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Joie mauvaise

Envoyé par Utilisateur anonyme 
Utilisateur anonyme
07 août 2018, 11:19   Joie mauvaise
Dans le quartier du Marais à Paris, KFC remplace Dalloyau.

La réaction des habitants de l'immeuble est particulièrement savoureuse, si j'ose dire. Bien entendu, je ne sais pas qui sont ces gens et je les plains de devoir vivre bientôt au-dessus d'un affreux KFC ; mais d'un autre côté je ne peux pas m'empêcher de me réjouir, bien salement il est vrai, de voir ces bobos donneurs de leçons (car il est probable qu'ils le soient), qui ont généralement voté Hidalgo et Macron, et qui sont toujours prêts à vous infliger une leçon de morale teintée de pseudo-intellectualisme façon France Cul —, se mettre à pleurnicher quand le Grand Remplacement (le vrai, pas celui miel et arc-en-ciel d'Arte) en même temps que le Petit, pour le coup, décide de s'installer pile en bas de chez eux.

Car de quoi se plaignent-ils, en fin de compte ? Du bruit et de l'odeur, comme de vulgaires fachos ! Ha ha ha !

Une joie mauvaise, vous dis-je, et que je préférerais ne pas éprouver.
07 août 2018, 12:25   Re : Joie mauvaise
La France pays de la grande gastronomie inscrite au patrimoine de l'humanité, est aussi le pays d'Europe qui compte le plus de fast-food; elle est le deuxième consommateur de hamburgers au monde derrière les États-Unis.
1. Les États-Unis
2. La France
3. Le Canada
4. L’Angleterre
5. La Corée du Sud
6. L’Australie
7. Le Japon
8. L’Autriche
9. L’Allemagne
10. La Suisse
L'absence de l'Italie dans ce palmarès est sans doute ce qu'il y a de plus remarquable.
Il faut dire que la cuisine italienne a conquis le Monde par une cuisine familiale et de grande qualité. La France, elle, s'est toujours cantonnée à une cuisine élitiste, ouvrant un boulevard au mal-manger.
D'ailleurs, quand on y pense, la gastronomie relève bien souvent de la mal-bouffe.
- Louis XIV était un roi dont la gastronomie était parvenue à détruire le palais, les dents, la bouche.
- Quant à Joël Robuchon et sa célèbre purée, grand chef 3 étoiles grâce à un plat populaire, on oublie de dire que sa recette nécessite 200g de beurre.
- La célèbre tarte au citron de Pierre Hermé, pareil, 300 grammes de beurre pour une seule tarte.
Les deux recettes mises bout à bout et c'est la crise de foie assurée.

Au fond, on est ce qu'on mange.
La France est le pays de la gastronomie. Cela concerne, quoi, 10.000 personnes. Une fois que cette infime minorité est mise à mal par le mondialisme, on est déjà dans le Grand Remplacement.
En France, la solution ne résidait surement pas dans la fabrication d'une élite. Surtout pour un pays qui, en ce domaine, a viré depuis longtemps à la caricature.

Alors quoi, à la place d'un Dalloyau ?
Rien ?
Une pizzeria !
Il n'y a que la cuisine italienne ou la cuisine chinoise pour résister encore un peu à la logique du mondialisme.
 
Utilisateur anonyme
07 août 2018, 17:12   Re : Joie mauvaise
A M. Pierre Hergat.

A l'instant, le SMS d'un correspondant qui me dit que l'orthographe et l'expression s'améliorent.
Un bémol pour la ponctu.

(Roger Simka, service de remigration des coquilles et autres nocences de l'écrit francophone.) 

J'approche de la capitale des Gaules, je demande à ma guimbarde son maximum : j'ai mis un Lyon dans mon moteur.
07 août 2018, 19:19   Kant aux cuisines
Plutôt que la pizzeria (les pizzas industrielles sont ce qu'il y a de pire), j'aurais pensé à une bonne petite couscousserie de quartier, car quand c'est bien préparé, ça au moins c'est de la "bonne bouffe"... Cela dit, je ne vois pas très bien en quoi nombre des plats traditionnels français, la plupart d’entre eux probablement, seraient réservés à une élite, et cela va du jambon-beurre et sandwich rillettes au bœuf bourguignon...
Quoi qu'il en soit, la "gastronomie" commence je crois avec le soin apporté à faire cuire des œufs au plat : elle est un peu, en cuisine, ce qu'est le sapere aude à la pensée : faire autant que possible les choses par soi-même, en veillant avec un soin jaloux à la qualité des ingrédients et aux justes méthodes de mitonnement : quiconque est capable de se payer les meilleurs restaurants, et ne s'en prive pas, mais est infichu de festoyer avec une boîte de sardines et un oignon frais sera toujours un pauvre de goût, mais cela n'engage que moi...
07 août 2018, 21:50   Pourquoi, en effet
Pourquoi, Madame, ne déménagez-vous pas ? » C’est la question qu’a osé poser l’un des représentants de la chaîne de restauration rapide KFC à la présidente du conseil syndical du 5, boulevard Beaumarchais (IVe) où KFC a l’intention d’ouvrir un établissement prochainement."

Il n'y a strictement rien dans les lois françaises pour s'opposer à la logique de KFC. La seule issue légale eût été que ce Dalloyau soit classé au patrimoine. Autrement dit, on a le choix entre la momification muséale ou la liberté entrepreneuriale du "pousse-toi de là que je m'y mets". Ce genre d'alternative enlève l'envie de se battre pour la civilisation occidentale.
08 août 2018, 11:19   Re : Joie mauvaise
Citation

festoyer avec une boîte de sardines et un oignon frais sera toujours un pauvre de goût, mais cela n'engage que moi...

Permettez-moi de m'engager à votre côté sur ce coup-là, Monsieur Eytan ! Rien de meilleur que les sardines à l'huile en ce bas monde (à condition de laisser les boîtes vieillir une petite dizaine d'années en les retournant tous les six mois…). Cela dit, je remplacerais volontiers vos oignons frais (que j'aime beaucoup pourtant), par une petite couche de beurre au sel de Guérande. Mais bon, comme on dit sur les blogs.

(Sinon, il y aurait des choses à redresser dans ce que dit M. Hergat, à propos des cuisines française (nullement élitiste dans son fond) et italienne (très nettement surévaluée à mon sens). Mais j'ai la flemme, bien que la température extérieure ait considérablement chuté.)
08 août 2018, 12:30   Re : Joie mauvaise
(Sinon, il y aurait des choses à redresser dans ce que dit M. Hergat, à propos des cuisines française (nullement élitiste dans son fond) et italienne (très nettement surévaluée à mon sens). Mais j'ai la flemme, bien que la température extérieure ait considérablement chuté.)

Je fais dans la métrologie. Pas dans le sentiment.

Le principe d'une cuisine est de nourrir les gens, pas de les occuper à se nourrir.
Alors, pourquoi la France est-elle au 2e rang de ce médiocre classement ? Pourquoi l'Italie en est-elle absente ?

La cuisine italienne est centrée sur la tomate: elle nourrit les gens avec la tomate. La tomate est absente des fast-food car sans doute, trop saisonnière, mais surtout, pas assez hyper-rentable.

La cuisine française, elle, est centrée sur ... rien du tout. Elle est centrée sur la patate au nord, sur le haricot au sud, sur le blé à l'ouest. Et à l'est, sur la choucroute.

Pour rassembler tout ça, il faut donc une g a s t r o n o m i e qui réunira ce pot-pourri alimentaire en vue de produire l'excellence. L'excellence fera l'unité. Il fallait bien trouver quelque chose. Le pays étant maladivement jacobin, le résultat allait de soi. Je suis pour l'excellence. Mais si, pour gagner un point d'excellence, il faut que toute la population soit obsédée par la nourriture, alors, c'est non ! Vive l'Italie !

La Pappa Col Pomodoro, Maria De Medeiros, chant révolutionnaire sur la purée de tomate.




08 août 2018, 16:24   Les plaisirs simples
» Cela dit, je remplacerais volontiers vos oignons frais (que j'aime beaucoup pourtant), par une petite couche de beurre au sel de Guérande

Oui, cher Didier Goux, je me contenterai pour ma part d'un beurre à la fleur de sel de la mer Morte, qui n'exclut du reste pas l'oignon, et vice versa.
08 août 2018, 16:42   Re : Les plaisirs simples
Il reste à résoudre la question essentielle : on boit quoi, pour faire glisser nos tartines ?
08 août 2018, 17:19   Re : Les plaisirs simples
» Le principe d'une cuisine est de nourrir les gens, pas de les occuper à se nourrir

Ah non, ah non ! Le "principe" d'une cuisine est de satisfaire le goût, donc le plaisir ; la sustentation en elle-même est très secondaire dans tout cela, car on peut aussi bien subvenir aux besoins du corps avec des gélules ou par intraveineuse.
Et tout métrologue que vous soyez, cher Pierre, je ne vois pas pourquoi la tomate centralisatrice italienne, à vous en croire, serait en soi supérieure à la diversité des cuisines régionales, dont la succulence en tant que telles d'ailleurs précède le jacobinisme culinaire que vous dites...
08 août 2018, 17:26   Re : Les plaisirs simples
Citation
Didier Goux
Il reste à résoudre la question essentielle : on boit quoi, pour faire glisser nos tartines ?

Pour ma part, rien, je bois plutôt avant et après la sardine, guère pendant...
08 août 2018, 18:06   Re : Les plaisirs simples
Ah non, ah non ! Le "principe" d'une cuisine est de satisfaire le goût, donc le plaisir ;

C'est exactement ce que fait Mac Donald.
Il n'y a pas nourriture au monde plus savamment étudiée qu'un hamburger de chez Mac Donald. Je ne suis même pas sûr que la recette varie d'un pays à l'autre. L'objet, parce qu'il faut dire qu'il s'agit d'un objet, est conçu de telle sorte qu'en quittant le Mac Donald, plaisir et goût se confondent tellement qu'on oublie simplement qu'il n'y avait rien à manger, Comme ça, on est aussi affamé en sortant qu'on l'était en entrant:: un second hamburger s'impose.

Alors, j'ai bien conscience que le tube digestif compte autant de neurones que le cerveau.
Mais perdre de vue qu'on mange pour se nourrir, c'est quand même faire un grand pas vers l'obésité. Aujourd'hui ce sont les gens qui se nourrissent de la mal-bouffe des fast-food qui font le plus gros du bataillon des obèses: goût et plaisirs rapides.
08 août 2018, 22:23   Re : Les plaisirs simples
(Il fallait bien sûr lire : le "principe" d'une cuisine étant de satisfaire le goût, il est un principe de plaisir.)

Le "goût" satisfait par l'auto-gavage de gueule grande ouverte dans les McDos et autres fasts n'est tout de même pas ce que nous pouvons concevoir de plus différencié et élaboré en la matière, vous en conviendrez...
09 août 2018, 16:29   Re : Joie mauvaise
le tube digestif compte autant de neurones que le cerveau...

A noter que la célèbre librairie des PUF, place de la Sorbonne, à Paris, qui avait d'ailleurs cessé d'être une librairie depuis une bonne douzaine d'années (brièvement reprise par Gibert puis devenue magasin de sport) vient de trouver son apothéose en devenant une succursale de la chaîne de restauration rapide "Prêt à Manger". Les riverains apprécieront. Il est vrai que ces riverains-là doivent être maintenant vaccinés. Ce que fut le boulevard Saint-Michel et ce qu'il est ! On vit une époque formidable.
09 août 2018, 18:49   C'était terrible avant
» On vit une époque formidable

Au fait, ai entendu récemment, lors de ces rediffusions de nuit de France-Culture, une assez longue interview de l'excellent Michel Serres, toujours aussi guilleret et érudit, où il affirmait tranquillement que nous vivions en effet une époque formidable, parce que, selon lui, c'était la première fois depuis la guerre de Troie (?) que l’Europe avait su créer un îlot chronologique plutôt paisible et prospère (ce qu'il appelle "les 70 paisibles" je crois), et que, ma foi, les menues tracasseries et très relatives violences que nous pouvions connaître étaient très peu de choses au regard des secousses sismiques de forte amplitude ayant continûment fait trembler la terre et crever les hommes par immenses poignées depuis des millénaires.
Trop énorme pour ne pas être un peu vrai, me suis-je dit...
Cela m'a fait penser à une phrase du dérélictueux "Ulysse" dans son billet relayé ici, qui m'avait semblé avoir une drôle d'allure (encore que l'assertion peu fondée selon laquelle "les grosses sucent mieux" ne fût pas mal non plus) : "pas de chemin qui permette de retrouver la tranquille assurance que donnaient les mœurs civilisées du temps d’avant l’invasion "...
Tranquille assurance ? Même dans une échelle de temps somme toute très courte ayant presque immédiatement précédé l'invasion en question, il suffit d'évaluer la tranquillité dont avaient bénéficié les Français durant la Troisième République, disons, en y adjoignant les quelques années un peu mouvementées de 39-45, pour se rendre compte que ladite assurance si tranquille en prenait un sacré coup, un coup terrible même, que l'époque avait connu de véritables cataclysmes où la notion même de "qualité de vie" perdait tout sens, et que le propos de Serres, tout grossièrement quantitatif qu'il soit, ne manquait pas aussi, dans une mesure qui reste à mesurer plus finement, d'être frappé au coin du bon sens...
09 août 2018, 19:09   Re : Joie mauvaise
En effet, mieux vaut être frappé au coin du bon sens qu'à la carotide, Alain. Où l'on mesure que l'apprentissage de l'arabe devrait être obligatoire dès la maternelle en France, car la connaissance de cette langue peut désormais vous sauver la vie :

[www.leparisien.fr]

Ceux qui nous déclarent ici et ailleurs "qu'on vit une époque formidable" méritent la palme de l'Humour noir.
09 août 2018, 19:27   Re : Joie mauvaise
À considérer les époques à vol d'oiseau, Francis, impossible de ne pas donner raison à Serres sur ce coup-là : vous allez comparer quelques faits divers actuels avec la catastrophe de 14-18, par exemple ?
Et pourquoi en réalité ne pas faire cette comparaison, en quoi serait-elle fausse, s'il s'agit de juger de l'"assurance tranquille" dont pouvaient bénéficier les habitants d'un pays à divers moments de son histoire ?
09 août 2018, 19:28   Re : Joie mauvaise
Michel Serres en 2016 dans le journal Le Monde :

Loin de moi l’idée de minimiser les violences et les victimes du terrorisme islamique. Mais c’est un fait historique : depuis sa fondation, l’Union européenne a traversé soixante-dix ans de paix, ce qui n’était pas arrivé… depuis la guerre de Troie !

Un festival de mauvaise foi et de contrevérités historiques :

1. L'Union européenne fut fondée en 1992, il n'y a donc certes pas soixante-dix ans;
2. Dès les journées qui ont suivi sa fondation elle a pris parti dans la guerre des Balkans qui s'est aussitôt enflammée (charniers, camps de concentration, frappes de l'Otan, le tableau d'une guerre comme l'Europe en avait connues dans le milieu du siècle fut complet);
3. Il y a eu le conflit en Ukraine et au Donbass dans lequel l'UE s'est empressée de prendre parti pour encore jeter de l'huile sur le feu. A l'heure où Serres délirait dans le Monde, ce conflit avait fait 9700 victimes et 21 000 blessées depuis le début des hostilités en 2014, lorsque la Russie a annexé la Crimée;
4. Enfin les "soixante-dix ans" écoulés jusqu'en 2016 ont vu, après la Libération : la guerre d'Algérie (durant laquelle l'intéressé dit avoir été mobilisé), les conflits de décolonisation (France, Portugal, Royaume-Uni) et, sur le sol européen, le conflit en Irlande du Nord des années 60 à 80 et la guerre de Chypre (1955-1959). Et je dois en oublier.

Avec ses airs de ravi de la crèche et de papy gâteau, Serres, qui est un faux imbécile, est un redoutable propagandiste. Puissamment malhonnête. Mais avec Serres, plus c'est gros, plus ça passe.
10 août 2018, 21:20   Re : Joie mauvaise
Soit, incluons donc la guerre d'Algérie, bien qu'elle n'ait pas directement mis en cause l'intégrité du territoire national (je parle de la France métropolitaine) et notablement et physiquement menacé la vie quotidienne d'une majorité de Français, du moins comme ce fut le cas lors de précédents conflits : cela nous donne presque une petite soixantaine paisible, plutôt qu'une soixante-dizaine ; vous chipotez, Francis...
D'autant que l''"invasion" a précisément commencé au milieu des années soixante ; aussi "le temps d'avant l'invasion", réputé si originellement pur, si enviable, si noble, érigé en âge d'or pratiquement du ravissement sans mélange de vivre, au regard de quoi notre époque apparaît tout à la fois haïssable, désespérante et moche, moche à en crever, ce "temps d'avant l'invasion", donc, était celui où il y avait encore de belles guerres, et de la chair à canon en des quantités dont on ne peut plus que rêver ?
Dans le fond, je ne vois toujours pas en quoi Serres aurait en l'occurrence si absolument tort...
10 août 2018, 22:42   Re : Joie mauvaise
Il y a en moyenne, en France métropolitaine, aujourd'hui, un égorgé par jour.

C'est le paradis selon Serres.

Encore un fois (la première fut dite ici je crois il y a fort longtemps) : cette paix dans laquelle l'égorgeur peut agir en toute impunité, à la montée de l'autobus de ville, en risquant par son geste de meurtrier à peine quelques mois de prison et surtout aucune "double peine" s'il est étranger, ferait presque envier le temps de la première guerre mondiale quand il y avait un front où chaque homme était fourni d'une arme pour défendre un territoire arrière, sur lequel les exactions de l'ennemi n'étaient pas à craindre.

Potocka et je crois Junger parlent ainsi de l'universelle fraternité du front qui englobe l'ennemi : à l'arrière, à six cent kilomètres des lignes communes à soi et à l'ennemi, les femmes et les très jeunes étaient à l'abri. Plus maintenant. Ce maudit espace créé en 1992, dépourvu de frontières et de front, est l'empire de l'insécurité et de la mort par surprise prête à sévir, légitime à frapper.

Du reste partout dans cet espace se hérissent de petits fronts qu'on appelle "barrières de sécurité". Pourtout la frontière et le front rident cet espace, en signalent les dangers, rappellent à chacun qu'il n'est nulle part à l'abri. Le soldat patrouille autour de la Tour Eiffel et aux abord de la mairie de ma petite ville comme il n'eut jamais à le faire au vingtième siècle.

Paradis, oui. Pauvre cloche ce Serres.
11 août 2018, 13:55   Re : Joie mauvaise
Ce que je disais du boulevard Saint-Michel, cher Alain, pourrait sans doute se dire aussi bien de Michel Serres (le bien prénommé) : ce qu'il est et ce qu'il fut ! Libre à vous de le trouver diplomatiquement "toujours aussi guilleret et érudit" mais c'est résiduel - et d'ailleurs un peu condescendant de votre part. Aurait-il raison que cela n'atténuerait en rien mes déplorations (habituelles). Comme dit excellemment Renaud Camus (moi aussi je sais être diplomate) : il boxe à côté. Et vous, vous arbitrez doublement à côté, ce qui ne vous remet pas au centre. Depuis quand l'absence de guerre déclarée ou d'événements (globaux) sanglants serait-il la mesure ou disons la seule mesure du bonheur des peuples et de chaque individu en particulier ? Cela n'a évidemment strictement rien à voir. Les Français, dont tous les sondages soulignent le pessimisme grandissant, seraient ainsi bien ingrats envers leurs dirigeants impeccables qui leur ont concocté plus de 60 ans de paix (officielle). La paix que mesurent les traités et l'ONU. Mais sont-ils, ces Français, en paix avec eux-mêmes, contents de leur sort ? Non. Ils se disent par exemple, comme moi ce matin : Pourquoi ce wagon de train était-il composé il y a 25 ans de 90% d'européens alors que je me trouve être le seul Blanc aujourd'hui ? Pourquoi alors que dans mon enfance, ma jeunesse, une partie de mon âge mûr, je n'entendais parler que français autour de moi, je n'entends plus (malgré mes boules Quiès, double épaisseur) qu'Africains de toutes les variétés qui hurlent dans leur téléphone portable, et parfois sans téléphone portable, et je ne parle pas de la marmaille incorporée ? Pourquoi, pourquoi, POURQUOI ? Vous ne voulez pas entendre cette souffrance, cher Alain, vous n'imaginez même pas qu'elle soit possible, alors ne la ramenez pas avec vos statistiques, même estampillées d'une vieille gloire académique.

Autre chose : de même qu'une guerre est plus impressionnante de loin que de près (alors qu'il y a en fait de nombreuses zones géographiques où on continue de vivre exactement comme avant, la guerre c'est pour les autres, ceux de la ligne de front) eh bien on a tendance aussi à penser avec le recul du temps qu'en dix ans de guerre il n'y a pas un seul instant de paix ni une seule occasion de bonheur accordée aux hommes. Mais c'est faux, absolument faux. Pourquoi le cinéma, la littérature, le théâtre français auraient-ils été si florissants vers 1942, 1943, Sartre, Giraudoux, Beauvoir, Camus, Eluard, Anouilh, tant d'autres ? C'est que la guerre n'est pas partout, ni partout avec la même intensité. Elle ménage en quelque sorte un "extérieur" à elle-même, même pendant qu'elle se déroule. Tandis que le changement démographique infernal que nous voyons n'a pas d'extérieur, l'engloutissement est total, définitif, irrémédiable.
« Depuis quand l'absence de guerre déclarée ou d'événements (globaux) sanglants serait-il la mesure ou disons la seule mesure du bonheur des peuples et de chaque individu en particulier ? Cela n'a évidemment strictement rien à voir. »

À propos de boules Quiès, cher Thierry, avez-vous déjà essayé les bouchons d'oreilles suisses de marque Ohropax (classic) ? je les recommande, ils sont incomparables, c'est ce que j'utilise, mais uniquement pour dormir.

La question que vous soulevez est une des plus difficiles qui soient : dans quelle mesure les conditions objectives déterminent le degré de satisfaction (subjectif) qu'on éprouve de sa vie ? il n'y a évidemment pas de réponse facile ou évidente à ce genre de questions, mais notez quand même qu'à vouloir trop dissocier les premières du second (les conditions objectives du plaisir de vivre), il n'y a en réalité plus aucune raison de considérer qu'un quidam (pas vous) ne puisse être au moins aussi heureux et content de vivre, voire plus, entouré d'Africains parlant fort au téléphone (il n'y a pas que les Africains qui hurlent au téléphone, du reste), aussi heureux donc qu'un poilu moyen dans sa tranchée, entouré des siens et entendant le sifflet, avant que la statistique et les grands nombres le rattrapent s'entend, car il va sans dire que si c'est un homme jeune dans sa vingtaine, il aura pratiquement 30 pourcent de "chances" de n'en pas revenir, sans parler des blessures graves, des amputations et du cassage de gueule, toutes circonstances qui auraient une certaine incidence sur la joie de vivre et peuvent vous saper le moral.
Comme Francis nous a informé qu'il y aurait un égorgé par jour (?? (parmi une moyenne d'environ 800 homicides annuels recensés, je crois)), je n'hésite pas à mettre en avant, à titre de comparaison, le désastre de 14-18, épicentre de la période troublée et assurément peu tranquille ayant précédé le début de la "grande invasion" (laissons de côté l'épisode 39-45 et les nazis, pourtant ennemis des métissages), désastre dans quoi, nonobstant, dans la tourmente, les famines, les deuils et le colossal gâchis humain, il y eut également des hommes heureux, c'est indéniable.

Vous avez bien compris que ce que je voulais avant tout révoquer en doute, ou du moins questionner, c'est ce qui me semble relever proprement du mythe selon lequel "le temps d'avant l'invasion" figurait une sorte d'âge d'or où il faisait incomparablement bon vivre, où la vie était douce, les gens adorables, les chiens aphones, les dieux même infiniment plus cléments envers les peuples peu mélangés, et où même, a-t-on parfois l'impression, le sens de la vie eût été plus accessible : historiquement, semble-t-il, eu égard à ces damnées "conditions objectives" dont nous essayons tous de nous abstraire avec un succès relatif, c'est faux, ce serait même de façon significative plutôt le contraire, et mon maître à penser Serres me paraît avoir sur ce point, malgré tout, plus raison que tort, bien que je n'abonderais pas tout à fait non plus dans le mythe opposé qui fait mine de croire si benoîtement au paradis contemporain sur terre.

Ce que pensait Musil de la question du bonheur personnel...

« Tout homme dispose d'une méthode de ce genre pour interpréter le bilan de ses impressions en sa faveur, afin que s'en dégage, si l'on peut ainsi parler, le minimum vital de plaisir quotidien considéré généralement comme tel. Le plaisir de vivre peut même consister en déplaisir ; ces différences de matériau n'ont aucune importance. On sait bien qu'il est des mélancoliques heureux comme il est des marches funèbres flottant aussi légèrement dans leur élément qu'une danse dans le sien. Sans doute peut-on même affirmer, inversement, que nombre d'hommes joyeux ne sont pas du tout plus heureux que les tristes, parce que le bonheur est un effort comme le malheur ; ces deux états correspondent à peu près aux deux principes du plus lourd et du plus léger que l'air. Mais une autre objection vient tout naturellement à l'esprit : les riches n'auraient-ils pas raison, de qui l'immémoriale sagesse veut que les pauvres n'aient rien à leur envier, puisque l'idée que l'argent des riches les rendrait plus heureux n'est qu'une illusion ? Cet argent leur imposerait simplement l'obligation de choisir un nouveau système de vie dont les comptes de plaisir ne boucleraient jamais, au mieux, qu'avec le même petit bénéfice de bonheur dont ils jouissaient déjà. Théoriquement, cela signifie qu'une famille de sans-logis, si la plus froide des nuits d'hiver ne l'a pas glacée, se trouvera aussi heureuse aux premiers rayons du soleil, que l'homme riche obligé de quitter son lit chaud ; et pratiquement, cela revient à dire que tout homme porte avec patience, comme un âne, la charge qu'on lui a mise sur le dos ; car un âne est heureux qui est plus fort que sa charge, ne fût-ce que de très peu. C'est là, en réalité, la définition la plus solide qu'on puisse donner du bonheur personnel, du moins aussi longtemps que l'on considère l'âne isolément. »

Robert Musil - L'Homme sans qualités, traduction de Philippe Jacottet
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