Simone de Beauvoir

Simone de Beauvoir est entrée à la Pléiade ce 17 mai.

Mais voilà qu'un dénommé Jean-Yves Mollier, professeur émérite d’histoire contemporaine et féministe (et antiraciste je suppose), s’indigne en ces termes sur les ondes de France Culture : "Voilà à quoi ce Panthéon extraordinaire de la littérature mondiale qu’est devenue la bibliothèque de la Pléiade a réduit les femmes, c’est-à-dire, plus qu’à la portion congrue, à l’inexistence totale. Ça veut dire que, fondamentalement, pour tous ceux qui ont dirigé cette collection, les femmes n’existent pas en littérature."

Cela dit, quoi que pense cet érudit, elle y a sa place... et je me disais bien que certains beaux textes de Simone de Beauvoir avaient été cités ici...

Je ne comprends pas, ce Mollier ne voudrait pas de Beauvoir dans la Pléiade ? Ou bien trouve-t-il qu'elle est trop seule ? Mais les grandes y sont, non ?

Je suppose qu'il s'afflige du temps qu'il aura fallu pour qu'elle y figure enfin....

Trop tard, pas assez de femmes, ça manque de Diversité et blablabla. Ça doit être ça, en gros.

On sent déjà que pour faire plaisir à ce Mollier, Gallimard va faire entrer Christine Angot ou Sallenave ou Nothom à la Pléiade. On le sent comme le chien sent l'orage. Comme on sent dans l'air du temps la précipitation de l'inéluctable qui n'a pas même besoin d'être prédit, ou dit, pour nous dégringoler sur le nez. Gallimard qui a dynamité son dernier projet Céline sous la pression des courtisans germano-pratins.

Yourcenar y est depuis trente ou quarante ans, et Duras, et Mme de Staël, etc.. Mais non, tant que Angot n'y sera pas rien n'aura été fait, tout restera à faire.

Peut-être pourrait-on y faire entrer la mère Pancol ?, histoire de mettre tout le monde d'accord... Elle plaît bien à la ménagère de plus de 40 ans et surtout elle n'est pas "clivante" comme Angot-la-rebelle.

Leila Slimani, par dérogation et pour deringardiser l'institution, ce serait top, non ?

Bien sûr bien sûr... N'empêche que si on avait un écrivain transgenre black sidaïque sous la main ça aurait quand même plus de gueule. Enfin moi j'dis ça comme ça, chuis pas Gallimard.

Vous êtes toujours un peu court Pascal, black sidaïque et transgenre ça peut le faire mais ça suffit pas : faut qu'il soit au moins mineur non accompagné pour avoir ses entrées. La barre est haute aujourd'hui à Gallimard, Pascal. On n'est plus dans les années 90.

Un mot au passage sur les mineurs non accompagnés, dont l'âge médian se situe entre 25 et 55 ans (on en a confondu un dernièrement qui portait beau ses 55 ans bien sonnés). Ces Africains célibataires sont, pour nos autorisés de parole et de charité financée par l'argent public, et resteront éternellement des mineurs.

Puisque ce forum est libre enfonçons donc le clou : il y a là une vision de l'Africain, ontologiquement mineur, qui fleure bon la philosophie coloniale de grand-papa qui voyait dans le Y'a Bon exactement cela : un mineur à vie.

Nos tigresses de la charité, jamais en reste pour s'emparer de l'Africain célibataire, recyclent l'expo coloniale avec ses "mineurs non accompagnés", à tour de bras, et c'est si flagrant, si éclatant que, comme le nez au milieu de la figure, personne ne semble s'en aviser. L'éléphant-nez est au milieu de la pièce, on le contourne, il est gros, charnu, débordant d'amour et toujours jeune, il a nom narcissisme occidental et racisme condescendant, doux mépris, gros câlin à l'Africain mineur, sous-homme quel que soit son âge.

C'est encore et toujours le mythe du bon sauvage. "L'homme nait bon, c'est la société qui le déprave" JJ Rousseau. Entendez: "Les allogènes sont bons, c'est la civilisation européenne qui les opprime"

Plus simplement : le raciste authentique est celui ou celle qui voit en l'homme africain un mineur à accompagner. Rien n'a changé de ce point de vue depuis l'Exposition coloniale, pas même l'origine profonde et "sociale" de cette vision des hommes, celle d'une certaine gauche laïcarde, universaliste et moralineuse.

Karen Blixen dans Out of Africa