est de noyer le poisson ou de se défiler...
Bref, j'attends votre retour avec impatience, et bon séjour !
Citation
Alain Eytan
Il commence à m'échapper à moi aussi, cher Henri Bès, et je crains que nous ne finissions par casser les pieds à la compagnie, avec nos histoires... Il en est souvent ainsi, quand deux débatteurs apparemment aussi têtus l'un que l'autre refusent catégoriquement de lâcher le morceau.
Du reste, bien que dans une folle jeunesse je m'étais naïvement piqué de philosophie analytique, j'en ai depuis un peu soupé, quitte à faire quelques accommodements avec l'inflexible exigence de rigueur de pensée : il n'en reste pas moins que certaines déclarations particulièrement capricantes de Francis, ai-je trouvé, m'en ont redonné le goût, et les plaisirs de la redécouverte sont toujours vifs.

Casser les pieds de la compagnie, je ne crois pas. Même si je regarde les balles voler à des mètres au-dessus de moi, je me dis qu'on peut profiter de ces échanges pour apprendre quelque chose. En tous cas, la critique de Francis Marche me rappelle celle de Renaud Camus dans son journal : il remet en cause non seulement les sciences dites humaines, mais même les sciences "dures", en posant que l'idéologie, le discours du fort, pèse de tout son poids sur leur prétendue objectivité.
L'idéologie pèsera toujours de tout son poids sur ce qu'elle pourra, c'est entendu, et c'est une donnée première : reste à savoir si elle peut infléchir les moyens rationnels mêmes de distinguer le vrai du faux, auquel cas rien ne pourra justement lui résister, puisque vous aurez d'emblée sapé à la base tout moyen extra-idéologique de révoquer en doute le moindre de ses diktats, pourvu qu'on puisse le réfuter.

Prenons une hypothèse de départ très simple, qui est je crois de celles qu'aime à défendre Francis : le pouvoir en place se sert de tout moyen à sa disposition afin de préserver et d'accroître sa puissance ; parmi ces moyens figurent naturellement certaines productions techniques rendues possibles par les sciences ; conclusion, tout ce qui ressortit à la méthode scientifique, donc les "vérités de raison" supposément objectives, sont en fait "équivalentes" à la puissance", et " la vérité ne surgit que comme puissance".
Je tiens que c'est faux, d'abord logiquement (on ne peut inférer une proposition universelle à partir de quelques cas particuliers), mais aussi factuellement, et "sémantiquement", pour ainsi dire, parce que les concepts de vérité et de puissance ne se recoupent pas et désignent des facultés et des activités humaines différentes.
La fausseté évidente (et logiquement nécessaire) de ce type de raisonnement étant acquise, est-ce qu'une idéologie quelconque, pourvu qu'elle soit dominante, pourra tordre le cou à cette vérité formelle et objective selon laquelle on a jugé ce type de raisonnement faux ?
Non, la raison et ses raisons résistent mieux que cela, et ses méthodes ne sont pas poreuses aux valeurs.

Concernant Renaud Camus, une seule remarque : s'il était impossible d'établir certaines vérités de fait indépendantes de la doxa dominante, la théorie du grand remplacement ne vaudrait pas tripette, et je me demande bien ce que voudraient dire alors ses déplorations récurrentes à propos de l'écrasement de la vérité.
Qui vous a parlé de "pouvoir en place", Alain ?

Vous délirez mon vieux, le nez indécrottablement collé aux manuels qui ont fasciné, et meublé, votre enfance.
Votre misérable triomphe, très semblable à celui de la bêtise, m'oblige à reproduire ici une partie d'une missive privée sur le sujet qui nous occupe :

Le diagnostic de Grand Remplacement, lorsqu'il était émis par un homme dont la parole était sans écho politique, sans voix même (R.C. privé des parrainages aux différentes élections où il a voulu se présenter) et sans influence aucune au-delà des cercles minuscules que nous représentons, n'était autre qu'un délire obsessionnel et quasi-pathologique sans aucun espoir d'accession à quelque statut de vérité que ce soit. Or cela est en train de changer radicalement depuis quelques mois. Le Grand Remplacement est un diagnostic de plus en plus reconnu vrai dans l'opinion publique et chez les autorisés de parole. Pourquoi ? Parce que des forces naissantes, à l'échelle de l'espace européen, commencent à s'émouvoir en puissance potentielle, en Europe de l'Est, en Grande Bretagne, in Italie et en Allemagne même, qui en reconnaissent publiquement le fond de vérité. Voilà le sens de mon propos et l'illustration en acte de l'identité phénoménologique entre puissance et vérité.

A présent foutez-moi la paix je vous prie. J'en ai assez de lire mon nom sous votre plume toutes les fois que je passe ici.
22 mars 2018, 13:16   Le mot de la fin
Le plus court sera le mieux : la vérité n'est pas créée par son degré de diffusion et le droit de cité dont elle bénéficie, elle leur préexiste et en est indépendante, et sa nature n'est constituée que du rapport qu'elle entretient avec le phénomène qu'elle décrit. C'est tout.
Aussi il n'y a aucune identité qui tienne, encore moins phénoménologique, entre vérité et puissance ; si vous n'êtes pas capable d'apercevoir cela, et n'êtes pas seulement d'une mauvaise foi hargneuse, alors aucun fatras terminologique ne pourra compenser une telle myopie.
Ce sera donc ma conclusion de cette interminable, quoique parfois amusante, discussion.
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