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Une étrange résonance

Envoyé par Didier Goux 
15 décembre 2019, 10:21   Une étrange résonance
Je relis depuis quelques jours – dire que j'y picore serait sans doute plus exact – le volume “Bouquins” contenant le Journal de François Mauriac ainsi que ses Mémoires politiques. Et je tombe, chemin faisant, sur un article publié dans Le Figaro en avril 1945. Bien sûr, la date dit assez clairement à quoi pense Mauriac lorsqu'il écrit ce qu'on va lire. Néanmoins, j'ai trouvé que ces deux paragraphes, vieux de quelque 75 ans, produisaient une étrange résonance en notre désolant aujourd'hui. Voici donc :


« […] il est nécessaire que l'opinion française mesure la portée du coup qu'a subi notre race. Nous ne connaissons pas l'étendue de ce malheur : il va se découvrir à nous peu à peu. Osons regarder cette affreuse blessure au flanc de la France, cette blessure qui risquerait de s'envenimer et d'infecter le corps tout entier si nous n'y prenions garde. Il y va de notre être même. Le temps n'est plus aux ménagements : un grand pays ne doit rien ignorer de ce qui le menace. Or il ne s'agit pas ici d'un problème important ni même d'un problème essentiel : au vrai, il s'agit du seul problème, celui dont dépend la solution des autres, car si nous sauvons la race, le reste nous sera donné par surcroît.


« […] Certes, en ce qui concerne la France, ce n'est pas assez de dire que rien n'est perdu et que tout peut être sauvé encore : tout sera sauvé, nous y sommes résolus. Mais, à n'importe quel prix, et par des moyens même cruels, il est nécessaire de créer une inquiétude, d'entretenir à ce sujet une angoisse nationale qui oblige chacun de nous, depuis les chefs responsables jusqu'aux plus humbles citoyens, à ne pas perdre un instant de vue le premier de nos devoirs, et l'on peut même dire notre seul devoir, puisqu'il résume tous les autres : sauver la race. »
17 décembre 2019, 17:04   Re : Une étrange résonance
Bien sûr, la date dit assez clairement à quoi pense Mauriac lorsqu'il écrit ce qu'on va lire.

Euh, cher Didier, si vous pouviez malgré tout préciser, sans vous obliger... Pour tout vous avouer, je ne trouve pas les extraits tout à fait limpides : en 1945, pour "sauver la race" il était "nécessaire de créer une inquiétude"...?
20 décembre 2019, 19:56   Une irrésistble dérive comptable
Actuellement la race est tout occupée à boucler d’interminables petits comptes d’apothicaire : on suppose que c'est du danger de sombrer définitivement dans une mesquine dérive comptable qu'il faut la sauver maintenant...
on suppose que c'est du danger de sombrer définitivement dans une mesquine dérive comptable qu'il faut la sauver maintenant.

Peut-être bien, même si en matière sociale on est toujours le mesquin comptable d'un autre, mais en 1945 il me semble que la "race" des Français avait déjà beaucoup de raisons de souffrir : alors préconiser "de créer une inquiétude, d'entretenir à ce sujet [la sauvegarde de la race ?] une angoisse nationale" et "à n'importe quel prix, et par des moyens même cruels"... J'irai lire le livre pour comprendre.
22 décembre 2019, 17:16   Un indice
Cher Rémi, référez-vous à Heidegger, je vous prie : il y va de la sauvegarde de la race comme pour tout étant il y va de son être même : l'inquiétude à nourrir à ce propos est de l'ordre du Souci.
Et vlan.

Mais enfin, pour ce qui est de Mauriac, de quelle "affreuse blessure au flanc de la France" s'agit-il ? De la collaboration, non ?... Ce doit être elle le venin, et "sauver la race", c'est purger, et encore purger, c'est-à-dire épurer, pour se refaire une santé morale et nationale. Rien de moins.
Utilisateur anonyme
23 décembre 2019, 00:50   Re : Une étrange résonance
sauver la race



Race au sens d'une éthique chevaleresque et aristocratique dont Mauriac pressentait qu'elle céderait sa place à celle de l'Homo Vulgaris de la démocratie triomphante.
23 décembre 2019, 11:40   Re : Une étrange résonance
@Alain Eytan

Mauriac épurateur des collabos pour sauver la race ?... Vraiment, je n'y avais pas pensé, d'autant que :

"Au moment de l'épuration, il intervient en faveur de l'écrivain Henri Béraud, accusé de collaboration. Il signe la pétition des écrivains en faveur de la grâce de Robert Brasillach, qui est condamné à mort et qui sera malgré cela exécuté. Cet engagement lui vaut le surnom de « Saint-François-des-Assises ». Il rompt peu après avec le Comité national des écrivains en raison de l'orientation communiste du comité et participe à la revue des Cahiers de La Table ronde, où de jeunes écrivains – qui seront appellé plus tard les Hussards – feront leurs débuts. Entre 1946 et 1953, éditorialiste au Figaro, François Mauriac s'illustre par la virulence de son anticommunisme dans le contexte de la Guerre froide".

Épurateur de communistes, plutôt ?

@Pascal Mavrakis

Quant à "l'aristocratisme" de Mauriac... ni sa biographie et son oeuvre, pour ce que j'en connais, n'en porte vraiment la marque, trouvé-je (mais je serais intéressé naturellement par des preuves contraires).
23 décembre 2019, 17:03   Re : Une étrange résonance
Je reviens à cette "affreuse blessure" qui risquerait de s'infecter : quand Mauriac écrit cela en 1945, ne parle-t-il pas de l'intelligence avec l'ennemi, c'est-à-dire de la collaboration ? Quoi d'autre alors, à ce moment précisément, surtout si on prend en compte son attitude pendant l'Occupation, qui fut résolument anti-pétainiste ?
Dans ce contexte, s'acquitter du "premier de nos devoirs", qui est de "sauver la race", n'est-ce pas lutter contre l'infection (de la collaboration), et donc assainir le corps ?
En l'occurrence, c'est l'interprétation qui me paraît être la plus sensée...

Que Mauriac ait pu être (apparemment) contradictoire (traité tout de même de "girouette" et violemment attaqué par la droite qui militait pour une amnistie générale des collaborateurs), que son action personnelle en faveur de tels écrivains qu'il ne jugeait probablement pas les plus coupables n'ait pas cadré avec une déclaration de principe rédigée peut-être dans l'enthousiasme vindicatif de l'immédiate après-Libération, ça...
23 décembre 2019, 20:10   Re : Une étrange résonance
Certes, cher Alain, c'est le plus logique mais, outre que je ne m'attendais pas à un tel appel sous la plume d'un académicien connu plutôt pour avoir voulu sauver la peau d'écrivains "collabos", certaines de ses phrases sont assez étranges, celle-ci par ex : "la portée du coup qu'a subi notre race." Ne croirait-on pas qu'il évoque une agression venant de l'extérieur de "la race" (des allemands en l'espèce) et non pas le dévoiement d'une partie des membres de cette "race" ?
Utilisateur anonyme
23 décembre 2019, 23:47   Re : Une étrange résonance
MAURIAC ou la haine de la race blanche avant l'heure... Je suis absolument certain qu'aujourdhui il aurait rejoint le camp remplaciste.



DANS L'EXPRESS
1957 - Le bloc-notes de François Mauriac : la peine de mort


Mauriac refuse aux occidentaux du XXe siècle tout magistère moral, après les crimes qui ont récemment ensanglanté leur civilisation.
Dans L'Express du 12 juillet 1957


5 juillet.

Ce qu'Albert Camus écrit dans la N.R.F. contre la peine de mort, je l'ai toujours pensé et cru. Alors pourquoi ce malaise que je ressens à le lire ? Je mesure ici ce qu'il en coûte d'avoir vécu cette histoire, la nôtre depuis vingt ans - celle des hommes de la race blanche, chrétiens ou héritiers de la civilisation chrétienne.

Je leur refuse le droit de se prononcer pour ou contre la peine de mort. Ils n'en sont plus là. Seules les formes de la justice subsistent chez eux. Les attentats contre la personne se multiplient partout derrière les façades vermoulues des vieilles lois. Il s'agit bien de la peine de mort !


La race qui a fourni à la guerre civile espagnole ses protagonistes, qui a traqué, torturé et brûlé des millions de Juifs pour les punir du crime d'être Juifs, des centaines de milliers d'enfants, la race qui utilise encore le régime concentrationnaire et dont les pendus de Nuremberg demeurent, en plus d'un point de la planète, les maîtres et les inspirateurs, la race qui a multiplié les Oradour, qui a rétabli la torture - cette torture confiée autrefois à des spécialistes, mais devenue le violon d'Ingres de citoyens pas plus méchants que d'autres - la race familiarisée avec la notion de crime politique, et qui l'utilise, en Russie surtout, chaque fois qu'il importe de faire place nette - mais nous avons montré sous Vichy et aux jours de l'épuration ce dont nous sommes capables nous-mêmes sur ce point - la race blanche ne détient plus le droit de s'interroger sur la peine de mort, puisqu'elle a bafoué et violé tous les principes qui pourraient servir, dans ce débat, de repère ou de norme.

Et puis, à quoi bon ? La peine de mort supprimée dans les textes continuerait de régner dans les moeurs - ou plutôt l'usage du meurtre policier si répandu partout et qui, par comparaison, restitue à la peine de mort sa dignité et son honneur.

Vous pouvez l'effacer de toutes les législations où elle subsiste encore, des innocents n'en seront pas moins légalement abattus, par exemple "pour avoir tenté de fuir", des êtres humains n'en mourront pas moins, en Russie et ailleurs, de misère et d'épuisement dans des camps inconnus.

La loi martiale, les pouvoirs spéciaux rétabliraient d'ailleurs la peine de mort en l'étendant aux innocents, chaque fois qu'il plairait aux politiciens.

Évidence insupportable
Vous ne réveillez le débat sur la peine de mort que pour vous donner l'illusion d'appartenir encore à une communauté digne de l'aborder et de le trancher, et pour échapper à l'évidence insupportable que toute notion de justice s'est obscurcie en nous, d'année en année, surtout depuis vingt ans. Les régimes de dictature ont accéléré cette décomposition dont la Grande Guerre avait déposé le germe en Europe.

Discuter de la peine de mort dispense, je le crains, les belles âmes d'aborder les problèmes plus brûlants. C'est feindre de croire que nous appartenons à un monde où la vie d'un être humain, quelle que soit la couleur de sa peau, demeure sacrée.

Ah ! que je voudrais pouvoir monter à la tribune du Palais-Bourbon, le jour où le chef du gouvernement demandera l'extension à la métropole de ses pouvoirs discrétionnaires ! Mais quoi ! qu'est-ce donc que ce Parlement français dont je souhaite l'audience ? Une assemblée d'hommes qui, sachant (Camus le rappelle) que le taux de responsabilité de l'alcool, dans les crimes, est de 60 à 72%, et que le taudis produit tout naturellement - et avec quelle régularité ! quelle abondance ! - l'enfant martyr, ont fait de la grande nation, sur l'ordre de ceux qu'ils servent, le premier des pays consommateurs d'alcool et le quinzième des pays constructeurs.

La peine de mort : l'abolir, ce devrait être le couronnement d'une législation qu'aucune police militaire ou civile n'aurait plus le pouvoir de violer. Nous savons ce qu'il en est aujourd'hui.

Le respect de la vie, même chez les coupables de grands crimes, quel raffinement pour l'espèce de gens que nous sommes devenus ! C'est faire bien les délicats ! Il n'y faudrait aboutir qu'après un effort de régénération que nous n'avons même pas commencé
d'entreprendre. Pour abolir la peine de mort, attendons d'en être devenus dignes.

Abolir la peine de mort quand on rétablit la torture ? Un peu de logique, voyons, Camus

Utilisateur anonyme
24 décembre 2019, 00:07   Re : Une étrange résonance
R. Pellet@
Quant à "l'aristocratisme" de Mauriac... ni sa biographie et son oeuvre, pour ce que j'en connais, n'en porte vraiment la marque, trouvé-je (mais je serais intéressé naturellement par des preuves contraires

///

Oublions ça. J'étais carrément à côté de la plaque...
Utilisateur anonyme
24 décembre 2019, 06:23   Re : Une étrange résonance
De toutes façons nous savons tous qu'employer le mot race, aujourd'hui...

Il y a déjà quelques années de cela était paru chez Privat un dictionnaire des Cinquante mots-clés de l’anthropologie : c’est en vain qu’on y chercherait le mot « race »... Tous les universitaires (pour ne pas dire tout le monde) préfèrent parler de « populations ». Mais la définition qu’ils donnent des « populations » (ensemble d’individus caractérisés par des variations différentielles de fréquence au niveau de la distribution et de l’expression des gènes) correspond exactement à celle que tout le monde admettait pour les races il y a encore quelques décennies. Nous sommes donc en présence d’un exemple de maladie de notre époque : la sémantophobie.

Reste qu'un "racisme intelligent", qui aurait le sens de la diversité des ethnies, serait selon moi moins nocif qu’un antiracisme intempérant, niveleur et assimilateur.
24 décembre 2019, 22:36   Re : Une étrange résonance
Le texte de 1957 est remarquable en tant que tout ce qu'il décrit est parfaitement exact. Je ne vois vraiment pas ce que l'on peut lui reprocher.

Pourquoi Mauriac aurait-il été aujourd'hui "remplaciste" ? Reconnaître lucidement ses fautes, ce n'est pas absoudre celles des autres et souhaiter qu'ils nous remplacent.
24 décembre 2019, 23:11   Re : Une étrange résonance
Ah ces sacrés intellectuels qui aiment à reprocher aux hommes de n'avoir si souvent pas été assez bien, pas assez mensch, pas à la hauteur, de s'être surtout et à toute époque illustrés par manque de hauteur d'âme, manque de cœur, d'intelligence, de forme, de style, de ventre, de couilles !
Ils ont raison, bien sûr, dans l'absolu...
Utilisateur anonyme
24 décembre 2019, 23:59   Re : Une étrange résonance
De Mauriac à Matthieu Longatte :

"Quand tu es un homme blanc, tu es très privilégié"
Matthieu Longatte s'exprime sur la nécessité en tant que personne blanche de reconnaitre son privilège.⁠ [t.co]

"Reconnaître ses fautes" (R. Pellet) et se repentir parce que je suis , en tant que blanc, un privilégié. L' heure est donc venue pour l'homme blanc fautif de céder sa place, c.a.d. de se faire grand-remplacer, par meilleur et plus bon que lui... Il est mûr pour intégrer des camps d’été "décoloniaux" ou se réfugier dans des "safe spaces", des "espaces sécurisés", qui permettront aux malheureux "non racisés" de se retrouver dans un entre-soi protecteur.
Utilisateur anonyme
25 décembre 2019, 00:26   Re : Une étrange résonance
Alain Eytan@

Ah ces sacrés intellectuels qui aiment à reprocher aux hommes de n'avoir si souvent pas été assez bien, pas assez mensch...
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Très juste. Un grand classique : les intellectuels fustigeant la masse informe des "pas assez".
25 décembre 2019, 02:15   A Fickle Sonance
Il faudrait mettre systématiquement en garde les jeunes générations contre les bêtises qu'écrivent les romanciers. Je crois qu'on doit cette sentence à Marc Twain. Ce n'est pas la race, idiot! mais l'histoire, qui a produit la guerre d'Espagne, Vichy, les procès de Moscou, le Goulag et tout le reste au cours de "vingt dernières années" que Mauriac évoque dans son papier de 1957.

Il faudrait sinon, imputer à d'autres races d'autres atrocités commises sur les autres continents dans le même temps (guerres civiles ravageant l'Asie orientale dans ces vingt années-là, etc.). Ce qui reviendrait de nouveau à rendre les races égales dans l'horreur, et à revenir à la case départ. Camus Albert aurait pu lui rétorquer que la même race blanche et chrétienne a aboli l'esclavage, soigné les hommes atteints de la lèpre et de la peste sur tous les continents, découvert la pénicilline, fait décoller des avions, etc. La liste des miracles accomplis par cette race, dans tous les domaines de la science, des arts et des humanités ferait une litanie interminable. Mais le petit Mauriac en veut aux siens. Comme l'intellectuel français depuis toujours, et se montre conforme à l'obsession de ses contemporains (Sartre, Genet pro-palestinien en diable, etc.). Ce qui peut avoir parfois du bon, mais qui le plus souvent fourvoie l'intellectuel et l'embourbe dans des propos de comptoir. Alain Soral tient parfois le même discours : l'homme blanc est le plus violent et le plus cruel de tous. Alain Soral est un con. Et son illustre prédécesseur lui ressemble.
Utilisateur anonyme
25 décembre 2019, 14:30   Re : A Fickle Sonance
Francis Marche@

Camus Albert aurait pu lui rétorquer que la même race blanche et chrétienne a aboli l'esclavage, soigné les hommes
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Oui et ce que les missionnaires ont fait sur le plan de la religion, les idéologies nées des « Lumières » du XVIIIe l’ont entrepris au nom d’un égalitarisme laïcisé. Ce sont nos bons instituteurs de la IIIe République qui ont assassiné les cultures ethniques et les langues régionales en Europe. Les démocraties ont détruit les particularismes que les monarchies avaient laissé malgré tout subsister et qui faisaient des régions des ensembles personnalisés, vivants.
Utilisateur anonyme
25 décembre 2019, 15:48   Re : A Fickle Sonance
Tweet de Renaud Camus : "S’il arrivait que la race blanche disparût de la surface de la Terre (ce qui est tout de même l’issue la plus probable), cette catastrophe et ce crime auraient été précédés de la plus formidable campagne de bourrage de crâne haineux jamais menée dans l’histoire de l’humanité."
25 décembre 2019, 16:51   Re : A Fickle Sonance
Oui et ce que les missionnaires ont fait sur le plan de la religion, les idéologies nées des « Lumières » du XVIIIe l’ont entrepris au nom d’un égalitarisme laïcisé. Ce sont nos bons instituteurs de la IIIe République qui ont assassiné les cultures ethniques et les langues régionales en Europe. Les démocraties ont détruit les particularismes que les monarchies avaient laissé malgré tout subsister et qui faisaient des régions des ensembles personnalisés, vivants.

Parfaitement d'accord. Mais est-ce l'essence d'une race qui s'est exprimée ainsi ou une conjonction historique extraordinaire qui a laissé cette folie se faire, s'exprimer sur la surface de la terre devenue désert des civilisations hormis pour la nôtre qui prévalut faute de concurrence sérieuse? Pendant trois siècles, nos "Lumières" furent les seules à se penser telles, elles s'ébattirent sur les terres et les océans de la planète comme le premier homme, premier idiot s'égayant hors de toute raison sur la surface de la lune. Ce n'est pas la faute à l'Occident s'il fut tout puissant pendant tout ce temps, pendant lequel tout le mal et le bien qui pouvaient émaner de lui se répandirent sans obstacle. Il y eut une conjonction heureuse-malheureuse: l'islam fut contenu par les Russes sur les terres du Nord, et immobilisé par les navigateurs catholiques sur les océans, qui l'empêchèrent de découvrir l'Amérique; la Chine, jetée bas (fin des Ming) laissa de son côté les routes maritimes de l'extrême-orient libres à notre expansion. Pareille conjonction, extraordinaire fenêtre historique de liberté, ne se rencontrera plus jamais. En toute logique, nous nous répandîmes en nous figurant lumineux et absolus, n'ayant que Dieu lui-même pour unique concurrent direct. Ca marque. Ca fait croire à certains que l'Histoire n'est autre que celle de la race. Ca illusionne. Un demi-millénaire ne suffira pas à dissiper l'illusion qui nous fait prendre une conjonction/conjoncture pour un destin singulier et incomparable.

Tout reprendre à zéro, dans l'humilité et la conscience du hasard qui engendra notre puissance, et celle de la nécessité de combattre en respectant l'adversaire, dans le risque de l'anéantissement. L'enjeu de ce combat n'est plus la domination, sa perennité, mais notre humble et fière survie d'indigène borné et conscient.
Utilisateur anonyme
25 décembre 2019, 18:26   Re : A Fickle Sonance
Francis@

Je m'égare peut-être mais votre dernier message nous (me) renvoie à Spengler... Ce penseur, qui m'a longtemps fasciné, parle presque toujours de Weltgeschichte (« histoire mondiale »), et non d’Universalgeschichte (« histoire universelle »). Il n’y a donc pas d’« histoire de l’humanité » au sens d’un processus homogène. Il n’y a que des histoires séparées correspondant aux diverses cultures, dont le développement et le déclin obéissent aux mêmes lois.
29 décembre 2019, 06:16   Re : Une étrange résonance
Oui, Pascal, il y a des histoires séparées, mais l'histoire humaine (celle qui se compose de ces histoires) est à lire comme une unité conflictuelle; la contradiction motrice de cet ensemble emprunte son descriptif à la théorie des jeux : il n'y a pas de place sur terre (la terre étant un espace fini, comme un échiquier, dans lequel se déploient des configurations logiques de nombre infini) pour une expansion heureuse de tous en même temps. C'est une des lois de la damnation de l'ici-bas que ne comprendront jamais les Modernes, aveuglés par des notions d'universalité fausse aujourd'hui tragiquement contre-productives en Europe (espace régi par des idées universalistes devenues folles). Il faut, en même temps que des gagnants, des perdants, ce qui est un constat dynamique et optimiste, connu de toutes les sagesses du monde : les perdants d'aujourd'hui sont les gagnants de demain (un des enseignements du Christ cela dit en passant). Et dans cet enfer, chacun a sa chance. Il suffit de ne pas la rater.

Celle de l'Occident, déployé en gloire sur cet échiquier pendant 300 ans, est passée, mais la roue de l'histoire n'est pas arrêtée pour autant et il peut revenir en force, se réveiller et renverser la table, comme on commence à le voir ici et là (au Royaume-Uni ce mois-ci, à Hong Kong ces six-derniers mois, etc.)

Voir aussi le Nomos der erde de Carl Schmitt : [gedankenfrei.files.wordpress.com]
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