Loin de moi l'idée de vous imputer une formule fautive. C'est l'emploi du verbe "perdurer" qui a attiré mon attention et je vois que vous en connaissez le sens exact, mais je ne sais pas si vous en mesurez exactement la portée.
Dans Le Robert -
Dictionnaire historique de la langue française (1992), on peut lire que « le verbe [perdurer], avec le sens de « durer éternellement », « durer longtemps », semble s’être éteint à la fin du moyen âge. Repris au XIXe siècle comme archaïsme littéraire, considéré par certains dictionnaires comme « inusité » (1845 Bescherelle), il est devenu relativement usuel dans un style soutenu. »
Chacun peut constater que, depuis 1992, le verbe « perdurer » est sorti du purgatoire des archaïsmes littéraires et qu’il a très nettement quitté le champ du « relativement usuel » pour reconquérir sa place dans le lexique – place qu’il n’a d’ailleurs peut-être jamais occupée aussi brillamment.
Ceux qui souhaitaient se distinguer du
vulgus pecus en débarrassant leur discours d’un trop banal « durer longtemps » ont d’abord adopté le très chic « perdurer » et, comme toujours, celui-ci n’a pas tardé à se vulgariser. Désormais, il traîne étourdiment dans une multitude de bouches. Étourdiment car il est pris pour une sorte de synonyme plus soutenu, plus élégant, de « durer longtemps », ou comme si on voulait donner plus de poids à l’idée d’une longue durée.
Et en effet, on n’entend pas vraiment la même chose si quelqu’un déclare, à propos de telle ou telle situation : « Ça va durer longtemps » ou « Ça va perdurer », quand bien même le verbe « perdurer » a troqué sa durée « éternelle », franchement médiévale, contre une durée « indéterminée », version désacralisée de l’éternité. « Ça va perdurer » s’entend dès lors comme : « on ne sait pas quand ça va s’arrêter, peut-être jamais » mais, en aucun cas comme « Ça va durer longtemps ». Et c’est dans le premier sens que tous ceux qui emploient le verbe « perdurer » l’emploient, qu’ils en soient conscients ou non.
Que signifie alors d’affirmer, comme les plus autorisés le répètent à l’envi dans le sillage de la « pandémie » du
nouveau Coronavirus, que « le risque épidémique va perdurer » au lieu de dire qu’il « va durer longtemps » ? En tant qu’analyse d’une situation nouvelle, cela n’a pas plus de sens qu’un truisme : le risque épidémique est une donnée constante de la vie humaine et n’a jamais cessé de « perdurer ». C’est un peu comme si on déclarait, du ton docte de celui qui vient de faire une découverte : « Le risque de mourir va perdurer ».
On est alors en droit de s’interroger. Pourquoi, à cause d’un certain virus, est-il nécessaire de préparer les esprits à ce que le risque épidémique
perdure sinon pour préparer les esprits à des modifications profondes et radicales des modes de vie ?
Autrement dit, ce qui depuis la nuit des temps a été une des données de la condition humaine (le risque épidémique) est soudain présenté comme une nouveauté radicale vis-à-vis de laquelle, logiquement, ne peuvent être prises que des mesures radicales dont il est inutile de dresser la liste comme de rappeler la monstrueuse radicalité qu'elles prétendent imposer et qui outrepasse de très loin la "gestion" d'une "crise sanitaire planétaire".