J'avais cru innocemment que ma période probatoire était achevée, mais constate que le bizutage in-nocent dont je fais l'objet joue les prolongations. Certains savent sans doute mieux que moi décrire, délayer, d'autres simplement se regarder écrire. C'est distrayant, souvent joliment tourné, esthétique au possible. Je savoure en gourmet les notes subtiles, florales ou boisées, parfois épicées des commentaires qui paraissent dans cette revue. Mais, voyez-vous, l'époque est dangereuse et exige de nous de passer à l'action. Aussi, un ordre sec, militaire, simple donc compris par tous traduit pour l'action les circonvolutions certes élégantes, mais (hélas!) inopérantes. Je crois avoir un peu d'esprit de synthèse, et l'art de définir par peu de mots bien sentis l'essentiel de ce qu'on doit retenir, comme le peintre sait en quelques touches croquer l'essentiel d'un visage. Accuse-t-on l'artiste de renoncement, d'impuissance à dire, à formuler comme s'il était prisonnier d'un tabou, tandis que chacun a pu expérimenter que la concision, en art aussi bien qu'en écriture, est autrement plus difficile que les ajouts ou empâtements successifs. Sans doute le long exercice de cet art dans ma vie professionnelle y est-il pour quelque chose dans mon goût de la formule. Ne méprisez pas cette capacité à illustrer sobrement un propos plus juste, nuancé et descriptif, car d'elle dépendra peut-être prochainement votre survie.