Le site du parti de l'In-nocence

Nos villes (ou plutôt, les leurs)

Envoyé par Pierre Jean Comolli 
Après avoir de nouveau beaucoup sillonné la France (surtout le Sud et la région parisienne) je rentre au bercail dans un état, je l'espère passager, d'intense confusion. J'affectionne les classements, or là, je ne sais plus... Marseille est-elle finalement moins dégueulasse que Toulouse ? Existe-t-il une grande capitale occidentale plus sale et, par endroits, plus effrayante que Paris (New York, à côté de Paris, c'est Vienne) ?

D'autre part, les communes françaises dont la population dépasse les 20 000 habitants ont-elles déjà toutes étaient remplacées sans que l’événement ait été signalé publiquement -- cet achèvement "remarquable" ne fait pas l'ouverture des journaux télé, alors que la seule question qu'on se pose en traversant ces villes est : "Comment peut-il y avoir autant de Noirs et d'Arabes en France ?" Nos villes sont devenues les leurs, ils y ont tout renversé, à commencer par les normes du bien-vivre le plus élémentaire puisque maintenant de partout on crache, on se mouche avec les doigts, on met les pieds sur les sièges des transports en commun, on beugle en patois dans le micro de son smartphone, etc. Puis, on en parle ailleurs sur ce forum, ça surine à tout-va. Cette intifada des couteaux a d'ailleurs de quoi surprendre puisqu'elle est menée par les forces d'occupation !

Mais enfin, si du jour au lendemain les rues étaient envahies de tuk-tuk thaïlandais ou d'Indiennes en sari, ça ferait causer quand même... Là, ce sont des hordes qui prennent et contrôlent nos villes, et rien, pas un mot...
Nos villes sont devenues les leurs, ils y ont tout renversé,

Nos villes sont devenues des leurres, ne subsiste que les campagnes.
 
Et dans ces campagnes il n'y aura bientôt plus que des refuges, des poches, mieux, des niches pour nous autres souchiens.
19 août 2018, 16:57   Avis aux réalisateurs
» Comment peut-il y avoir autant de Noirs et d'Arabes en France ?

Le moyen le plus efficace de rendre le remplacement de population manifeste autant que possible serait de produire un documentaire dressant un état des lieux des villes : sillonner la France comme l'a fait Pierre Jean caméra à l'épaule, et montrer, non pas la Goutte-d'Or, Barbés ou certains quartiers notables de ce point de vue, mais des lieux hors ghettos supposément neutres à cet égard, des centres-villes, des lieux de loisir et de sortie, des plages, des stations de métro centrales etc., cela rendu par un vidéaste ou cinéaste compétent, non point trop tendancieux ou dogmatique, exposant seulement ce qu'il voit, en le plus de lieux possibles et en multipliant les points de vue ; cela frapperait plus les esprits que toutes les théories.
Il manque cruellement semble-t-il à la thèse du Grand Remplacement, qui prétend rendre au regard son caractère d'évidence, des images à grande échelle...
Il faudrait, dans un tel cadre, donner la parole aux Arabes et Noirs africains les plus clairement assimilés : on prendrait alors la mesure de leur insondable déprime : "Mes parents et nous-mêmes aurions fait des années d'études supérieures, prouvé à la moindre occasion sociale notre amour pour la France pour finalement devoir coexister ici avec ces plaies ?..."
Mais donner ainsi la parole aux Arabes et Africains intégrés irait trop contre la doxa. On ne donne déjà pas la parole aux Français de souche sans filtrer leurs commentaires et réactions, sans les "corriger" alors vous pensez bien, les autres...

On découvrirait sinon que ces Arabes et Africains installés et intégrés de longue date en France se trouvent confrontés, en l'espèce de ces parasites invasifs, aux mêmes difficultés que les citoyens des pays d'Afrique sédentarisés et attachés à leur pays : à vrai dire, les problèmes de l'immigration semi-sauvage, sauvage-organisée entre les mains d'ingénieurs sociaux qui carburent à l'idéologie dans nos pays d'Europe, sont ceux-là mêmes auxquels l'Afrique est déjà confrontée (le Cameroun, par exemple, est envahi, sur certains pans de son territoire, par des éléments sans-frontières venus d'Angola, mais il y a mille exemples sur ce continent, et aussi en Asie, comme en l'a vu l'an dernier en Birmanie, qui viendraient illustrer ce fait, cette thèse).

La thèse est simple pour un phénomène composite: l'africanisation de la France apporte en Europe des difficultés propres à l'Afrique, en ce sens que les maux que charrie cette immigration d'Afrique ne se limitent pas à l'africanisation de l'Europe, ils se doublent de difficultés répandues et familières sur le continent africain, que crée l'immigration sauvage intra-africaine (maux qui sont présents aussi, dans leur version asiatique, sur le sous-continent indien); ces difficultés sont généralement cause de conflits armés.

L'africanisation est donc aussi l'africanisation particulière de difficultés ou de défis migratoires qui ont pu exister à un degré moindre et sous d'autres formes en Europe; elle se manifeste par un chaos migratoire aux couleurs, tonalités, formes et problématiques elles-mêmes importées.
(Pour ulcerer sur place un Camerounais, parlez-lui des immigrés nigérians et de ce qu'ils apportent avec eux d'agressivité, de violences religieuses et d'incivilites !)
Bien comprendre que si une guerre civile se déclenche un jour en France, elle l'aura été par des facteurs rigoureusement identiques à ceux qui déclenchèrent la guerre en Côte d'Ivoire dans les années 2000. La France est en phase déjà avancée de "côte-d'ivoirisation", non point parce qu'une frange mélanotypée de sa population est en croissance exponentielle mais parce que l'infiltration illégale d'un territoire national par des populations hostiles, qui bénéficient de l'aide de complices organisés ayant un pied ou les deux dans les sphères du pouvoir, est un puissant facteur de guerre civile.

Mais allez faire comprendre ça à Martine Aubry ou Olivier Besancenot. Il vous jetteront à la face que vous êtes raciste et vous feront taire ainsi.

Cette absence de débat possible sur le sujet est lui-même un adjuvant puissant à la couvaison d'une guerre civile ou "de libération" (généralement, c'est la même guerre).
Parfaite image que celle d'une France infiltrée.
Je vous prie de bien vouloir m'en excuser, je ne sais où placer ce qui suit. Les responsables du site pourront choisir l'endroit plus adéquat.


Beaucoup ici connaissent les Trois Sœurs de Provence, sublimes abbayes cisterciennes. Si l’on veut toucher la réalité du patrimoine et des racines chrétiennes de la France, c’est là qu’il faut aller. Or, Sénanque est menacée d’effondrement imminent. Après la destruction d’une chapelle servant de contrefort, c’est désormais l’ensemble de l’abbaye qui menace ruine. Un échafaudage retarde l’écroulement du dôme. Les moines n’ont trouvé d’autre perspective que de faire appel à la notoriété d’Élie Simoun, familier des lieux — que cela soit porté à son crédit — pour lancer un appel aux dons.
Encore un symbole de ce que nous fûmes et de ce que nous devenons.
08 novembre 2018, 15:35   Tous les moyens
Les inclinations cénobitiques d'Elie Semoun laissent pantois... mais grand bien fasse aux moines si cela peut sauver l'abbaye...

Cela m'a remis en mémoire, dans un ordre d'idées un peu bancal et antipathique, cette remarque orgueilleuse de Thoreau :

« Le froid et la faim me semblent préférables aux moyens qu'ont inventés les hommes pour s'en préserver. »
« Le froid et la faim me semblent préférables aux moyens qu'ont inventés les hommes pour s'en préserver. »

Et leurs moyens pour se déplacer ? Depuis Heidegger, on sait où nous a conduit la machine à vapeur... (j'essaie de faire plaisir)
Vous savez, mon cher Rémi, inutile d'aller jusqu’à la machine à vapeur : Thoreau, homme bucolique qui nous a appris à penser à la dure, aurait pu aussi bien se passer de lit, d'un simple lit douillet. Car du lit au châlit, avez-vous oublié les châlits ?...
Non, en effet, je n'ai pas oublié les châlits cher Alain et si vous me permettez d'y revenir de façon sérieuse, je soumets à votre sagacité deux remarques tirées de la préface de Pierre Vidal-Naquet à la version française du livre d'Arno Mayer, La solution finale dans l'histoire (La Découverte, 2002, pp. I-X) :

1° "Ce qu'introduisaient les gazages et qui est à mes yeux capital, ce ne sont pas non plus des techniques industrielles pour donner la mort car ces techniques sont très pauvres. Ce que les gazages apportaient de neuf, c'est l'anonymat des bourreaux face à l'anonymat des victimes et, en dernière analyse, leur innocence. Car, dans le système du gazage, personne n'est directement tué"
2° "(...) le système concentrationnaire nazi, avec ses insolubles contradictions entre la logique du meurtre et la logique de la production (...)"

Ces deux remarques me semblent justifier la remise en cause de la thèse heideggerienne sur le lien qui existerait nécessairement entre la machine à vapeur, les châlits d'Auschwitz et ceux des mégapoles japonaises.

Dans sa post-face Mayer souligne que le camp d'Auschwitz "était un bastion de la production de guerre pseudo-rationnelle et urgente" (p. 511)
Cher Rémi, il me semble tout de même que ce qui constitue en premier lieu le caractère "industriel" d'une méthode de production, quelle qu'elle soit, est la très grande quantité de ce qui est ainsi produit, ce qu'il est convenu de nommer "production de masse", et non la sophistication en soi des méthodes de production, laquelle sophistication n'est jamais en fait que le moyen du meilleur rendement.
Or vous conviendrez que rien n'est plus anonyme que cette production de masse, ouvriers, méthodes et produits confondus, et que dans ces filières de transformation à très grande échelle, nothing is personal.

On peut du reste avancer que la logique du meurtre et celle de la production cessent d'être contradictoires à partir du moment où ce qui est "industriellement" produit, dans les chaînes d'abattage industriel des hommes, est la mort, qui est justement tout l'objet du meurtre.

L'interprétation des méthodes d'extermination dans les camps nazis par l'entremise de la technique — au sens plus particulier où Heidegger utilise ce terme et que j'avais essayé de clarifier ici — ne me paraît pas être en l'occurrence remise en cause...
Cher Alain, personne ne nie bien sûr que les entreprises industrielles utilisent les ouvriers comme de simples rouages de machines (avec le travail à la chaîne) et le fait que des techniques industrielles aient été employées dans le processus d'extermination des juifs d'Europe.

Le débat porte sur la thèse heideggerienne selon laquelle la shoah serait en quelque sorte une manifestation de l'essence même de l'industrie, de sorte qu'il y aurait un lien nécessaire entre le taylorisme et la Shoah, avec l'antisémitisme de Ford comme "chaînon manquant."

En réalité, le système industriel se caractérise par le fait qu'il permet une production de masse parce qu'il donne aux ouvriers les moyens d'acheter les produits qu'ils produisent, Ford vendant à ses ouvriers les voitures qu'ils fabriquent.

Autrement dit, si l'on cherche "l'essence du système industriel" on trouve la nécessité pour lui de faire vivre une masse toujours croissante de consommateurs, à proportion de la croissance de la production, de faire naître constamment de nouveaux besoins par le système de persuasion qui s'appelle la publicité.

De ce point de vue, le système nazi utilisait bien des moyens industriels - rudimentaires- mais dans un sens contraire à "l'essence du système industriel" : en supprimant l'esclave, il se privait du producteur et du consommateur, d'où son caractère "contradictoire" (P. Vidal-Naquet), "pseudo-rationnel" (A. Mayer).

Quant au processus "rationnel" de transformation de l'homme en moyen de production, il n'est pas le propre du système industriel car il caractérisait aussi bien les systèmes esclavagistes qui cherchaient à préserver la vie des esclaves et n'en sacrifiaient certains que pour terroriser la masse.

Ajout après avoir relu les échanges sur le fil pour lequel vous donnez le lien :

Bien sûr, vous pourrez répondre que pour les nazis la production de cadavres juifs permettait de libérer "la force productive" allemande mais en quoi ce "délire" était-il une forme de réalisation de l'essence de la technique ? Est-ce que tout procédé utile ne peut pas être détourné de ses fins pour être employé de façon néfaste ("la langue d'Esope") ?
» Le débat porte sur la thèse heideggerienne selon laquelle la shoah serait en quelque sorte une manifestation de l'essence même de l'industrie

Je crois qu'il s'agit de l'essence de la technique, et non de celle de l'industrie au sens strictement économique où elle serait, selon vous, un instrument d'un système de l'équilibre à la Walras entre offre et demande, celle-ci fût-elle artificiellement créée : or cette essence de la technique, pour Heidegger, ne procède certainement pas d'une quelconque nécessité économique, mais lui est bien antérieure et constitue une disposition humaine et existentielle fondamentale, comme cela a été maintes fois souligné dans le fil précité, avec plus ou moins de clarté peut-être : elle se manifeste comme processus de dévoilement brutal de l'étant à des fins utilitaires.
Permettez-moi donc de me citer :

« Birkenau comme "usine à cadavres", c'est l'humain contraint au dévoilement ultime de son être, en produisant ce qu'il a de plus absolu : sa propre mort. C'est en ce sens une expression paroxystique de l'essence de la technique comme processus de dévoilement brutal de l'étant.
Or aussi inimaginable que cela paraisse, à Birkenau on produisait en effet de la mort, avec grand souci d'efficacité et de rendement. »

Encore une fois, on n'est pas obligé d'accepter les présupposés de Heidegger concernant la technique et ses diverses manifestations, c'est une thèse philosophique qui veut rendre compte du réel et de l'histoire humaine de façon très particulière ; je pense toujours néanmoins qu'on peut difficilement contester l'intérêt et la pertinence de telles analyses, dans le cadre de pensée propre où elles ont été formulées.
Cher Alain, merci de votre patience et de votre indulgence.

Je vous avais relu mais ce que je ne comprends toujours pas c'est le fait que l'hypothèse heideggerienne soit, en quelque sorte, à prendre ou à laisser sans qu'il soit logique / légitime de vérifier qu'elle résiste à l'épreuve de la "falsification".

Sur le sujet, je soumets à votre expertise la note ci-jointe : [www.appep.net]
Le fait est que je crois que l'interprétation de Heidegger concernant l'essence de la technique moderne, dans son principe, résiste assez bien à la falsification, cela pourrait être résumé ainsi, et je ne garantis absolument pas l'orthodoxie heideggerienne de la formulation, mais tant pis : plus les moyens proprement technologiques de la technique s'accroissent, plus puissants deviennent les moyens de maîtriser le réel en le soumettant à l'impératif de la production démultipliée utilitaire, plus brutal en est le dévoilement de ce réel comme nature sommée de rendre gorge littéralement, et plus altéré et défiguré est ce qui est ainsi dévoilé, et la nature et l'étant en général, jusqu'à en perdre ce qui en constitue la singularité par le fait de cette contrainte et de cette brutalité qui déforment ce qu'elles pressurent.
La mort des exterminés des camps n'est plus la mort de l'être-vers-la-mort qu'est le Dasein, le fleuve est complètement accaparé, souillé, éventuellement détourné de son cours et en tout cas tout le site défiguré par la centrale, la terre et les paysages ruinés par l'exploitation forcenée des ressources, etc.

Je reviendrai probablement sur ce texte que je n'ai fait que parcourir, mais cette remarque rapide : je ne vois pas du tout pourquoi il serait "monstrueux" de comparer la production de mort des camps d'extermination à la production agro-alimentaire de masse, ni en quoi cela — ce "non-mourir" — reviendrait à nier purement et simplement le caractère criminel au superlatif de l'entreprise nazie, voire conduirait carrément au négationnisme, comme le prétend Faye, qui se méprend à mon sens du tout au tout : Le fait d'avoir dépouillé les hommes de leur mort en les abattant comme des bestiaux constitue pour Heidegger le pire crime contre l'homme qui puisse être commis, puisque c'est le déposséder de son être, c'est-à-dire le déshumaniser totalement, le ravaler au rang de non-être et l'anéantir doublement.
Le non-spécialiste de Heidegger que je suis ne comprend pas comment Faye peut commettre un tel contresens, c'est invraisemblable, cela ressemble beaucoup à de la mauvaise foi...
L'interprétation de Heidegger résiste très bien à la falsification parce qu'elle est à tel niveau d'abstraction que tout la confirme : l'agriculture motorisée et la Shoah, la production industrielle de la mort et la croissance démographique, le changement climatique, Mac Donald, Disney World, l'IVG, le blocus de Berlin et Auschwitz, ... tout cela et le reste c'est le déploiement de la Technique, la transformation de l'Etre-vers-la-mort en déchet.

Cette façon de penser ne fait pas que criminaliser Mac Donald, elle macdonalise Auschwitz (pour reprendre une formule de F. Ratier). Je ne peux m'empêcher d'y voir une façon pour Heidegger de relativiser sa culpabilité, tout en la faisant peser en partie sur ses victimes.

À part ça, je suis d'accord (pour autant que je peux en juger) avec ce que vous dites de Faye mais, puisqu'elle est citée dans le texte, c'est la position de Finkielkrault qui me surprend : d'un côté, il semble adhérer à la thèse d'Heidegger, de l'autre il tient au caractère unique, incomparable, de la Shoah.
Cher Rémi, il s'agit d'une lecture philosophique prenant place dans le cadre plus général d'une histoire de la métaphysique, dont l’un des points culminants est constitué par l’avènement de la technique moderne : une telle "systématisation" (que me pardonnent les heideggeriens pur jus) idéelle et conceptuelle du monde et de l’histoire est forcément abstraite et ne peut être vérifiée comme un modèle fonctionnel visant à expliquer et reproduire un phénomène observable.
Et il faut accepter, en théorie, certains présupposés de cette histoire de la métaphysique, lesquels ne sont pas non plus expérimentalement réfutables, pour que ce qui en découle comme conséquence d’un même rapport au réel ait du sens.
Ne mélangeons tout de même pas les genres : une idée "philosophique" peut vous paraître juste, ou possiblement riche dans la compréhension qu’on a du réel, même à un certain niveau d’abstraction, sans pour autant pouvoir être démontrée dans un sens strictement factuel.

Pour ce qui est de la "macdonaldisation" d’Auschwitz, je vous renvoie à l’objection que je vous avais faite, et qui considère malgré tout le "modèle" heideggerien plus idoine à expliquer la perpétration d’un phénomène aussi apparemment incompréhensible que la Shoah, parce qu’il est très vraisemblable que pour ses instigateurs et perpétrateurs, un tel rapprochement éventuel entre McDonald's et Auschwitz, une telle banalisation du mal, pour tout dire, n’aurait en soi rien eu de choquant, d’inacceptable ou d'impossible, et qu'ils étaient même plutôt conformes à leur état d'esprit.
Cher Alain, dire que les nazis ont utilisé des procédés industriels d'abattage contre les juifs, qu'ils "banalisaient le mal" au point de ne pas faire de différence entre McDonald's et Auschwitz, c'est une chose sur laquelle tout le monde s'accorde et je souscris donc entièrement au message que vous aviez écrit.

En revanche, je ne vois pas pourquoi il faudrait admettre le point de vue nazi qui fait d'Auschwitz la "vérité" du McDonald's

Ce que je n'arrive pas bien à expliquer c'est ce qui me paraît "pervers" dans le propos d'Heidegger, lorsqu'il fait de la "fabrication de cadavres dans les chambres à gaz et les camps d’extermination, la même chose que le blocus de régions afin de les affamer, la même chose que la fabrication de bombes à hydrogène"

Comme l'écrit Rastier, avec Heidegger "L’extermination nazie devient essentiellement la même chose que la politique russe et américaine"

[journals.openedition.org]

Vous vous souvenez sans doute du rapprochement qui avait été fait ici entre le combat de Simone Weil pour le droit à l'IVG et... la Shoah. D'un point de vue heidegerrien, ça se tenait...

Encore merci pour votre patience.
Ce "la même chose" me paraît en réalité très réducteur : on peut très bien considérer que certains phénomènes ou événements procèdent d'une même vision du monde, d'un même type de rapport au réel et d'une façon semblable d'en disposer méthodiquement, sans pour autant estimer nécessairement que ces événements soient identiques et moralement équivalents : pourquoi voulez-vous absolument qu'une description qu'on voudrait objective et globale qui permettrait de rendre compte de divers faits historiques annule, par le fait même qu'il s'agit d'une même grille de lecture appliquée, notre capacité de juger différemment ce qui est ainsi décrit, et qu'on en estime similairement la gravité ?
Il y a là un raccourci saisissant, que je trouve franchement spécieux et qui n'est pas sans évoquer le procès d'intention, si dès lors qu'on compare les méthodes d'assassinat des personnes à l'abattage industriel des bœufs consommés dans une chaîne de restauration, on en induirait forcément que les responsables des assassinats ne sont pas plus coupables et condamnables que les directeurs et employés de McDonald's.
C'est la raison pour laquelle le rapprochement très hasardeux entre Simone Veil et Himmler ne tient pas, d'un point de vue heideggerien, ou du moins pas nécessairement...
@ Ce "la même chose" me paraît en réalité très réducteur :

Mais ce "la même chose" / "das Selbe" est d'Heidegger :

« L’agriculture est à présent une industrie alimentaire motorisée, dans son essence c’est la même chose que la fabrication de cadavres dans les chambres à gaz et les camps d’extermination, la même chose que le blocus de régions afin de les affamer, la même chose que la fabrication de bombes à hydrogène »

« Ackerbau ist jetzt motorisierte Ernährungsindustrie, im Wesen das Selbe wie die Fabrikation von Leichen in Gaskammern und Vernichtungslagern, das Selbe wie die Blockade und Aushungerung von Ländern, das Selbe wie die Fabrikation von Wasserstoffbomben. » (« Das Ge-Stell », GA, vol. 79, p. 27).

Si, "dans son essence, c'est la même chose", on ne voit pas pourquoi ça serait la même chose dans un sens et pas dans l'autre, non ?
Il faudrait peut-être lire les auteurs parfois un peu plus finement que ce que pourrait laisser croire une expression ambiguë trop prise au pied de la lettre, du moins faire l'effort de se poser cette question : croyez-vous réellement que Heidegger pensait que l'assassinat de masse était en soi la même chose, équivalait moralement, avait le même poids et la même valeur que l'élevage industriel des poules ? qu'il était incapable de faire l'élémentaire différence entre tuer un homme et couper du blé ?
Ce serait étonnant, quand même...
À quoi se réfère cette "essence" semblable ? à la façon de disposer du réel, de le traiter sous le seul angle du bien accaparé exploité au maximum, ou à ce qui résulte de l'application de cette même méthode de traitement du réel, ce qui ferait que le cadavre en train de se consumer dans le four auschwizien aurait, selon nos catégories morales, la même signification qu'un hamburger grillant sur les plaques d'une chaîne de restauration ?

J'avancerais pour ma part que c'est précisément cette similarité de méthode qui prend acte du crime commis contre l'humain, et que c'est l'identité du procédé qui entérine la culpabilité des nazis, en disposant des hommes comme du bétail.
c'est l'identité du procédé qui entérine la culpabilité des nazis, en disposant des hommes comme du bétail.

Vous m'accorderez quand même qu'il n'est pas besoin d'être heideggerien pour juger les nazis coupables parce qu'ils ont disposé des hommes comme du bétail.

Assurément, je ne suis pas assez cultivé pour comprendre ce qu'Heidegger pensait vraiment mais je ne suis pas non plus tout à fait assez bête ou mal informé pour ne pas entrevoir ce à quoi lui sert son "dans son essence, c'est la même chose" (et sert aujourd'hui à quelques autres)
Cher Rémi, à quoi cela lui sert-il, sinon à contredire ce qui fait la ligne de force de sa pensée, et au demeurant à desservir sa propre cause personnelle, sa réputation, qui est déjà suffisamment entachée comme ça ?

Ce dans son essence c'est la même chose constitue en réalité, et je ne vois pas comment on pourrait l'envisager autrement, une terrible condamnation de ceux qui sont responsables que cela ait été la même chose, c'est-à-dire de ceux qui ont traité des hommes comme des bêtes : l'homme, selon Heidegger, a le privilège insigne d'abriter en son sein, pratiquement comme un indice de transcendance, le souci de l'être ; ce privilège le consacre pleinement comme homme, comme Dasein, et le distingue absolument du reste des étants — de façon qui n'est pas sans rappeler la consécration kantienne de l'homme par sa capacité de s'abstraire de la nature, règne du conditionné, et d'accéder à l'inconditionné et au divin.
Or ce que dit Heidegger, par ce das selbe, c'est qu'on s'est permis de disposer des hommes comme on le fait de n'importe quel autre étant, ressources matérielles, bétail, jusqu'à lui faire perdre sa singularité et sa dignité ontologiques et le ravaler au rang de commodité jetable après usage : c'est cela que veut dire ce la même chose.
Une même méthode de traitement dévolue aux choses et aux hommes, dans le plus total oubli de l'être dont l'homme est en quelque sorte le sanctuaire.

Comment alors ce dans son essence c'est la même chose pourrait-il constituer une quelconque approbation à l'égard de ceux qui ont été les responsables que ç’ait été la même chose pour les hommes anéantis dans les camps ?
Comment Heidegger, chantre par excellence de la singularité humaine, tout de même, aurait-il pu cautionner de quelque façon le rabaissement de l'ontologique que porte en lui tout homme à du vulgaire ontique disposable comme stock ?
Cher Alain, il me semble que je comprends enfin le malentendu sur lequel repose une partie de nos échanges.

Certains philosophes font grief en effet à Heidegger de cautionner ce qu'il feignait, selon eux, de dénoncer, et vous avez sans doute raison de trouver qu'il s'agit d'un procès absurde, mais tel n'était pas le point de vue que je soutenais.

Pour ma part, je voulais seulement dire qu'il est légitime d'envisager que les rares propos publics d'Heidegger sur la Shoah avaient pour but de dissimuler sa responsabilité personnelle en diluant celle des nazis, tout en culpabilisant ceux qui les ont vaincus, dans le grand tout du mouvement de "déréliction du Dasein" (les termes adéquats me manquent mais vous traduirez).

Si l'agriculture motorisée, c'est, "dans son essence, la même chose" que l'industrie génocidaire nazie, alors on ne voit pas pour quelle raison les industriels américains, juifs pour nombre d'entre eux, seraient moins responsables de cette "déréliction"... qu'un doyen d'une faculté allemande de philosophie, lequel n'a jamais fait que son métier en vaticinant dans les vapeurs ontologiques.

À l'époque où Heidegger s'exprimait, certains moments de sa biographie et certains de ses textes (les fameux "Cahiers noirs") étaient encore dissimulés. D'autre part, ses propos pouvaient être lus prosaïquement et politiquement comme une mise en cause du "capitalisme", ce qui ne pouvait que séduire alors beaucoup, beaucoup de monde.

Et, aujourd'hui que les doutes sont levés sur la réalité de l'engagement nazi d'Heidegger, certains y voient la preuve du bien-fondé des thèses du Maître... Fun...
Cher Rémi, il est pour ma part parfaitement légitime d'accuser Heidegger de ce qu'on voudra, il ne manquerait plus qu'on ne le puisse pas crainte de crime de lèse-majesté envers le plus grand pontife, il se peut, dispensateur de ces capiteuses vapeurs ontologiques, comme vous dites si respectueusement...

Encore faut-il que les accusations tiennent la route et mènent quelque part, ce dont je n'ai jamais été convaincu, faute d'un dossier très probant, surtout pour quelqu'un qui nourrissait probablement, ainsi que ces Cahiers noirs l'ont montré, certains préjugés antijuifs, voire légèrement plus : je reste plutôt d'avis que le flirt du Pr Heidegger avec les distingués, et si intellectuels, caciques du régime nazi fut assez pathétique, une pantalonnade de très courte durée, de quoi le principal intéressé avait peut-être honte : je crois me souvenir qu'il fut très vite mis à l'écart, raillé (notamment par l'excellent Krieck), et pratiquement interdit de publication : peut-être aurait-il pu se rendre compte plus tôt à qui et à quoi il avait affaire, bien sûr, mais ne demandons pas la lune... Enfin, cela reste mon impression, et cela, jusqu'à plus ample informé, suffit à l'exonérer d'avoir été le fervent autant qu'indéboulonnable nazi pur jus que vous soupçonnez peut-être...

Ce que je voulais surtout dire, c'est que ce dans son essence c'est la même chose n'est certainement pas opportuniste ou circonstanciel, comme si un tel discours voulait sauver les meubles, et le disculper de je ne sais quoi : que cela est parfaitement cohérent avec la pensée de cet auteur, avec ses ou même son thème de prédilection, et que point alors n'est besoin d'une explication surajoutée pour fausser si manifestement, à mes yeux, le sens de ce discours, si on le replace dans son élément naturel, qui reste après tout la propre pensée de ce philosophe.
Cher Alain, mon impression est certainement faussée par le fait que je ne suis pas compétent en matière de philosophie (j'aurais dû (me) le répéter avant de mettre votre patience à dure épreuve), que les papiers de François Rastier me semblent assez intelligents et honnêtes (en tout cas ils donnent plus confiance qu'en Faye, même si l'un soutient l'autre) et, enfin, que je juge d'Heidegger à partir de "dans son essence, c'est la même chose" de bien d'autres que lui. Alors forcément... Mais bon, je vais essayer de me persuader que votre mansuétude à l'égard du personnage est bien fondée. Encore merci pour cet échange enrichissant pour moi (j'espère que nous n'avons réveillé personne).
Mon cher Rémi, tout le plaisir est pour moi : ce sujet, qui semble inépuisable et auquel on revient périodiquement ici, m'intéresse toujours autant, et c'est en plus une occasion supplémentaire de colmater des brèches, de croiser des conjectures et d'affermir de bien imparfaites connaissances après tout, es vapeurs ontologiques, car je n'ai jamais cessé de soupçonner le bonhomme, malgré parfois une façon de s'exprimer en dépit du bon sens qui me donne l'impression de mâcher du mâchefer (moi qui ai toujours privilégié les pensées concises, ramassées, voire aériennes), soupçonner le bonhomme donc d'avoir quand même, aussi incroyable que cela paraisse, un peu dévoilé, c'est le mot, ou décrit très adéquatement, en s'asseyant aussi lourdement que possible sur son affaire, ce que c'est qu'exister, ce qui en définitive est toujours aussi intriguant...
Je n'ai pas vraiment eu le temps, mais je vais tâcher de lire à tête plus reposée ce Rastier...
Encore deux remarques sur l'interprétation pour le moins partiale d'Emmanuel Faye : au début de l'article de Leroux, celui-ci cite le commentaire de Faye concernant le passage de Heidegger relatif au "non-mourir" des détenus des camps :

« C’est intentionnellement qu’au début de son texte il n’emploie jamais le mot « homme »
à propos des victimes des camps d’anéantissement. Heidegger prétend en effet que ne « peut » mourir que celui auquel « l’être » en a donné le « pouvoir » : celui qui est dans
« l’abri » de l’« essence » de l’être. Ceux qui ont disparu dans les camps d’anéantissement
ne pouvaient pas être ainsi « sauvés » par l’« être ». Ils n’étaient pas des « mortels », ils
ne sont donc pas des hommes. »

Toute la question est alors de savoir pourquoi "ils ne sont pas des hommes" : est-ce parce qu'ils ne l'ont jamais été, par essence, comme Juifs, pense-t-on que pense Faye, donc ? ou bien du fait de ce qu'il ont subi dans les camps, de la méthode même de l'extermination, d'avoir été traités en effet comme des poules ou du bétail, voire du colza, comme des choses et non des hommes ?
Il est curieux que Faye ne relève même pas que dans ce passage Heidegger ne dénie pas la dignité du "mourir", et donc d'être des hommes, aux seuls exterminés des camps nazis, mais réserve la même condition aux Chinois, qui ne font que "périr" : « sans cela – des millions périssent aujourd’hui en Chine. »

On ne peut alors que se poser la question : Heidegger considérait-il également les Chinois comme des moins que des hommes, des sous-hommes pour tout dire, par nature ?

Ce qui m'amène à la seconde remarque et à l'article de Rastier, à propos de quoi il sera notamment question de l'"élément asiatique" justement, article qui pour ma part commence très mal : Rastier prend d'emblée pour argent comptant et considère comme acquise la lecture de Faye, ce qui est rédhibitoire pour la suite :

« Cependant, la publication en 2001 du volume qui contient les tomes 36/37 des Œuvres complètes (Gesammelte Ausgabe, désormais GA), rend désormais impossible cette dissociation : Heidegger y formule par exemple dans Sein und Wahrheit (Être et Vérité) le programme de « l’extermination totale » de l’ennemi intérieur [« mit dem Ziel der völligen Vernichtung », p. 91], tout en donnant une définition raciale de la vérité. Cette publication, programmée par le Maître lui-même, intègre pleinement à son œuvre philosophique ce genre de programme »

Ainsi formulé, sans plus de précisions, on se dit en effet que c'est foutu, si dès 1934, avant même que les nazis eux-mêmes n'eussent clairement conçu la chose, Heidegger annonce la couleur...
Gérard Guest remet tout de même cela dans son contexte, enfin, dans un contexte :

« Mais pour peu que l’on s’y rapporte pour en juger par soi-même, on ne manque pas de s’apercevoir : qu’il s’agit là d’une interprétation du célèbre fragment d’Héraclite sur le « polémos », donc de la « guerre » — « der Krieg » — ou du « combat » — « der Kampf » —, conçus comme le rapport de fond (« ontologique ») de l’homme « au monde », à « l’étant dans son ensemble » et « à l’Être » ; et qu’il s’y agit plus particulièrement du « peuple grec » dans son rapport immémorial d’intime « confrontation » avec l’élément «asiatique» : « das Asiatische » ; que la « souche originairement germanique », dont il est effectivement question dans le Cours, n’est donc autre que celle du « fonds » historique et culturel (et non pas « racial ») «indoeuropéen» à l’égard dudit « élément asiatique » ; enfin : qu’il s’agit là, en dernière instance, de l’intense, féconde et inépuisable opposition discernée par Nietzsche au coeur même du classicisme grec, dans son Origine de la tragédie, entre l’élément « apollinien » et l’élément « dionysiaque »… Ce dont Emmanuel Faye se garde bien de rendre compte, préférant visiblement orienter son lecteur en direction de tout autres associations d’idées… »

Bref, là encore, à mes yeux tout du moins, rien de probant, de définitif, et reste quand même ce qui constitue pour moi l'objection majeure : si Heidegger avait été si évidemment le nazi convaincu, enthousiaste et antisémite que certains prétendent, au plus total diapason de la doxa national-socialiste relative à l'absolue primauté du Volk défini bio-racialement, pourquoi diable ne s'était-il pas épanoui et n'avait-il prospéré, dans un milieu si propice, surtout s'il est établi que Heidegger avait en effet certains préjugés au moins antijudaïques ? Pourquoi ce divorce si rapide, et si tôt — et la méfiance qui s'ensuivit, la surveillance et la sorte d'ostracisme dont il fut l'objet, quand d'autre part, un personnage comme Heidegger jouissait déjà d'une grande renommée, et aurait pu être choyé par les (vrais) nazis comme un atout et une caution intellectuelle, voire morale ?
Cher Alain, pardon pour le caractère tardif de ma réponse.

On ne peut alors que se poser la question : Heidegger considérait-il également les Chinois comme des moins que des hommes, des sous-hommes pour tout dire, par nature ?

Ce ne serait pas complètement absurde. Souvenez-vous du Céline de Rigodon...

on se dit en effet que c'est foutu, si dès 1934, avant même que les nazis eux-mêmes n'eussent clairement conçu la chose, Heidegger annonce la couleur.

S'ils en ont "perfectionné" l'exécution au moyen du système industriel, les nazis n'ont inventé ni l'antisémitisme ni les pogroms.

Autrement dit, s'il faut tenir compte des spécificités de la Shoah, on ne peut faire comme si elle n'avait aucun rapport avec l'antijudaïsme de la société qui a "produit" Heidegger, lequel partageait dès avant 1934 les préjugés des Allemands "de souche" à l'égard des juifs (par ex. en 1916 il déplorait l' "enjuivement" des universités).

"si Heidegger avait été si évidemment le nazi convaincu...., pourquoi diable ne s'était-il pas épanoui et n'avait-il prospéré, dans un milieu si propice, surtout s'il est établi que Heidegger avait en effet certains préjugés au moins antijudaïques ?"

Sans doute est-il exagéré de faire d'Heidegger un nazi convaincu mais il n'est pas absurde de penser qu'il a pu juger
1° que "la suppression du problème juif" était une sorte de "progrès"
2° qu'il n'était pas nécessaire qu'il se salisse trop les mains dans l'opération, tant que la guerre n'était pas définitivement gagnée.

On peut être un grand philosophe et prudent comme un petit-bourgeois...
21 novembre 2018, 22:25   Tout ou rien
» Ce ne serait pas complètement absurde. Souvenez-vous du Céline de Rigodon...

Cher Rémi, au regard du texte de Heidegger, cela me paraît plutôt de plus en plus absurde : il y a dans ce texte un fil logique, qu'on peut suivre indépendamment de tout motif proprement philosophique, fil qui ressortit peut-être au simple bon sens, et qui rend suffisamment compte de cette dénégation de la mort : pourquoi les anéantis des camps ne meurent-ils pas, dans ce sens ? Mais la réponse est donnée dans le texte : parce qu'ils "meurent en masse" ; "deviennent les pièces de réserve d’un stock de cadavres en cours de fabrication" ; "sont liquidés sans bruit dans les camps d'extermination" ; parce que "Au milieu des morts innombrables l’essence de la mort demeure méconnaissable".
Aussi "ne meurent-ils pas" en raison de ce qu'ils sont devenus dans ces camps ; le déni de mort est explicitement lié, par cause à effet, à leur présence dans les camps et à ce qui les a privés de la mort "authentique" qui est l'apanage des hommes qui ne sont pas traités comme des choses.
C'est dire que hors des camps, ceux qui y furent internés seraient bel et bien morts, et n'auraient pas seulement "péri" ; c'est donc imputer la cause de leur non-mort, et du fait qu'ils n’étaient plus des hommes, non à une quelconque donnée innée et foncièrement tarée d'origine, mais aux conditions d'extermination elles-mêmes.
Dans le même ordre d'idée, pourquoi les Chinois "périssent-ils" seulement ? à cause du "blocus et la réduction de pays à la famine", qui ne devrait d'ailleurs par concerner seulement les Chinois, mais les Ukrainiens aussi bien par exemple, et en fait bien du monde...

Ajoutez à cela qu'a priori, la thèse de racisme caractérisé envers les Asiatiques en général et les Chinois en particulier ne tient pas tellement la route : trouvé dans un article consacré à Heidegger et la pense bouddhique ceci :

« Côté Heidegger, on sait qu’il a cherché à traduire en 1946 avec Paul Shih-yi Hsiao le Tao Te King, le grand classique de Lao-Tseu, fondateur du taoïsme, dont il a cité des textes dans son œuvre, et qu’il s’est intéressé de près à la langue chinoise. On sait aussi qu’il a entretenu des correspondances avec des philosophes japonais comme Keikichi Matsuo, Tanabe Hajime ou Kojima Takehiko, on se souvient du texte « Acheminement vers la parole » qui reprend les entretiens qu’il eut avec Tezuka Tomio, son intérêt pour le livre de Suzuki sur le bouddhisme Zen et ses propos répétés sur la nécessité d’ouvrir un dialogue avec l’Extrême-Orient. »

En définitive, replacer tout cela dans le contexte de la pensée de Heidegger — pour qui l"'existence" est une prérogative aussi singulièrement humaine que la mort, et considérant que les camps ont dépouillé la mort de toute signification, jusqu'à faire des vivants des cadavres ambulants —, me semble être encore l'interprétation la moins absurde, voire la plus vraisemblable.


» Sans doute est-il exagéré de faire d'Heidegger un nazi convaincu

À mon sens le "nazi" peu ou mollement convaincu n'est pas un nazi du tout : j'ai du mal à voir comment il pourrait y avoir des demi-mesures en la matière, pourvu qu'on fasse sien ce qui constitue le socle axiomatique de la doctrine telle qu'ont voulu la mettre en œuvre les principaux acteurs du régime nazi, incarnation politique du nazisme doctrinaire, lequel s'identifie au premier : l'élévation du Volk défini bio-racialement au rang de valeur suprême, et l’adoption subséquente et nécessaire de tous les moyens, sans exception, jugés propres à le défendre, préserver ses intérêts et assurer son expansion. C'est cela le noyau dur de l'"idée" nazie et de la foi en lui, confinant à la certitude axiologique : le caractère totalitaire d'un tel projet n'admet que des adhésions tout aussi totales et entières, et c'est cela je crois qui a pu produire Auschwitz.
Or je continue d'avoir les plus grands doutes si Heidegger a jamais pu s'identifier à pareille cause, tout durant le Troisième Reich.
22 novembre 2018, 15:00   Re : Tout ou rien
Cher Alain, pardon je n'ai pas le temps mais en quelques mots :
- d'accord sur les Chinois ;
- il semble bien qu'Heidegger ait partagé l'antisémitisme "traditionnel" de l'Allemagne chrétienne et il pouvait donc s'accommoder de l'attitude des nazis à l'égard des juifs
- comme le processus d'extermination des juifs n'a commencé qu'en décembre 1941, il ne l'a peut-être pas approuvé en tant que tel quand il l'a connu
- il a pu le concevoir comme une manifestation parmi d'autres de l'essence de la technique moderne.
- on pourrait donner une autre définition du nazisme qui serait ainsi "l'antisémitisme plus l'industrie", pour copier la fameuse formule de Lénine sur "le socialisme, les soviets plus l'électricité"
Mais cela mériterait un examen plus sérieux de ma part alors que je n'en ai pas le temps, pour l'heure. So sorry.
22 novembre 2018, 20:09   Re : Tout ou rien
Je ne voudrais pas passer pour un pinailleur mais en décembre 41 commence l'extermination par les gaz (en camions). L'extermination par fusillades systématiques commence dès le début de l'invasion de l'URSS, à peu près six mois plus tôt donc.
23 novembre 2018, 00:19   Re : Tout ou rien
@Marcel Meyer

Assurément mais la conversation est partie
- du point de vue de Vidal-Naquet qui voit dans les gazages par camion à Chelmno en décembre 1941 "une rupture" ("ce que les gazages apportent de neuf, c'est l'anonymat des bourreaux face à l'anonymat des victimes et, en dernière analyse, leur innocence")
- de celui d'Heidegger qui fait de la Shoah une des manifestations de l'essence de la "technique" industrielle, ce qui conduit à retenir les camions gazeurs de Chelmno plutôt que les fusillades systématiques, sauf à tout rattacher à la technique.
23 novembre 2018, 16:43   Re : Tout ou rien
Cher Rémi, si vous êtes d'accord pour les Chinois, vous ne pouvez que l'être aussi pour les exterminés des camps nazis : il n'y a donc là aucun déni d'humanité en soi, pour ce qu'étaient les détenus avant d'y arriver, comme Juifs par exemple, et on ne comprend pas en quoi ces propos sur la privation de "mort" pourraient être monstrueux, négationnistes ou antisémites, selon l'interprétation de Faye, sauf à faire un procès d'intention systématique à Heidegger.

Il me semble assez difficile de faire une distinction si claire entre l’antijudaïsme et l'antisémitisme franc, concernant Heidegger, mais une chose est sûre : on peut parfaitement nourrir des préjugés "antijudaïques" et vomir les nazis : Karl Barth avait écrit par exemple que la perpétuation du judaïsme après l'avènement du christianisme était une véritable plaie, peut-être la plus terrible, dans le corps du Christ, mais fut un farouche opposant au national-socialisme : à la fois plus virulemment antijuif que Heidegger, ce semble, et tout de même beaucoup moins tiède dans son désaveu.

Bien que le nazisme ait eu fort à faire avec les Juifs, jusqu'à l'obsession parfois chez certains, je ne crois pas qu'il n'ait été que de l’antisémitisme, dans son essence, mais plutôt un racialisme absolu et général, se donnant tous les droits, et donc tous les moyens de promouvoir la race supérieure : c’est pourquoi "antisémitisme plus l'industrie" me semble un peu étroit comme définition.
25 novembre 2018, 13:49   Re : Tout ou rien
Cher Alain, comme je n'ai pas le temps de rouvrir sérieusement le dossier Martin H., j'essaierai de me tirer du bourbier théorique dans lequel je me suis enfoncé en arguant du fait que les nazis ne pouvaient concevoir une race supérieure qu'en se donnant tous les moyens de l'emporter sur les "races inférieures" dont les juifs étaient, pour ces nazis, les pires représentants. Donc dans l'équation que je proposais, le terme "antisémitisme" pouvait s'entendre comme "racialisme absolu", ainsi que vous l'écrivez. Mais bon, je sens bien que je patauge.
25 novembre 2018, 15:41   Re : Tout ou rien
Je ne voudrais pas compliquer inutilement les choses, mais il semble bien que pour une partie des nazis, peut-être minoritaires mais plus "intellectuels", les Juifs n'ont jamais vraiment été considérés comme des êtres inférieurs, mais comme des rivaux dangereux à éliminer impérativement : se revendiquant "peuple élu", donc supérieur, dont le critère d'appartenance est déterminé par matrilinéarité, par le sang donc, ayant contre vents et marées persévéré si obstinément dans leur être et n'ayant jamais démordu de leur coriacité spirituelle d'exilés perpétuels se réclamant exclusivement de la divinité infigurablement omniprésente, c'était trop...
27 novembre 2018, 20:19   Re : Tout ou rien
Vous ne compliquez pas les choses mais au contraire commencez à les éclairer Alain. Les nazis n'étaient pas des conservateurs, mais des révolutionnaires, leur projet révolutionnaire était de fonder un empire continental (le Reich) qui serait, en Europe, pérenne comme l'avait été le Heiliges Römisches Reich qui avait duré mille ans, pour ses apologistes tout au moins et donc subjectivement.

Le nazis n'étaient pas des patriotes. Leur chef détestait sa patrie, bien autant qu'il avait détesté son père qui en avait gardé la frontière. Le premier Black Bloc de l'histoire s'appelait Adolf Hitler, qui, jeune homme, n'eut qu'une ambition : celle de faire sauter les frontières intérieures de l'Europe à commencer par celle qui distinguait sa patrie de la nation voisine, on a appelé ça Anschluss.

Or que venait-il de se passer quand ces révolutionnaires anti-frontières, fusionnistes, pan-germanistes et pan-européistes arrivèrent au pouvoir dans le coeur de l'Europe ? Les Russes les avaient devancés de près de 15 ans. Les bolchéviques et leur financiers juifs, et leurs chefs juifs, venaient de créer une nation pan-slave dont la vocation était de dominer l'Europe et même le monde.

Nos petits nazis ne pouvaient pas attaquer la Russie directement, alors ils se jetèrent sur un gibier facile, présent dans l'aire de leur domination : le juif, parrain du bolchévisme, coupable d'en avoir accouché l'idée, la stratégie et le reste, avec leurs amis franc-maçons.

L'antisémitisme dit "pathologique" de ces impérialistes révolutionnaires est à interpréter dans cette dynamique qu'impulse cette rivalité : un seul empire en Europe, jamais deux, sinon guerre. Le juif avait enfanté, accouché, conçu le bolchévisme, lequel en soit ne serait rien s'il n'avait eu l'ambition d'unifier les peuples et les nations industrialisées dans l'aire de domination pan-germanique où s'exerçait cette ambition et ces projets d'Empire, chers aux bandes hitlériennes.

L'antisémitisme dit "pathologique" chez ces nazis ne se comprend pas en-dehors de cette rivalité entre deux projets d'unification pan-continentale à la fois jumeaux et rivaux. Les juifs les plus puissants financièrement, ou de par leur influence intellectuelle, à l'heure ou notre petit autrichien à moustaches parvenait enfin au pinnacle du pouvoir politique, avaient déjà fait leur choix, antagonique à son projet. Les juifs étaient pris dans un programme rival du sien, ce qui suffit à sceller leur sort tragique en Europe. Et les nazis s'acharnèrent sur eux avec la force de l'impuissance frustrée, impardonnablement devancée dans l'histoire : les arrières-cousins européens de ceux qui venaient de financer, d'aider et d'inspirer la puissance pan-slave universaliste qui venaient de s'instaurer, devaient périr de manière cataclysmique et édifiante, exemplaire en tous points.

La fin de cette guerre, gagnée par les Bolchéviques qui abattirent le drapeau nazi de leurs mains dans le Berlin de mai 1945, éclaire à postériori cette dynamique : l'Empire continental installa son flambeau à Moscou, scinda l'Europe avant que de périr et d'expirer de sa belle mort en décembre 1991 pour en renvoyer la flamme à Berlin-Bruxelles trois semaines plus tard : on a appelé ça "fin de l'Urss, naissance de l'UE". Mais c'est toujours la même ambition, qui meurt et se regénère d'une capitale à l'autre, d'un bout à l'autre du vieux continent.
Ce mouvement nazi était celui de la surrection de la horde jeuniste et fraternelle érigée contre les pères, déchus par la défaite de 1918, traitres à la famille germanique pour avoir signé le Traité de Versailles.

Il en était profondément anti-patriarcal, inspiré et mené par un homme en révolte contre la trahison des aînés et la figure du père déchu, et c'est dans ce contexte d'effacement des frontières et limites paternelles et d'effondrement de l'autorité morale des aînés que doivent être resitués et repensés à nouveaux frais les terribles événements des années 30 et 40 du siècle dernier, à défaut, on se condamne à s'enfermer dans le cercle de la déploration et de la conscience européenne malheureuse ("bête immonde", "retour aux heures les plus sombres", etc.), dans lequel nous tournons sans fin, en creusant le même et unique sillon de l'impuissance politique, de l'inaction et de la paralysante culpabilité.
28 novembre 2018, 14:33   Le naturel perdu
"Qu'est-ce je j'attends ? La fin d'une longue maladie qui n'est ni gauchère, ni droitière et qui tient le corps tout entier ; la maladie de la capitulation. Il y a trop longtemps que les Français se "mettent à la place" de l'ennemi. La France sous l'Occupation a pris l'habitude de se diviser entre ceux qui comprenaient que les Allemands nous pillent et ceux qui comprenaient que les Anglais nous bombardent. Chaque blessure nouvelle, chaque défaite nouvelle nous rendent de plus en plus malins. Nous nous mettons à la place des autres. Les autres s'installeront à la nôtre. Notre mal est dans les nerfs. Il se trouve que nous n'en avons plus. Il nous manque ce qui était pour Stendhal la première qualité de l'âme et du corps : le naturel."

Jacques Laurent in La Parisienne décembre 1956
les Juifs n'ont jamais vraiment été considérés comme des êtres inférieurs, mais comme des rivaux dangereux à éliminer impérativement : se revendiquant "peuple élu", donc supérieur, dont le critère d'appartenance est déterminé par matrilinéarité,

Si la patrie est projection de la figure paternelle celle qui pose les limites, l'empire totalitaire et omni-englobant, sans frontières définies (car en extension et en mobilité permanentes, jamais arrêtées), est celle de la mère et des jouissances désinhibées qu'elle autorise. L'Anschluss fut une fête, une sorte de Woodstock militaire, et le défi transgressif lancé aux frontières par l'UE, qui lui est parent, qui en est le rejeton tardif, est la transcription politique pancontinentale du caractère de Festivus.
L'Anschluss fut une fête, une sorte de Woodstock militaire,

On y revient... im Wesen das Selbe

Ils fumaient quoi à Mauthausen d'après vous ?
Vous êtes un con Pellet. Cessez de venir ici me polluer je vous prie.
29 novembre 2018, 10:34   Groupies
"Dans les petites villes d'Altheim, de Ried, un peu partout, les jeunes Autrichiens attendent, le visage violacé par le vent. Certains pleurent de froid. A cette époque, à la grande braderie des personnalités, les Françaises veulent Tino Rossi aux Galeries Lafayette et les Américaines swinguer sur des tubes de Benny Goodman. Mais les Autrichiennes s'en foutent bien de Tino Rossi et de Benny Goodman ; elles ont demandé Adolf Hitler. Ainsi, régulièrement, à l'entrée des villages, on entend crier : "Der Führer kommt !""
Eric Vuillard L'ordre du jour (2017)
29 novembre 2018, 11:49   Re : Groupies
"La fête a son revers nocturne : la chasse à l'homme et le meurtre. Mars 1938, à Vienne et ailleurs en Autriche, fut une période d'assassinats politiques prémédités, comme aussi des tueries improvisées, spontanées. L'avocat juif social-démocrate, Hugo Serber, une personnalité bien connue qui, depuis longtemps, à sa manière un peu échevelée et spirituelle, défiait les nazis autrichiens, fut littéralement piétiné à mort. Un crime qui n'est pas isolé [... .] Au cours du printemps, cinq cents Juifs autrichiens choisissent de se tuer pour se soustraire aux humiliations, à une angoisse insoutenable, ou à la déportation dans les camps de concentration. Au point qu'à la fin du mois de mars, les autorités se sentent obligées d'opposer un démenti à la rumeur selon laquelle “des milliers de personnes se sont suicidées depuis l'accession des nazis au pouvoir'' ".
Peter Gay, Freud, une vie, Hachette, 1991 [1988], p. 715

" Trois décès (un à cause d'insuline, une appendicite non soignée et un accident de tracteur), quatre fausses couches et deux naissances eurent lieu pendant l'événement, qui causa en outre le plus important embouteillage de l'histoire des États-Unis"
"Festival de Woodstock" : [fr.wikipedia.org]
01 décembre 2018, 17:58   Shootés à l'edelweiss
« Sais-tu, d'ailleurs, que le terme même de "national-socialisme"" a été forgé par un Juif, un précurseur du sionisme, Moïse Hess ? Lis son livre, un jour, Rome et Jérusalem, tu verras. C'est très instructif. Et ce n'est pas un hasard : quoi de plus völkish que le sionisme ? Comme nous, ils ont reconnu qu'il ne peut y avoir de Volk et de Blut sans Boden, sans terre, et donc qu'il faut ramener les Juifs à la terre, Eretz Israël, pure de toute autre race. Bien sûr, ce sont d'anciennes idées juives. Les Juifs sont les premiers vrais nationaux-socialistes, depuis près de six mille ans déjà, depuis que Moïse leur a donné une Loi pour les séparer à jamais des autres peuples. Toutes nos grandes idées viennent des Juifs, et nous devons avoir la lucidité de le reconnaître : la Terre comme promesse et comme accomplissement, la notion du peuple choisi entre tous, le concept de la pureté du sang. C'est pour cela que les Grecs, abâtardis, démocrates, cosmopolites, voyageurs, les haïssaient tant, et c'est pour cela qu'ils ont d'abord essayé de les détruire, puis, par le biais de Paul, de corrompre leur religion de l'intérieur, en la détachant du sang et du sol, en la rendant catholique, c'est-à-dire universelle, en supprimant toutes les lois qui servaient de barrière pour maintenir la pureté du sang juif : les interdits alimentaires, la circoncision.
Et c'est donc pour cela que les Juifs sont, de tous nos ennemis, les pires de tous, les plus dangereux ; les seuls qui valent vraiment la peine d'être haïs. Ce sont nos seuls vrais concurrents, en fait. Nos seuls rivaux sérieux. »

Dans le roman fort bien documenté de Littel, Les Bienveillantes, le personnage fictif qui dit cela est Mandelbrod, sorte d'éminence grise obèse, flatulente et brillante du régime, lequel personnage, et cela fera plaisir à Francis, se prépare à la fin du livre, lors que Berlin est déjà envahie, d’offrir ses services aux Soviétiques.

Quant à considérer l’Anschluss comme une sorte de Woodstock militaire, ma foi, il faut bien reconnaître qu'il y a aussi un peu de cela : nous avons déjà évoqué je crois les Wandefogel, sortes de proto-hippies assez fleuris dont une partie importante des cadres nazis étaient issus : on peut aussi considérer le nazisme comme une forme de romantisme, entendu dans le sens de la prédominance des valeurs vitales sur les valeurs rationnelles et intellectuelles (« Par valeurs vitales on entendra celles qui plongent directement leurs racines dans la vie biologique, par opposition à celles qui concernent une image de notre existence réfléchie dans l'intelligence. Est romantique en ce sens l'exaltation de la puissance, qui est originairement puissance physique, domination du fort sur le faible, exaltation de l'énergie vitale... » (Gilles Gaston-Granger, La Raison)).
Un romantisme qui aura tourné à l'horreur pure et simple...
01 décembre 2018, 19:55   Re : Shootés à l'edelweiss
il faut bien reconnaître qu'il y a aussi un peu de cela

Il y a "un peu de cela" dans tout, vous le savez bien, mon cher Alain. En revanche, ce qui manque en grande quantité dans certaines comparaisons, c'est la décence. Quelqu'un devrait écrire un Éloge de la honte.

Dans un genre plus léger, cette conversation me fait penser à une histoire que m'avait racontée un ami juif. Son père était tailleur et ne faisait que des costumes gris anthracite. Il les distinguait cependant non pas selon leur coupe mais par la couleur du fil qui avait servi à coudre la doublure intérieure. C'est comme ça qu'à son fils il pouvait parler des "costumes rouges", "bleus", "blancs", etc.
04 décembre 2018, 15:20   Re : Shootés à l'edelweiss
Cher Rémi, il me semble très difficile d'esquisser une description qu'on voudrait aussi fidèle que possible d'une période aussi extravagante que celle du Troisième Reich, et de l'état d'esprit de ceux qui y participèrent avec tant d'enthousiasme, en voulant s'empêcher pieusement d’émettre certaines hypothèses par décence, laquelle n'était en rien partagée par ceux qui furent les responsables et les acteurs de ces événements : je crois que c'est incontestable : l'Anschluss fut une fête, une libération, une liesse et une exaltation pour une très grande majorité d'Autrichiens, on n'y peut rien, et ce ne sont pas quelques Juifs rabat-joie et une poignée d'opposants pisse-froid qui allaient gâcher un tel happening, voyons...
04 décembre 2018, 18:33   Re : Shootés à l'edelweiss
Ah, mais cher Alain, je n'ai pas contesté que "l'Anschluss fût une fête" du point de vue des nazis. C'est la comparaison avec le Festival de Woodstock que je trouve indécente.

Pour mémoire, Francis Marche : L'Anschluss fut une fête, une sorte de Woodstock militaire,

Comme vous savez,
- pour les nazis "la fête de l'Anschluss" signifiait l'unification des peuples allemand et autrichien, au nom de leur identité de sang (la « race » allemande/germanique), par la transgression des frontières nationales, sur le dos des juifs ;
- tandis que Woodstock fut un énorme festival de rock and roll, "métissé", au cours duquel furent joués des morceaux contre la guerre du Vietnam (et donc pour le respect des frontières de ce pays), tandis que le public consommait force drogues récréatives.

Le seul point commun des deux événements est donc leur caractère festif pour la majorité des personnes qui y participaient.

Vous trouvez que cela justifie la comparaison ? Vous n'avez pas l'impression qu'elle aboutit à dénaturer l'Anschluss, même d'un point de vue nazi ?

Dit autrement, si la formule veut restituer le point de vue des acteurs (les nazis / les hippies), elle est absurde. Si elle veut dire la vérité historique des événements - ce qui était l'intention de F. Marche selon moi - elle est "négationniste", en tant qu'elle aboutit à nier le caractère criminel de l'Anschluss, en le faisant passer pour l'équivalent d'un festival pacifiste. ("Seyss-Inquart, Joan Baez, même combat")
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