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Comment chacun des 100 000 morts du Covid est devenu un point en « une » du « Monde »

Envoyé par Pierre Jean Comolli 
Passons sur le fait que, toute honte bue, le Monde s'assume caniche idéologique du New York Times, n'hésitant toutefois pas, comme ici, à lui piquer ses "unes"... -- [www.lemonde.fr]

Soixante-huit millions d'habitants, 100 000 morts plus d'un an après l'arrivée du virus : c'est cela un "désastre", sachant que parmi ces morts on ne doit déplorer qu'une poignée de morts scandaleuses, celle de gens qui n'avaient pas fait leur vie ? Élargissons la focale : l'épidémie a tué sur les 8 milliards d'être humains que supporte encore gentiment la planète moins de 3 millions d'entre eux. Rappelons, puisqu'il le faut, que 1 milliard = 1 000 millions. Et ce serait sur la base de cette appréciation totalement folle, mélange d'absurdes quantifications et de morale à courant faible (la risible éthique du care), que l'on planifie dès à présent la vaccination, plusieurs fois par an probablement, de chacun de ces 8 milliards d'individus ? Si c'est vraiment le cas, alors se déroule sous nos yeux le premier craquage nerveux global du XXIe siècle. Toutes les raisons qui sont déjà pertinemment avancées pour expliquer ce phénomène, phénomène qui va s'autonourrir biologiquement de ses propres échecs annoncés (rendre intelligent, faire varier un virus un peu con en exerçant sur lui une pression totale de sélection), ne tiendront pas longtemps la route. En effet, comme la Grande Dépression, la Shoah ou le Grand Remplacement, le Covid deviendra l'un des malheurs les plus mystérieux de l'Histoire des hommes. Mais l'époque étant ce qu'elle est, une mauvaise blague, le Covid occupera sans conteste la première place des farces impayables ayant succédé aux vraies tragédies (pour paraphraser vaguement Marx). Au moins les historiens de la folie auront-ils des choses originales et amusantes à écrire sur l'œuvre et la prospérité de l'incroyable délire actuel...
Autre chiffre de fin du monde : en France, 951 personnes âgées de moins de 50 ans sont mortes à l'hôpital du Covid, la majorité combinant les comorbidites qui font le lit des syndromes inflammatoires.

À cette aune, un miracle vient de se produire sur LCI. Un journaliste normalement constitué psychiquement s'emporte : "Mais non ce n'est pas comme si la ville de Nancy, où vivent un peu plus de 100 000 habitants, était rayée de la carte...! Tout simplement parce que cette ville ne compte pas une proportion écrasante de gens de plus de 80 ans."
15 avril 2021, 21:49   Nullité des grands nombres
Il y a quand même quelque chose d'énorme dans ce que vous dites, Pierre Jean : vous vous mettez dans tous vos états pour une poignée de morts possiblement dus à des effets secondaires des vaccins, mais vous vous contrefichez totalement de 3 millions de morts qui, littéralement, on ne sait pourquoi, ne comptent pas, n'ont pas à compter.
Au regard du plus élémentaire bon sens, cela paraît bizarre...
Je remets ces morts à leur place, dans le bon ordre. Trois millions de personnes très âgées et déjà malades tuées secondairement par la rencontre avec un nouveau virus, sur 8 milliards, c'est indiscutablement peu et d'une gravité relative. Sur ce dernier point, Compte-Spomville a tout dit. Là-dessus, qu'un vaccin tue une femme de 38 ans en bonne santé et qui surtout n'aurait jamais succombé de sa recontre avec le virus donne à sa mort, absurde, un retentissement particulier. Qu'on meurt, vieux, après avoir fait et vécu sa vie est, me semble-t-il, dans l'ordre des choses. Pas de mourir, jeune et plein de sang, après avoir pris un médicament.
Eh allez...

"A third dose of the Covid-19 vaccine will “likely” be needed within a year of vaccination, followed by annual vaccinations, Pfizer’s chief executive said Thursday.

“There are vaccines like polio where one dose is enough, and there are vaccines like flu that you need every year,” Albert Bourla, the Pfizer chief, said during a pre-recorded conversation hosted by CVS Health Corp. which was posted Thursday. “The Covid virus looks more like the influenza virus than the polio virus.”

Mr. Bourla said that more data and sequencing would be needed to determine a re-vaccination protocol but that “a likely scenario” is “a third dose somewhere between six and 12 months, and from there it would be an annual re-vaccination.”" (NYTIMES)
Je partage entièrement l'avis de M Comolli, mais alors entièrement.

Si vous vous ennuyez ce week-end, vous pouvez toujours essayer de comprendre cet article et d'en faire une synthèse intelligible car c'est vraiment un modèle du genre :



Un modèle du genre
16 avril 2021, 21:44   Les nouveaux Raskolnikov
» Sur ce dernier point, Compte-Spomville a tout dit

J'aimais bien Comte-Sponville du temps où il débinait Nietzsche en le traitant de "brute", de "sophiste" et d'"esthète", d'une façon de rustre très peu intellectualisant qui n'eût pas déplu au Fritz lui-même ; depuis qu'il a pris de l'âge, covid venant, Comte-Sponville semble n'avoir de cesse que de petits jeunes, ayant la vie devant eux, ne lui passent sur le corps et le piétinent tout à fait, pour être comme il faut dans l'ordre des choses. Je vous le dis franchement : ce jeunisme béat si volontiers sacrificiel me tape sur les nerfs, mais c'est tout à fait personnel...

Maintenant, si vous estimez qu'à partir du moment où l'on a plus de 60, 70 ans, est encore parfaitement ingambe et pourrait en remontrer au premier p'tit con venu, il est "peu grave" et somme toute naturel de crever, par millions, asphyxié d'une maladie virale que l'on peut très probablement prévenir par un vaccin, fût-ce au prix d'une trentaine de dommagés collatéraux aléatoires éventuellement plus jeunes, toujours sur huit milliards d'individus, ma foi, libre à vous également...
Citation
Roland Destuves
Je partage entièrement l'avis de M Comolli, mais alors entièrement.

Si vous vous ennuyez ce week-end, vous pouvez toujours essayer de comprendre cet article et d'en faire une synthèse intelligible car c'est vraiment un modèle du genre :



Un modèle du genre

Prodigieux, en effet ! Tripoter maniaquement les chiffres, s'en faire des nœuds au cerveau pour échouer comme prévu à démontrer ce qui n'est pas... "Jaw dropping", disent les Ricains.

Et si nous revenions sur terre ?

[www.google.com]

(Raoult se réfère, dans la partie consacrée à la mortalité, la première, à Le Bras, lequel, une fois n'est vraiment pas coutume, a dit l'essentiel sur ce point.)

Ajout : ce forcing répugnant pour trouver toujours plus de morts, presque en en fabriquant, m'évoque l'accusation lancée par Deleuze aux nouveaux philosophes : "Ils prospèrent sur des cadavres".
Citation
Alain Eytan
» Sur ce dernier point, Compte-Spomville a tout dit

J'aimais bien Comte-Sponville du temps où il débinait Nietzsche en le traitant de "brute", de "sophiste" et d'"esthète", d'une façon de rustre très peu intellectualisant qui n'eût pas déplu au Fritz lui-même ; depuis qu'il a pris de l'âge, covid venant, Comte-Sponville semble n'avoir de cesse que de petits jeunes, ayant la vie devant eux, ne lui passent sur le corps et le piétinent tout à fait, pour être comme il faut dans l'ordre des choses. Je vous le dis franchement : ce jeunisme béat si volontiers sacrificiel me tape sur les nerfs, mais c'est tout à fait personnel...

Maintenant, si vous estimez qu'à partir du moment où l'on a plus de 60, 70 ans, est encore parfaitement ingambe et pourrait en remontrer au premier p'tit con venu, il est "peu grave" et somme toute naturel de crever, par millions, asphyxié d'une maladie virale que l'on peut très probablement prévenir par un vaccin, fût-ce au prix d'une trentaine de dommagés collatéraux aléatoires éventuellement plus jeunes, toujours sur huit milliards d'individus, ma foi, libre à vous également...

Vous me prêtez de drôles de pensées... Comme si la mort d'encore vaillants sexagénaires ou septuagénaires pouvait m'indifférer voire me réjouir ! Ceux-là, d'abord, ne sont pas morts "par millions" du virus : celui-ci a tué une majorité écrasante d'octogénaires, assénant pour ainsi dire le coup de grâce à des vieux perclus de maladies.
Le jeunisme béat de Compte-Sponville... Il est lui-même particulièrement fringant, ce qui ne l'empêche pas de conclure sans trop d'efforts cogitatifs que mourir à 80 piges, en s'asseyant sur une espérance de vie de quelques mois, est moins catastrophique que claquer à 30 ans, en s'asseyant donc sur une espérance de vie d'un demi-siècle. Autre chose : Compte-Sponville a perdu un enfant et il explique que, fort logiquement, cette mort scandaleuse, bien avant l'heure, l'a davantage marqué que celle de son très vieux père. (Disons alors que je peux m'identifier : ma sœur avait 38 ans quand elle est morte brutalement, mon père 83. D'un cas à l'autre la douleur n'est pas la même "quand on y pense"...)
17 avril 2021, 22:28   De la valeur en soi
» ce qui ne l'empêche pas de conclure sans trop d'efforts cogitatifs que mourir à 80 piges, en s'asseyant sur une espérance de vie de quelques mois, est moins catastrophique que claquer à 30 ans, en s'asseyant donc sur une espérance de vie d'un demi-siècle


A l'aune exclusive de la rareté du temps imparti, la vie âgée apparaît plus précieuse.
18 avril 2021, 08:00   Re : De la valeur en soi
A l'aune exclusive de la rareté du temps imparti, la vie âgée apparaît plus précieuse.

Remarquez bien que ça fonctionne aussi dans l'autre sens: à l'aune exclusive du temps écoulé, chaque heure, chaque minute de la vie jeune apparaît plus précieuse.

Le saucisson a deux bouts, minces et de chair rare, le pain deux quignons et la "préciosité" de la chair-temps vaut pour ces deux bouts du segment de durée de la chair.

Mais ces propositions admettent leur négation tout aussi valables :

- Le vieux : pour le peu temps qui me reste à vivre, je peux me permettre de risquer ma vie à mille conneries (entendu dans la bouche d'un "vieux" épousant une jeune femme qu'il connaissait à peine)

- Le jeune: pour tout le temps qui me reste à vivre, je peux bien risquer de me casser la jambe ou de me rompre le foie à vivre intensément, j'aurai plusieurs décennies pour récupérer de mes blessures.

Conclusion: la ratiocination sur le temps de vivre, vécu ou à vivre, n'a aucune sorte de sens, peut se retourner comme une crêpe ou un gant sans produire la moindre valeur de vérité.

Le capital-vie n'existe tout simplement pas, pis encore : le capital-temps non plus, et toute spéculation sur leur valeur d'usage est vaine et illusoire.
Un grain de folie dans les machines à penser
ici à l'œuvre pour, surtout, ne pas les départager :
"Certes, la durée de la vie humaine est chez nous bien augmentée mais le ralentissement des réflexes avec l'âge reste préoccupant. Nos vieillards, nous les prolongeons aisément jusqu'à deux cents, deux cent cinquante ans, mais ils se font presque tous écraser dans la rue à cent trente ou cent quarante."
(Michaux - Face aux verrous)
18 avril 2021, 18:54   Re : De la valeur en soi
» Remarquez bien que ça fonctionne aussi dans l'autre sens

Je ne crois pas, ou alors on a changé le sens de la phrase, auquel cas il s'agit d'une autre proposition, à "valeur de vérité" différente : à l'aune exclusive de la rareté du temps, c'est en considération seulement de la disponibilité du matériau : plus il est compté, moins il y en a, plus il prend de la valeur : c'est imparable, c'est arithmétique, c'est économique.

"Le temps écoulé" ne modifie en rien la cherté de la vie tant que le capital du temps qui passe paraît inépuisable et qu'on pense, en n'y pensant du reste pas, qu'il y en aura toujours assez et que le problème du manque, révélateur incomparable, ne se pose pas.
Citation
Pierre Jean Comolli

"Certes, la durée de la vie humaine est chez nous bien augmentée mais le ralentissement des réflexes avec l'âge reste préoccupant. Nos vieillards, nous les prolongeons aisément jusqu'à deux cents, deux cent cinquante ans, mais ils se font presque tous écraser dans la rue à cent trente ou cent quarante."
(Michaux - Face aux verrous)

Michaux est toujours absolument jouissif...
Justement, je vous proposais une arithmétique inverse, proportionnelle au temps écoulé ("dépensé", comme on dit en anglais) et non proportionnelle au temps à dépenser.

Une année de vie, chez un homme de 20 ans, en vaut quatre de l'homme de 80 ans. C'est tout aussi arithmétique que ce vous dites dans votre calcul classique de la valeur du capital-temps: la proportion d'un vingtième que vaut cette année chez ce jeune homme est quatre fois plus importante, et donc précieuse, selon votre calcul capitalistique, que l'année du vieillard de 80 ans.

Deux notions s'antéposent : celle de la vie acquise, vécue, et celle de la vie à vivre: le jeune en est riche par les deux bouts, et son moment est, sur le plan du calcul arithmétique pur, d'un poids énorme, d'un volume supérieur, à proportion de son pauvre acquis de vie (une poignée d'années, vingt dans notre exemple) mais il l'est aussi de par les potentialités que ce moment recèle puisque son âge (20 ans) lui offre des possibilités génésiques (production d'une descendance) dont ne jouit pas le vieux.

Les femmes et les enfants d'abord, disait-on, conscient de la préciosité de la légère pelure de temps vécue par les jeunes et de celle, théoriquement immense, dont ils sont investis de par leur santé génésique.

Le lecteur de Bergson que vous fûtes le sait bien : c'est le moment qui est précieux, et sa durée, et non le temps mort, qu'il soit vécu ou à ressusciter par un vivre futur.
En spinoziste contrarié par ses nerfs, j'avoue ne sentir que très rarement que je suis éternel... Et si, faute de béatitude, je m'avise de tâter du mysticisme (Bergson), l'expérience de la durée reste, pour moi, un perpétuel échappement, jamais ou presque une fluide succession d'épiphanies — point de spontanés sentiment océanique (R. Rolland) ou de temps retrouvé dans les intermittences du cœur.

Par rapport aux âges, je ne peux que me borner à souligner combien le temps m'a paru infiniment long, interminable même, jusqu'à mes 30 ans avant de me filer cruellement entre les doigts jusqu'aux portes de la "vieillesse" (j'en ai aujourd'hui 50).

Sur ce que dit Francis des possibilités génésiques (vous m'apprenez ce dernier mot), je découvre incidemment dans une lecture qu'une maîtresse de Lacan l'envoya balader parce qu'il voulait d'elle un "dernier enfant" pour après sa mort. Il était alors septuagénaire ! L'époque, qui hait de plus en plus le père-géniteur, pourtant largement éradiqué, et feu ses folies démiurgiques, a bien changé...
Ce que j'ai voulu dire se résume à peu de chose : qu'il ne saurait y avoir la moindre "arithmétique" du temps humain parce qu'il ne saurait y avoir de mesure à l'aune d'une unité de temps indifférente aux âges.

Paradoxalement: le temps importe beaucoup au jeune qui "arithmétiquement" en dispose pourtant beaucoup plus (stocké dans son futur théorique) que l'homme âgé, c'est donc aussi que la proportion d'une heure dans un capital vécu court, mince et léger (celle du jeune), rend cette heure plus précieuse chez lui que chez le vieillard.

Deux valeurs à mettre au dénominateur dans la pesée de toute durée selon la proportion de l'âge: celle du temps qui reste à vivre et celle du temps passé à vivre. La légèreté de l'une comme de l'autre produisent des valeurs théoriques ("préciosité des durées") équivalentes.

Dès lors qu'il n'est point d'unité (comme un litre d'eau ou un quintal de paille) indifférente et universelle dans la mesure du temps humain, l'hypothèse d'une arithmétique simple dans ce domaine s'effondre dans un nuage de poussière.

(message modifié)
20 avril 2021, 19:42   La vie des vieux
Si je m'en réfère à l'expérience, qui, même quand elle concerne le "temps vécu" par d'autres, est en dernier recours toujours personnelle, bien sûr, l'hypothèse de la valeur du temps selon la quantité perçue qu'on en a s'est toujours vérifiée, me semble relever de l'évidence : les personnes âgées, pour certaines très âgées que j'ai connues avaient de leur temps qui passait une notion qui confinait à l'urgence, et leur temps était, elles me l'ont dit, incomparablement plus précieux que le mien, moi qui en disposais comme d'un capital inépuisable, jusqu'au luxe de la dépense inconsidérée et même du gâchis voluptueux.
J'en ai donc conclu que c'était une espèce de force des choses, et qu'en l'espèce le critère de la rareté dans l'estimation de la valeur était encore le plus réaliste, encore que presque "subversif" dans ses implications : cela tendait à faire accroire que la vie des vieux était paradoxalement bien plus précieuse.

Cela dit, l'"arithmétique inverse" proportionnelle au temps écoulé de Francis, tout abstraite qu'elle me paraît être, a quand même quelque chose d'intellectuellement séduisant, je l'avoue.
Donc...
L'impatience à vivre chez le jeune est l'impatience de la pauvreté.

Le jeune, quel qu'il soit, quelle que soit sa famille, est un pauvre ontologique, affamé de vie comme l'est le pauvre de la nourriture. Le vieillard, par contraste, est un grand rassasié.

Le stockage d'années futures (richesse capitalistique de vie à venir) ne fonctionne pas, ne vaut rien, chez l'humain, alors qu'il en est autrement pour la plante ou l'animal (même ceux des ordres supérieurs).

Pourquoi ?

A cause de l'infernale liberté des hommes qui rend improgrammable, incalculable, non évaluable, le temps de vie à venir non plus que l'heure du trépas : la jeune plante vivra longtemps, quant au jeune homme, on n'en sait rien: accidents de moto, overdose, balle perdue, beuverie suicidaire, chute en montagne, noyade par hydrocution, règlement de compte entre gangs, etc.. et le capital-vie fait psschitt à vingt ans.

L'homme est libre de risquer sa vie pour le plaisir ou le goût du défi, ou le désespoir, liberté dont ne jouit aucun vivant hors lui.

Dans certains pays, Guatemala, Sud-Soudan, Seine-Saint-Denis: l'espérance de vie d'un jeune de vingt ans ne vaut pas plus que celle d'un vieillard de 80 ans dans un village du Jura ou du centre de la Finlande. Les humains ne sont pas seulement inégaux par leur naissance, ou dès leur naissance, ils le sont aussi par choix et par plaisir, en sus de la contrainte vulgaire (guerres endémiques en Afrique sub-saharienne, etc.)

Aucun calcul de la valeur du temps ou de la durée de vie n'est possible sur un matériau aussi instable, versatile et scandaleusement libre de son temps.

Le calcul et l'arithmétique des assureurs sur ce plan ne sont que des outils dans l'arsenal de leurs escroqueries.
Ouvrant par hasard une anthologie de poésie française du XVIIIè siècle, réunie en 1926 par Maurice Allem - laquelle anthologie de plus de cinq-cents pages, soit dit en passant, est introduite par ces mots à faire hurler le moindre responsable marketing d'une maison d'édition contemporaine : « Le XVIIIè siècle est, sans conteste, la période la moins riche en poésie de toute notre histoire littéraire. Les faiseurs de vers y ont été, cependant, aussi nombreux que jamais. Mais leurs œuvres ne sont, pour la plupart, qu’artifice et convention. » -, je tombe sur ce poème qui, je suppose, à l'heure où il fut publié, a dû passer pour assez fade mais que l'on hésiterait à réciter en public par les temps qui courent :

J'aurai bientôt quatre-vingts ans :
Je crois qu'à cet âge il est temps
De dédaigner la vie.
Aussi je la perds sans regret,
Et je fais gaîment mon paquet ;
Bonsoir la compagnie !

J'ai goûté de tous les plaisirs ;
J'ai perdu jusques aux désirs ;
A présent je m'ennuie.
Lorsque l'on n'est plus bon à rien,
On se retire, et l'on fait bien ;
Bonsoir la compagnie !

Lorsque d'ici je partirai,
Je ne sais pas trop où j'irai ;
Mais en Dieu je me fie :
Il ne peut me mener que bien ;
Aussi je n'appréhende rien :
Bonsoir la compagnie !

Dieu nous fit sans nous consulter
Rien ne saurait lui résister ;
Ma carrière est remplie.
À force de devenir vieux,
Peut-on se flatter d'être mieux ?
Bonsoir la compagnie !

Nul mortel n'est ressuscité,
Pour nous dire la vérité
Des biens d'une autre vie.
Une profonde obscurité
Est le sort de l'humanité ;
Bonsoir la compagnie !

Rien ne périt entièrement,
Et la mort n'est qu'un changement,
Dit la philosophie.
Que ce système est consolant !
Je chante, en adoptant ce plan ;
Bonsoir la compagnie !

Lorsque l'on prétend tout savoir,
Depuis le matin jusqu'au soir,
On lit, on étudie ;
On n'en devient pas plus savant ;
On n'en meurt pas moins ignorant ;
Bonsoir la compagnie !

Gabriel Charles, abbé de LATTAIGNANT (circa1697 - 1779)

(Petit extrait de la notice biographique, illustrant elle aussi une question d'âge : "Vers la quarantaine il faillit se marier avec une enfant de seize ans, mais il faillit seulement ; alors, faute de mieux, il se résigna à être prêtre." et ceci : "Il passe pour être l'auteur de la chanson populaire : J'ai du bon tabac" Alors là, c'est le bouquet !)
24 avril 2021, 19:19   Mauvais vieux
Le bon abbé semble avoir la mort facile et guillerette, cela peut arriver, tant mieux pour lui ; mais nous savons qu'en général les cercueils ferment mal et que les gens voudraient pas crever : l'usure de la matière est inéluctable, mais l'âme, incorporelle, tient le coup beaucoup plus longtemps et demeure toujours plus ou moins neuve.
Aussi les macchabées en devenir, les vrais, pas les béni-oui-oui croulants de reconnaissance et d'abnégation, regimbent et distribuent tous les coups qu'ils peuvent, tant qu'ils ont encore un peu de sang.
J'en croirais bien davantage Leopardi, pourtant homoncule très mal fait pour la vie, qui avait de la chose une vision bien plus réaliste :

« "Je vis, donc j'espère" est un syllogisme parfaitement juste... »
(Zibaldone)
24 avril 2021, 23:10   veuvage de l'âme
l'usure de la matière est inéluctable, mais l'âme, incorporelle, tient le coup beaucoup plus longtemps et demeure toujours plus ou moins veuve.

Très juste.
Ô liberté, justice, ô passion du beau,
Dites-nous que votre heure est au bout de l’épreuve,
Et que l’Amant divin promis à l’âme veuve
Après trois jours aussi sortira du tombeau !
Sinon, terre épuisée, où ne germe plus rien
Qui puisse alimenter l’espérance infinie,
Meurs ! Ne prolonge pas ta muette agonie,
Rentre pour y dormir au flot diluvien.

Et toi, qui gis encor sur le fumier des âges,
Homme, héritier de l’homme et de ses maux accrus,
Avec ton globe mort et tes Dieux disparus,
Vole, poussière vile, au gré des vents sauvages !
Et pour la nuit des nuits:

Le calme de la nuit rassure le cœur triste ;
Il y sent déferler comme une charité
Pour tout ce grand orgueil qui, tout le jour, persiste ;
Mais qui n’ose fléchir que dans l’obscurité.

Le charme de la nuit éclaire l’âme sombre ;
Elle y voit mieux en elle au déclin des clartés ;
Elle y sent mieux en soi s’éveiller la pénombre
Où sommeillaient encor les saintes vérités,

La bonté de la nuit caresse l’âme veuve ;
L’isolement de tout la reconnaît pour sœur
Et, comme un hyménée, à la tendresse neuve,
Des ténèbres émane et sort de la noirceur.
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