"Mais est-ce que les attentats du Bataclan et de Nice ont jamais été considérés comme des "couleuvres à avaler" [...]".
Le verbe qui me paraît important dans votre question, Alain, c'est le verbe "considérer". C'est vrai, ces attentats n'ont pas été
considérés comme des couleuvres à avaler mais ils en étaient
en soi, pour parler le philosophe. Et c'est précisément (oublions les couleuvres) parce qu'ils étaient inacceptables
en soi, qu'il a fallu les faire
considérer comme des catastrophes naturelles et les assortir d'une occasion d'afficher des sentiments flatteurs du type "Vous n'aurez pas ma haine".
La propagande et l'hébétude du public ont bel et bien concouru à ce qu'aucun "trouble à l'ordre public" ne se manifeste quand ce même public a appris, bien plus tard, que des militaires armés jusqu'aux dents étaient présents sur les lieux et n'ont pas seulement
prêté leurs armes aux policiers pour tenter d'abattre les tueurs
militarisés, lancés dans une opération militaire en plein Paris. C'est alors qu'on a fait valoir toute sorte d'arguments de
légalité, de
chaîne de décision à respecter, etc., autrement dit tout ce qui a été bafoué dans le cas de M. Benalla. La voilà la
colossale "affaire d'Etat" qui n'a pas éclaté et aurait éclaté dans n'importe quel autre pays, je suppose. Mais elle s'est tout de même inscrite dans les mémoires et a rempli cet invisible vase d'indignation, rejoignant toutes les autres affaires de même farine qui n'ont pas éclaté et dont je vous épargne, la liste. Ce que je tente de dire, c'est que la ridicule affaire Benalla prend les proportions qu'elle prend parce que l'affaire Bataclan n'a pas éclaté.
Rémi Pellet ne voit pas "l'intérêt de cette affaire" et ceux qui sont de son avis me semblent s'obstiner à ne considérer que son aspect strictement factuel (sans compter ceux qui se réjouissent que deux abrutis de gauchistes aient été un peu secoués.) et qu'à cette aune, il n'y a vraiment pas de quoi fouetter un chat. Ils s'obstinent à répéter qu'il n'y a pas eu mort d'homme, ils s'obstinent à ne considérer que la minime portée des coups et des violences exercées par M. Benalla, un certain jour, sur des manifestants et, sur ce thème, on ne peut évidemment pas les contredire : c'est une échauffourée dérisoire. A partir de là, ils disent que c'est sans intérêt et refusent tout ce qu'on découvre des pratiques élyséennes à partir d'une "grosse connerie". C'est comme si, un gangster se faisant arrêter par les gendarmes parce qu'il a oublié de boucler sa ceinture de sécurité, on s'obstinait à ne gloser que sur la bénignité de cette infraction. Faut-il répéter que c'est ce que révèle l'affaire Benalla qui compte et pas le degré de violence des coups qu'il aurait asséné ?
M. Benalla n'a pas fait grand chose, certes, mais voici qu'à l'occasion de ce pas grand chose on apprend, exemple entre mille qu'ont révélés les auditions, que le préfet de police de Paris ne connait pas, au juste, la véritable identité d'un homme qui suit le président de la République comme son ombre. Aucun intérêt ? Aucun intérêt, la carrière fulgurante de ce personnage qui ne cherchait pas "à se faire connaître" mais qu'on voit sur toutes les images ? Comment refuser de relier le parcours de M. Benalla à celui d'autres personnages de même acabit qui gravitent autour du chef de l'Etat et que j'ai évoqués en parlant de ce "Conseil présidentiel des villes" dont personne ne connait le rôle politique véritable mais dont la composition laisse songeur ?
Sans intérêt, aussi, la réaction de M. Macron, que l'on vient d'apprendre. Est-ce la réaction d'un chef d'Etat ou celle d'un chef de bande, d'un factieux qui vient galvaniser ses troupes ?