Pourquoi le vivant intéresse-t-il tant le politique et pourquoi ce mystère, le vivant, offre-t-il une si exceptionnelle prise à l'action politique? C'est que, depuis le seizième siècle, le monde physique, et son interprétation mécaniste efficace qu'en ont produit les civilisations modernes (Chine comprise) posent la souveraineté de l'esprit humain sur le préhensible et le compréhensible. Cependant que le vivant, en 2021, demeure largement inaccessible à la connaissance agissante. Tout ce que sait faire de mieux le savant du vivant, consiste à
jardiner cette matière. Le biologiste contemporain n'est encore qu'un jardinier savant qui sait, à l'occasion, jardiner la chair humaine (par la manipulation ingénieuse des cellules souches qui engendrent les corps vivants) mais qui ne sait point créer de l'énergie vivante (alors que les physiciens savent créer de l'énergie physique depuis près d'un siècle).
L'inconnaissabilité ouvre un immense espace aux puissances politiques, soit les puissances qui conduisent et ordonnent les comportements sociaux. Là où le savoir du savant devient muet (sur les mécanismes intimes de la
puissance du vivant), le politique prend le relais, rassure, régente, explique, discourt, se pose en protecteur, en intendant, du vivant et du corps social vivant qui, de pair, iraient et vont leur vie sans lui.
L'ignorance, comme encore du temps de Victor Hugo, est le terreau favori du politique et de ses jeux sur le corps social.
Si le corps social est, comme corps, assimilable à un corps vivant, soit
inconnaissable, alors le politique, manipulateur, aux actes lourds d'intentions cachées, a trouvé en lui son terrain de sport. Car le dire sur le vivant ne souffre aucune objection scientifique susceptible d'interrompre ou de suspendre les ambitions totalitaires du politique. Et cela encore parce que le politique demeure supérieur, par la pensée et l'action, au jardinier.
C'est ce que cette pandémie vient nous rappeler.
Toute l'action politique gouvernementale, qui aime à se dire "sociétale", ne se déploie plus désormais que dans le
bios, et ses problématiques d'engendrement et de protection/perpétuation (LGBTQ; PMA & GPA, etc.).
L'époque où le poète Christopher Marlowe (contemporain de Shakespeare) proposait son
Faust préludait la nôtre et en proposait une image ramassée. Sa pièce de théâtre s'ouvre en effet sur cette méditation de Faust, très éclairante sur notre époque: que le monde physique ne recèle plus aucun mystère, non plus que les mathématiques où la connaissance des astres, cependant que le vivant, lui, demeure opaque. De cette opacité, il faut faire son beurre politique
et financier. Tel est l'argument de cette méditation, qui conduit Faust à se "rapprocher" de Méphistophélès (lequel ressemble comme un frère à Klaus Schwab, mais cela ne surprendra personne -- même gueule de grand chambellan du Diable, d'apôtre des Ténèbres).
En 2021, le politique, face au réel, n'a plus qu'un tout petit terrain, un pré carré réduit où exercer sa puissance de subjugation du corps social: c'est le vivant. Tous les autres terrains d'action du réel (le monde physique, le monde social et même le monde politique) sont achi-connus, leurs règles archi-sues, et sont des impasses pour l'exercice du mystère et celui de la main-mise juteuse et exaltante sur les corps (physiologiques et sociaux).