Le site du parti de l'In-nocence

Petit divertissement littéraire d'été, loin d'Alexandre B.

Envoyé par Thierry Noroit 
Quel écrivain français a écrit dans la seconde moitié du XXe siècle le passage ci-dessous ?
De quelle ville parle-t-il ?
(Ville alors pleinement conforme aux idéaux de l'in-nocence. Peut-être déchanterait-on aujourd'hui).

Ville qui n'a d'une capitale aucun des attributs vulgaires : ministères et ambassades, drapeaux, palais officiels, relève de la garde, luxe administratif glacial et palaces standardisés, mais qui en a retenu toutes les prérogatives secrètes et chaleureuses : les reliquaires d'art, l'argent accumulé, la préservation d'une culture ancienne et haute, sans réclame et sans oripeaux, le séculaire, le très subtil aménagement du mariage d'une population et d'un site.
Rome, Renaud Camus: vue sur Rome depuis la villa Médicis ?
 
Non, ce n'est pas lui. Et ce n'est pas Rome.
Non. Ni Paul Morand, ni Paris. (Paris, capitale sans ambassades ni palaces !).
Certes, enfin, il n'y a pas que cela à Paris, et ce ne sont certainement pas les palaces qui en font, firent le caractère particulier, tout de même... Et puis, des capitales sans ambassades ni ministères, ma foi...
D'autant, s'il est question d'"argent accumulé", qu'il s'agirait d'un pays plutôt riche... Remarquez, a wild guess, cela pourrait dans un sens correspondre à Berne...
01 août 2018, 18:19   Tout autour de
Vaduz...
01 août 2018, 18:49   Re : Tout autour de
Budapest, et je donne ma langue au chat.
Cela pourrait-il être Séville ?
01 août 2018, 22:36   Champagne
À mon avis Thomas a trouvé : ça ne peut être que Vaduz...
Pour le moment toutes les réponses d'auteurs et de villes sont fausses.

Mais il me semble qu'Alain Eytan a mis le doigt sur une singularité du texte. L'auteur parle d'argent accumulé. Cela se remarque. Dans ce contexte, la plupart de ses confrères auraient écrit élégamment, je pense : richesses accumulées. Mais notre auteur choisit volontairement un terme trivial. C'est peut-être un souvenir, une subsistance, de sa jeunesse qui fut (brièvement) marxiste.

Autre singularité (qui peut mettre sur la voie). L'auteur parle du très subtil aménagement du mariage d'une population et d'un site. Certes, l'idée est banale. Il n'y a qu'à notre époque qu'elle est devenue séditieuse. Mais regardez comme elle est exprimée. L'auteur doit sentir confusément qu'il vit les derniers moments où l'on peut écrire cela en toute innocence. Alors, il sacrifie l'élégance. "Subtil aménagement du mariage" on a d'abord l'impression d'une certaine lourdeur. Qu'il y a un mot de trop. Est-ce que "mariage subtil" n'aurait pas été suffisant ? L'"aménagement" suggère une difficulté, comme dans tout mariage, certes vaincue, mais difficulté quand même. Quant à l'auteur, on pourra en déduire qu'il est très scrupuleux, qu'il sait exactement ce qu'il veut dire, est prêt pour cela à sacrifier un peu d'élégance, de concision.

Encore un indice. Reprenons l'expression : le très subtil aménagement du mariage d'une population et d'un site.
Est-ce que le mot "site" n'attire pas l'attention ? Est-ce que la plupart des auteurs n'auraient pas écrit : "lieu" à la place de "site"? Indication, peut-être, d'une certaine spécialisation de notre auteur...
Dit comme ça: Lyon, capitales des Gaules, par Fernand Braudel ?
Ce pourrait être Lévi-Strauss, et quelque "capitale" amérindienne d'"ancienne et haute" civilisation...
Ce n'est pas Claude Lévi-Strauss. Il s'agit d'une ville européenne. L'auteur est connu comme littérateur, non comme chercheur.
Donc c'est Julien Gracq, géographe de formation...
Bravo ! C'est bien lui.
Et la ville ? Pensez à la peinture...
Exact. C'est tiré de son ouvrage : Carnets du grand chemin (beau titre) paru en 1992.
Eh bien... Le fait est que j'avais d'abord pensé aux Villes hanséatiques, publié par le jeune Gracq presque un demi-siècle plus tôt, dans Liberté grande...


« Éveil d'une jeune beauté couchée sur le gazon près d'une ville, devant l'étincellement de l'eau et la paresse de dix heures, sous la lumière bleuâtre.
Les clochetons et les tours de cette ville très ancienne, ses hautes rues étroites pour le grondement et les émeutes de la foule affamée des sièges, les arbres somptueux du mail pour ombrager les bijoux trop riches, éteindre les velours orgueilleux et fermer une résille de soleil sur les cheveux des jeunes femmes aux jours de triomphe et de parade, et les places triangulaires sous le soleil cruel avec leurs senteurs puissantes d'immondices. L'air coule et lave les ponts comme un fleuve bleu en spirales musicales.
La petite ville noble dentelle un abrupt de rêve sur l'horizon au delà d'une prairie de fête coupée par un fleuve, mais toute la lumière chaude est pour approfondir sur le foin coupé l'arôme d'une chevelure étouffante, et ourler un pied et une main nue dont les doigts jouent sur les cordes compliquées de l'air. »
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