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La promesse

Envoyé par Thomas Rhotomago 
04 novembre 2019, 18:00   La promesse
S’il ne devait rester qu’une seule pièce pour témoigner de l’espérance dont fut porteur le progrès scientifique, ce pourrait être le texte d’une conférence d’Ernest Renan, prononcée à Lagny le ler mai 1869, lue à nouveau par M. Jean Psichari à une séance de la Ligue des Droits de l’Homme et du Citoyen, le 30 avril 1901. En quelques pages qu’il faudrait citer in extenso, tout est là. Elle s’intitule « Les services que la science rend au peuple ». On la trouve dans un volume de Mélanges religieux et historiques publiés, je crois, en 1904.

Il ressort de la lecture de ce morceau que le cœur de cette espérance – en dehors même d’autres considérations – la carotte suprême agitée devant le fameux peuple, c’est la fin de ce que Renan appelle le « travail matériel » qui n’est autre, ce semble, que le travail tout court puisqu’une fois débarrassé de lui, il s’agira de « vaquer à une vie heureuse, morale, intellectuelle » et non de lui substituer une autre forme de travail.

Que cette promesse n’ait pas été tenue ou, plutôt, que sa partielle réalisation, contrainte et forcée, infiniment hypocrite, soit apparue comme un indépassable problème social, c’est bien cela et rien d’autre qui a fait du progrès scientifique un phénomène plus subi que désiré et que le trop fameux « on n’arrête pas le progrès » sonne désormais comme une résignation à ne pouvoir stopper la marche vers on ne sait quel cataclysme. « L’oisiveté mère de tous les vices », un vulgaire dicton aura finalement opposé à tout le génie scientifique une résistance que Renan et ses semblables n’ont pas seulement entrevue.

« Que les machines et les inventions nouvelles soient parfois une cause momentanée de trouble et de gêne pour l’ouvrier, c’est ce qui arrive malheureusement, car les transformations sociales se font lentement, ou du moins ne vont pas du même pas que les inventions ; l’équilibre met du temps pour se rétablir. Mais je n’ai aucun doute sur l’avenir. Je suis convaincu que les progrès de la mécanique, de la chimie, seront la rédemption de l’ouvrier ; que le travail matériel de l’humanité ira toujours en diminuant et en devenant moins pénible, que, de la sorte, l’humanité deviendra plus libre de vaquer à une vie heureuse, morale, intellectuelle. Jusqu’ici la culture de l’esprit n’a pu être qu’une chose de luxe, car les besoins matériels sont impérieux, il faut avant tout les satisfaire. La condition essentielle du progrès est que cette satisfaction devienne de plus en plus facile, et il n’est pas trop hardi de prévoir un avenir où, avec quelques heures d’un travail peu pénible, l’homme acquittera sa dette de travail, rachètera sa liberté. Soyez sûr que c’est à la science que l’on devra ce résultat. »

Ernest Renan, « Les services que la science rend au peuple » (1869)
04 novembre 2019, 20:40   Re : La promesse
"Que cette promesse n’ait pas été tenue ou, plutôt, que sa partielle réalisation, contrainte et forcée, infiniment hypocrite, soit apparue comme un indépassable problème social,..."

C'est qu'il s'agit d'un problème financier : si vous avez la formule magique pour attribuer un niveau de ressources qui satisfasse tous les "actifs" qui ne travaillent pas, soit qu'ils n'ont pas les compétences suffisantes, soit qu'ils répugnent à assumer des tâches ingrates, sans ponctionner et, partant, mécontenter par trop les actifs qui travaillent et les inactifs qui voudraient profiter un peu de leur retraite et/ou de leur patrimoine, faites-le savoir...

Au vrai, la promesse a été tenue : pour la grande majorité des personnes, jamais les conditions de travail n'ont été aussi bonnes (par rapport à celles du passé), la durée du travail "contraint" aussi courte, l'espérance de vie aussi longue. Depuis les années 1980, les grandes fortunes se sont reconstituées et sont gagnantes sur tous les tableaux. Seule une petite bourgeoisie à demi-rentière (médecins, avocats, professeurs d'université, etc.) a perdu "matériellement" au "progrès" (son travail est devenu beaucoup plus "contraint").

Le "progrès" nous a apporté deux guerres mondiales atroces avant d'assurer en Europe une période de paix d'une durée jamais égalée. Ce qui ne signifie pas qu'il faille se réjouir de l'état actuel de la civilisation européenne....
05 novembre 2019, 00:05   Re : La promesse
Permettez-moi de maintenir que la promesse n'a pas été tenue, je me borne à relever ce fait et à lui supposer des conséquences dans les esprits contemporains.

Une promesse a bel et bien été faite, très claire, à la portée de tous et c'est pour y avoir cru, parce que, sans doute, elle a été tenue un certain temps, elle a été à l'évidence prometteuse, que les peuples ont applaudi au progrès. Mais la promesse n'a pas été tenue. Libre à vous et à d'autres d'indiquer pourquoi, chacun selon ses penchants. Vous mettez en avant la pompe à phynance mais pourquoi Renan ni les autres n'y ont pas pensé, tout en se montrant si persuasifs ?

Et puis vous vous ravisez, vous dites que la promesse a été tenue et je ne peux pas vous suivre sur la qualité des conditions de travail, sans pour autant idéaliser celles qui prévalaient avant la révolution industrielle. Ce qu'on nomme aujourd'hui le "travail" ne me paraît pas du tout sain. Il est à la fois moins dur et moins bien vécu, reste harassant pour beaucoup, engendre les sinistres comédies du "faux travail", flirte hypocritement avec l'assistanat, demeure en tout état de cause une obsession, qu'on en soit ou non privé, décide de tout, est absolument incontournable au point que la Reine d'Angleterre elle-même travaille, observations qui empêchent, à mes yeux, de pourvoir affirmer que la promesse de Renan et de ses semblables ait été raisonnablement tenue en ce qu'elle avait de libératoire.
05 novembre 2019, 10:43   Re : La promesse
La citation de Renan n'est autre que le paradigme chrétien de la rédemption qui passe du rachat par le Christ au rachat par la science et la technique.

Les éléments de langage, clairs et abondants dans cette citation, en attestent, et "la rédemption de l’ouvrier" est là pour indiquer cette refonte du paradigme judéo-chrétien : l'ouvrier, c'est Adam; et le "rédempteur", c'est la figure de l'ingénieur et du biologiste-ingénieur suprême, qui devait être encore à cette époque Louis Pasteur ou Gustave Eiffel.

"l'humanité deviendra plus libre de vaquer à une vie heureuse, morale, intellectuelle" : cette vision pré-lapsatique d'une vie heureuse est celle d'Adam et Eve dans le Jardin d'Eden qui "vaquent" à leur bonheur. Dans ce paradigme, la Chute, est celle qui fait tomber l'homme dans le travail contraint, formule du rachat impossible et toujours reporté du péché originel.

"l’homme acquittera sa dette de travail, rachètera sa liberté" : Comptabilité du péché/de la dette et rachat vers le paradis de la félicité édenique où chacun n'a d'autre souci que de "vaquer" à son bonheur.

Les vision marxistes, ou fouriéristes, pas très éloignées dans la chronologie de ce discours de Renan, recoupent ce schéma : les sciences et les techniques offrent un raccourci vers le paradis, et doivent permettre, en principe, de faire l'économie de la prière et de la vie spirituelle.

Tout cela baigne dans la "conviction", c'est à dire la foi, de l'auteur en l'efficience de ce schéma. Il n'y a strictement rien de scientifique, dans ce fatras religieux et empoussiéré où la Science prend la place de Dieu sur le mode grossier du "pousse-toi-de-là-que-je-m'y-mette".

En 2019, tout ça est parterre, gisant dans la poussière, la foi scientiste et maçonnique d'un Renan montre un pitoyable échec; cependant qu'une spiritualité fausse, aux crimes satanistes, s'est dressée, gagne tout l'espace et commence à faire loi sur un peuple endormi, qui n'est plus, qui loge dans son smartphone et ses jeux vidéos, même s'il montre parfois des soubresauts violents de dormeur encauchemardé (Gilets Jaunes).
05 novembre 2019, 16:53   Re : La promesse
Ce qui est piquant est qu'Adam et Eve chutent dans l'horreur post-édénique — l'horreur économique et sociale, le travail, la procréation et la mort — du fait de la connaissance, fautive de tous les maux d'une humanité naissante : et c'est par cette même connaissance, restituée au centuple, que Renan entend rédimer les hommes : quelle formidable économie de moyens, et quel joli clin d'œil, que de faire de l'instrument de la faute originelle le moyen même du rachat !

Mais de même que l'humanité nouvellement laborieuse n'en était alors qu'au berceau, la révolution du remplacement du travail humain par des machines de plus en plus performantes n'en est qu'à ses tous premiers pas, et il est encore beaucoup trop tôt pour en juger les effets, sur une période si ridiculement courte : il me paraît peu contestable que dans un avenir très proche, peut-être est-ce même déjà réalisable, les richesses produites par les machines pourront être redistribuées de façon à subvenir aux besoins vitaux d'une population qui n'aura de ce fait plus besoin de travailler.
Laissez aux sociétés le temps nécessaire pour s'adapter, car adaptation il y aura inévitablement : déjà maintenant on rétribue nombre de gens à ne rien faire effectivement, ce que vous appelez, Thomas, "faux travail" : entre cela et l'état où l'on pourra vivre de son oisiveté authentique il n'y a pas grande différence.
"Économiquement parlant", je crois même qu'il n'y en a aucune.
05 novembre 2019, 19:49   Re : La promesse
Le péché de la connaissance, comme concept, face à ce que nous vivons, soit la barbarie (la PMA est une forme de barbarie), reste debout, défendable comme notion de péché.

Que faire contre et pour la connaissance ? Tout ce qu'elle a produit dans le monde matériel, à ce jour, compose l'enfer sur terre. Alors quoi Alain ? Quel espoir faut-il encore mettre dans cette connaissance-chute éternelle ?

Nous aimons tous la science, or, et c'est bien le problème, elle nous le rend mal, ou nous rend cet amour avec intérêt, celui des heures que nous passons à nous la réapproprier par exemple (cf. les technologies de l'information et de la communication qui nous mangent nos vies). A l'heure où nous vivons et écrivons, le dépassement de la connaissance comme chute n'a guère d'argument profond ("l'allongement de la durée de vie" n'est pas un argument profond) qui pourrait en rédimer les effets. La connaissance, comme dans la Genèse, en 2019, n'est guère rédimable, ou si elle l'est, c'est encore et toujours comme chez Renan, par acte de foi/conviction. Deux fois continuent de s'opposer sans évolution depuis les années 1860: la science, la connaissance, on y croit ou on n'y croit pas.

En attendant, ce (faux) débat est en passe d'être tranché par une spiritualité passablement ancienne et de longue date vaincue mais qui, sur nos terres, est tout à fait nouvelle et fraîche. Celle du sabre et de la mosquée, appelée à éteindre et résoudre dans l'espace du monde, le terrain mondain, toutes nos pensées, nos doutes et nos interrogations sur la question.
05 novembre 2019, 20:21   Re : La promesse
@Thomas Rothomago

Mais la promesse a été tenue. Renan écrivait en 1869. Il fallut attendre la loi du 2 novembre 1892 pour que la durée maximale de travail fût ramenée à 10 heures quotidiennes à 13 ans, à 60 heures hebdomadaires entre 16 et 18 ans (voir Wiky)

Renan ne pouvait pas imaginer la "qualité de vie" d'aujourd'hui (la réduction historique du travail contraint) et donc les difficultés qu'il y a aujourd'hui à la financer...
05 novembre 2019, 22:48   Re : La promesse
Il est indéniable que le temps de travail a diminué, tandis que son culte n'a fait que croître. Car la promesse, grâce à la science, de "quelques heures d'un travail peu pénible [...] avant de vaquer à une vie heureuse, morale et intellectuelle" n'est rien d'autre que la promesse d'une vie oisive. Or, ce qui distingue nos sociétés de toutes les civilisations qui les ont précédées, et c'est sans doute sans exemple, tient précisément à la disparition totale d'une classe oisive, capable de s'affirmer comme telle, ce qui, bien sûr, n'a aucun rapport avec les assistés et autres faux-travailleurs pleins de leur cinéma, leur stress, leur mauvaise conscience ou leur aigreur. D'oisifs en tant que tels, il n'y a plus. C'est en cela que je dis que la promesse n'a pas été tenue et je me permettrais d'ajouter qu'une civilisation sans classe oisive non seulement ne donne rien mais ne tient à rien.
06 novembre 2019, 14:08   Re : La promesse
la disparition totale d'une classe oisive, capable de s'affirmer comme telle,

C'est vrai, la rente a mauvaise presse depuis l'entre-deux guerres, et on comprend pourquoi, mais si elle ne s'affirme pas comme telle et fait semblant de travailler pour ne pas souffrir l'opprobre social, la classe rentière oisive existe.

D'autre part, l'oisiveté s'est diffusée dans les classes plus modestes :
- du fait de l'allongement des études et la massification de l'enseignement supérieur (ce n'est pas du travail contraint et bien souvent pas du travail du tout)
- du fait de l'allongement du temps de la retraite
- de l'augmentation du chômage indemnisé.

Comme dirait Renaud Camus, "Qu'il n'y a pas de problème d'emploi"

La question la plus importante me semble avoir été posée par Proust (même si son intention n'était évidemment pas celle d'un sociologue) : quelle classe oisive faudrait-il sauver ? Les aristocrates de la Recherche ont des vies totalement vaines (et ils ont des travers ridicules, tels que leurs diminutifs infantiles), les bourgeois Verdurin sont les seuls à comprendre l'art "moderne" mais ils sont encore plus ridicules.
06 novembre 2019, 17:28   Une sacrée santé
» on y croit ou on n'y croit pas

Là où je suis plutôt d'accord avec vous, Francis, c'est justement s'agissant de la fausseté du débat : science et connaissance n'ont que faire d'une quelconque "foi" en elles, de toute façon mal placée : elles mettent à disposition un savoir, remarquablement efficace, et on en fait ce qu'on veut, ce qu'on peut, bien ou mal, je n'en sais trop rien, là n'est pas le débat. Mais comme elles sont constitutives de la nature humaine, depuis la Chute tout du moins, et qu'on ne commande ni vraiment ne choisit son intelligence, mais est forcé de faire avec, eh bien ma foi, si vous croyez réellement qu'elles pavent l'enfer de leur marche inéluctable, alors nous n'avons en effet pas fini de sombrer.

Concernant l'oisiveté, une petite remarque personnelle (car j'en sais quelque chose, de l'oisiveté, vraiment) : j'ai remarqué que se sentir mal occupait énormément : impossible d'avoir l'esprit vacant quand on souffre ; aussi les vrais oisifs sont condamnés à être bien portants. N'est-ce pas Proust justement qui avait écrit quelque part que l'oisiveté est un état violent ?
Il faut pouvoir l'encaisser.
06 novembre 2019, 19:15   Re : Une sacrée santé
Qui "met à disposition le savoir", Alain, Dieu ? Non, il n'y a jamais de mise à disposition du savoir comme le ferait un maître d'hôtel à la table de convives mais, partout, quête pour l'obtenir, donc démarche mondaine, trop humaine, éloignée au possible du divin (du moins dans nos sociétés) et de tout donné/servi fut-il par l'agencité de la tradition. C'est un pont-aux-ânes que d'affirmer que la science n'est pas un donné, donc qu'elle est le fruit d'une démarche volontariste et orientée de la part de ceux qui en briguent la connaissance. Et personne, jamais ne "fait ce qu'il veut" des fruits de la science qui sont programmés, et ce de plus en plus, pour une fin conçue par les auteurs et initiateurs (et sponsors, etc.) de la recherche. Allez- donc "faire ce que vous voulez" de Windows 10, ou du dernier modèle de moteur à injection. Tout départ de recherche scientifique, même dans les plus éthérés des domaines (la matière noire des astrophysiciens) est le fait d'une interrogation orientée vers une fin. C'est du reste pour cela que science et eschatologie font si bon ménage depuis l'aube des temps modernes: la recherche est programmée en fonction d'un état futur projetée. Il lui faut donc trouver, tracer et frayer un chemin vers cet état futur. Personne, encore une fois ne "fait ce qu'il veut", ne nie ni ne s'affranchit de la destination et du chemin qui doit y conduire. Il en irait tout autrement d'un donné naturel -- cf. chacun, chacune "fait ce qu'il veut", par exemple, de son corps, qui est un donné naturel dont l'origine est affranchie de tout projet stratégique.

Quant à l'oisiveté, elle n'existe pas (pas plus d'une poignée d'années, avant la mort, par suicide ou par grand âge). Pourquoi ? Parce qu'il n'y a pas d'oisiveté possible dès lors que l'animal social qui séjourne en nous, qui veille en nous et nous surveille, cause le besoin d'être, sinon nécessaire, du moins attendu, quelque part, par quelconque ou quiconque. Les grands oisifs (Cocteau, Renaud Camus, etc.) besognent et s'affairent du matin au soir à cause de cet animal. L'ermite lui-même, qui prie et dialogue avec le divin, s'affaire ainsi, sans repos.
06 novembre 2019, 22:50   Re : La promesse
"Quant à l'oisiveté, elle n'existe pas", disons qu'elle souffre surtout de ce que ce terme charrie et je comprends très bien ce que vous écrivez, Francis. "Oisiveté" est une appellation qui prête et, sans doute, prêtera toujours à confusion. Il faudrait trouver un autre mot. En tout état de cause "besoin d'être" ne peut rimer avec travail.

Quant à savoir, pour répondre à l'interrogation de Rémi Pellet, "quelle classe oisive il faudrait sauver", il me semble qu'on ne peut répondre dans la mesure où l'oisiveté (faute d'un autre mot) engendrée par la technique contemporaine est sans exemple. Autrement dit, il s'agirait "d'inventer" ladite classe et, pour cela, commencer a minima à admettre que le travail, et toute sa séquelle d'emplois et de salariat, est voué à disparaître, sauf à revenir à traction hippomobile (pourquoi pas, d'ailleurs ?)
07 novembre 2019, 16:57   Les jean-foutre
» Qui "met à disposition le savoir"

Pas "qui" mais "quoi" : c'est la faculté de savoir qui rend disponible le savoir et le fabrique, les facultés cognitives humaines qui sont dans l'ordre du vivant exceptionnelles et inégalées, pour ce qui concerne l'élucidation des phénomènes naturels considérés comme environnement, et par conséquent sa maîtrise possible et sa transformation, à quelque fin que ce soit, si fin il y a ; je ne me prononcerai pas sur le rôle de Dieu dans tout cela...
La "mise à disposition" de ces techniques de maîtrise et de transformation du réel ne veut en l'occurrence rien dire de plus que cela existe, est mis au point et prêt à l'emploi : vous, personnellement, Francis, avez tout loisir de les refuser, d'en refuser même le principe, de les récuser, d'ailleurs vous ne vous en privez pas (ou d'installer Ubuntu ou Mint, et même d'acheter pour trois fois rien une clé de licence Win 10 sur internet, et ainsi de vous venger de la pieuvre Microsoft tout en en profitant (Win 10 n'est pas mal du tout, après qu'on l'a un peu paramétré)).

J'avais bien écrit : "on en fait ce qu'on veut, ce qu'on peut" : précisément, dans cet ordre d'idées, il me paraît très problématique de contrôler la nature de ce que le savoir découvre, comme mise au jour d'un mode de fonctionnement du réel : car avant qu'on ne le découvre, comment voulez-vous savoir ce qu'on va trouver ? C’est pourquoi je ne sais pas exactement ce que vous entendez par "état futur projeté", justement parce qu'on ne peut faire ce qu'on veut, dans tout ce qui ressortit à la seule "fin" commune de tout savant digne de ce nom : la volonté de savoir, c'est-à-dire la recherche de la vérité.
On aura beau concocter toutes les théories qu'on voudra, pourvu qu'elles confortent tels visions du monde et intérêts (ou tel "paradigme" comme disait Kuhn), il suffit qu'on trouve le moyen d'établir qu'elles sont fausses pour que la vérité fasse la nique à tous vos beaux projets (et qu'on change de paradigme).

Quant à l'"oisif", rendons-lui ses lettres de noblesse en l'établissant dans sa version la moins idéalisée, qui est la plus réaliste : c'est un jean-foutre qui la plupart du temps ne branle rien, et qui en a, chance ou hasard, les moyens. Les écrivains, en règle générale, ne sont pas les mieux placés pour briguer une telle situation.
Et bien sûr que ça existe...
07 novembre 2019, 17:44   Re : La promesse
En tout état de cause "besoin d'être" ne peut rimer avec travail.

J'avais écrit "besoin d'être attendu quelque part", Thomas.

C'est quand on comprend, ou re-comprend, que ses meilleurs amis ne savent pas nous lire, et que nous-mêmes ne savons pas écrire, qu'il est temps d'interrompre les conférences dilettantes pour reprendre l'ouvrage.

Le labeur, lui, ne ment pas.
07 novembre 2019, 19:41   Re : La promesse
à l'interrogation "quelle classe oisive il faudrait sauver", il me semble qu'on ne peut répondre

Alors posons la question autrement : quelles sont les conditions pour qu'une classe dominante soit cultivée et tire l'ensemble de la société vers le haut ? Faut-il que cette classe soit rentière, libérée de toute contrainte matérielle, pour qu'elle bâtisse une société "belle" ? L'on ferait ainsi perdurer la conception de l'aristocratie athénienne, avant la "décadence" du IVè siècle av. J.C.

Est-ce qu'on ne peut pas soutenir au contraire que ceux qui on fait des merveilles en Europe étaient rien moins que des rentiers "oisifs" ? Que l'on songe aux banquiers italiens à la Renaissance ou aux banquiers juifs et protestants au XIXè siècle... Par leur labeur (ils ne cessaient de "travailler"), n'ont-ils pas plus servi la culture que tous les barons de Charlus ?
07 novembre 2019, 21:59   Re : La promesse
"[...] quelles sont les conditions pour qu'une classe dominante soit cultivée et tire l'ensemble de la société vers le haut ?"

On ne peut tout mettre en oeuvre, fût-ce en y résistant, fût-ce au prix de contorsions idéologiques, pour faire disparaître effectivement la nécessité du travail et, dans le même temps, maintenir cette nécessité comme seul et unique moyen de trouver sa subsistance.

Le problème semble alors proprement insoluble précisément parce que ce n'est pas une classe dominante que la science, si elle poursuivait sa marche dans la direction qu'elle a prise, devrait conduire à une oisiveté heureuse, mais bien l'ensemble du corps social, pour ne pas dire l'espèce humaine dans son ensemble.

On peut ainsi prêter une certaine logique à cette même science quand on la voit travailler d'arrache pied et sans complexe à la création d'une nouvelle espèce humaine "augmentée" par l'instauration d'un eugénisme radical (voir le fil "Principe de précaution"), seule solution envisagée pour dépasser les contradictions quasi pathologiques dans lesquelles nous nous débattons, la plus terrible, selon moi, étant celle qui touche notre rapport au travail et à l'oisiveté.
Il me semble que nous sommes dans cette course en avant.
07 novembre 2019, 22:36   Re : La promesse
"On ne peut tout mettre en oeuvre [...] pour faire disparaître effectivement la nécessité du travail..."

Cette assertion sur laquelle repose tout votre raisonnement est-elle bien fondée ? Il me semble plutôt que ce sont certains types de travaux qui disparaissent (ou perdurent de façon caricaturale) mais je ne vois pas du tout pourquoi la "Science" ferait disparaître le "Travail".

Une activité qui était reconnue comme un travail ne l'est plus à l'époque suivante, tandis que d'autres activités qui n'étaient pas reconnues socialement accèdent à ce statut.

C'est le cas par ex. des activités prises en charge par les femmes : ces activités ont été progressivement "professionnalisées" (sorties de la sphère privée pour être prises en charge par des "travailleurs" : la garde des enfants, leur éducation, etc.).

C'est également le cas aujourd'hui des aides aux parents âgés : les vieillards ne sont plus pris en charge par leurs descendants mais par des institutions avec des salariés. On parle de "nouveaux emplois" qui ne sont jamais que la professionnalisation d'activités qui n'étaient pas reconnues jusqu'alors comme du "travail".

Et si au Japon il y a robotisation de ces activités d'aides aux personnes âgées, c'est que ce pays, qui souffre d'un déficit démographique, veut éviter par tous les moyens de faire appel à une main d'oeuvre étrangère : c'est la politique contre le risque de Grand Remplacement qui conduit à la robotisation...
08 novembre 2019, 15:24   Re : La promesse
Vous êtes le premier à admettre la réalité de "la réduction historique du travail contraint". Je voulais simplement dire que cette réduction est due aux progrès technologiques (la science) et qu'aucune limite n'étant fixée à cette réduction on peut raisonnablement supposer qu'elle tende à se rapprocher de la disparition pure et simple du travail contraint, tandis que sa nécessité sociale non seulement ne diminue pas mais augmente, d'où l'intenable contradiction.

Quant aux "activités" devenues des professions, leur répondent les professions devenues des "activités" (pompiste, caissière, guichetier... à quoi on peut ajouter une myriade de "micro-services" qui sont désormais à la charge non rétribuée des particuliers.)
08 novembre 2019, 21:53   Re : La promesse
on peut raisonnablement supposer qu'elle tende à se rapprocher de la disparition pure et simple du travail contraint,

Travailler dans des maisons de retraite n'est pas une sinécure. Le "service aux personnes" n'a aucune raison de disparaître par le fait de la Science, bien au contraire.

La "robotisation" des travaux de force libère de la main d'oeuvre pour des fonctions de surveillance, d'accompagnement, d'écoute, etc. Vous jugez que "ce n'est pas du travail" mais votre image du travail est datée.

Prenez l'exemple du fameux "poinçonneur des Lilas", il a certes été remplacé par des automates mais il y a maintenant des personnes derrière des écrans pour veiller à la sécurité des couloirs du métro.
11 novembre 2019, 00:26   Re : La promesse
A part ça, l'hallucinante manifestation en faveur d'une république islamique et le portrait cent fois mensonger de Renaud Camus dans Le Monde inspireront-ils bientôt les fers de lance intellectuels de ce forum, ou bien faut-il requérir une saisine demandant à l'assemblée de se recentrer cinq minutes sur l'essentiel ?
11 novembre 2019, 10:51   Re : La promesse
@Pierre-Jean Comolli

Vous vous attendiez à quoi de la part du Monde ? Quant à la France insoumise / Mélanchon, elle/il a perdu la moitié de ses voix (passant en gros de 20 à 10%) depuis qu'elle/il a pris son virage islamo-gauchiste. La manifestation d'hier ne servira qu'à l'enterrer un peu plus.

Mais puisque vous appelez les intervenants sur ce forum à "se recentrer cinq minutes sur l'essentiel", je suggère d'en revenir au principe fondateur de l'in-nocence, qui est aussi celui de l'art médical depuis l'Antiquité : primum non nocere

D'abord ne pas nuire à la cause que l'on veut servir :
- en servant de faire-valoir à ses adversaires (comme Marine Le Pen face à Macron, par ex.)
- en se fabriquant des faire-valoir pour refuser tout débat ("Le Monde m'attaque bassement donc j'ai raison")

M. Comolli, le débat sur l'autre fil (celui des "Quotas") est-il à ce point "non-essentiel" à vos yeux, que vous nous privez de votre avis sur le sujet de la "remigration" ?
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