C’est par hasard que, traversant la grande esplanade centrale de ma ville, je tombe sur un rassemblement des Patriotes, le groupe de Philippot. Déclaration au porte-voix « au peuple de Nîmes » (quarante personnes à peine) sur la vaccination anti-covid appliquée aux enfants, et en passe de devenir obligatoire, sous l’impulsion des politiques (responsables nationaux et européens). Appels à la liberté, appels à se lever. Voix masculine puissante, tonnante.
Les arguments avancés dernièrement par le Prof Montagnier (voir cette vidéo
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devraient pourtant peser lourdement dans ce dossier : « les vaccinés souffriront de ce vaccin », selon le prix Nobel, qui fait état de constituants de prions dans les formules à ARNm injectées dans les corps. Mais les Patriotes, qui mettent en garde contre l’hybris vaccinatoire des politiques, ne rencontrent aucun écho (au bout d’une demi-heure, nous ne sommes plus qu’une quinzaine autour d’eux sur l’Esplanade). Les arguments scientifiques de Montagnier, les harangues viriles des Patriotes contre l’irrationnalité des campagnes de vaccination actuelles et de la « dictature sanitaire » roulent dans la poussière de l’Esplanade comme des gouttes de pluies sur les ailes des pigeons de la même Esplanade par temps orageux.
L’homme est un animal doué de raison mais dont le comportement est irrationnel. En Occident, le rapport est linéaire : plus l’esprit raisonne, fait démonstration de sa raison, plus les comportements politiques (au plan collectif comme au plan individuel – la politique de soi, la gestion de son corps dans le corps social et auprès d’autrui) sont déraisonnables.
Rentrant chez moi, j’assiste à un micro-accident de la route : deux conductrices froissent des tôles à un rond-point. Elles se précipitent hors de leurs véhicules respectifs, et aussitôt ce sont des bras qui s’agitent comme des pales d’éolienne, des yeux exorbités, des bouches écumantes (elles sont toutes deux blanches, la plus jeune est accompagnée d’un enfant).
Le code de la route français est un chef-d’œuvre de rationalité, cela dit sans la moindre ironie. Comme l’est le Code civil. Mais plus ces codes sont efficaces et raisonnés, plus les comportements des individus qui consentent à s’y plier (ou qui au moins n’en contestent pas la valeur de rationalité) sont sauvages.
C’est cette équation qui fait la damnation de l’espèce homo sapiens en Occident: ses codes, ses lois ne lui ont pourtant été dictés par l’Etre suprême – ce sont bien des hommes et des femmes, pas des surhommes ou des demi-dieux, ni, comme pour le Coran, Dieu lui-même qui les ont élaborés, alors comment cette espèce admirable tolère-t-elle si communément la prise en main de ses comportements par le cerveau reptilien ?
Dans le cas des Mahométans, cette contradiction semble s’exacerber (on pourrait dire qu’elle s'exhalte, devient pure comme le diamant) car c’est, pour le coup, le Tout-Puissant soi-même qui leur a dicté la Loi, cependant que les abîmes d’irrationnalité dans lesquels plonge un si grand nombre d’entre eux sont sans commune mesure avec les nôtres (ceux d’aujourd’hui).
On pourrait vouloir simplifier la question en décrétant que, après tout, les lois, les codes, les normes, la pensée rationnelle sont l’apanage d’une caste supérieure d’humains, la fameuse « élite » et que tous les autres citoyens doivent être considérés comme du bétail dont il convient de canaliser les comportements, tâche qui incombe à l’élite éditrice des lois et codes. Mais c’est une option non viable au regard de plusieurs considérations : la séduction qu’exerce l’irrationnel est irrésistible sur les hommes et les femmes doués de raison. Lisant ces jours-ci le premier volume de l’Histoire de la Seconde guerre mondiale par Winston Churchill, je note que, en 1936, les généraux d’Hitler freinaient le Führer des quatre fers (allitération non comprise dans l’original) au moment où ce dernier tenait à provoquer les démocraties honnies (réarmement forcené, réoccupation de la rive gauche du Rhin, etc.). Ces généraux allemands étaient des êtres de raison qui ont fini par se laisser séduire par la folie du patron de l’Etat allemand. Mais ce n’est qu’un exemple parmi des millions d’autres.
L’autre considération est que le bétail humain est fortement majoritaire par rapport à l’élite, et, ce qui est plus préoccupant encore, il n’est pas composé d’animaux, mais d’animaux irrationnels, mus par des forces d’auto-destruction et de volatils désirs aux prolongements apocalyptiques. Il n’est pas manoeuvrable par la raison, mais il l’est par les chefs démagogues dont il se dote à l’occasion. L’élite éditrice de codes frigides, à supposer qu’elle puisse se constituer et se poser comme telle face à lui, ne possède pas le magnétisme bouillonnant du démagogue (Macron est une sorte de magnétiseur politique, d'où, du reste sa précieuse utilité au service de l'élite davocratique).
L’élite qui aime à se poser telle (Jacques Attali, François Hollande et les clubs de pensée qu’ils représentent) est faible parce qu’elle est incapable d’
irrationalité positive (ou, si l'on préfère, d'anti-irrationnalité, comme il y a, en mathématique, l'anti-symétrie).
Elle concocte des « solutions rationnelles » à ce qu’elle se figure être des problématiques nouvelles nées de l’évolution du corps social et appuie les tendances de cette évolution qui creuseront l’écart entre elle et le bétail humain dont il faut contenir les embardées. C’est ainsi qu’elle promeut « le revenu universel » (justifié selon elle par la digitisation et la robotisation des tâches industrielles qui priveront d’emploi des pans entiers du corps social).
Ce « revenu universel » (qui ne va pas sans son grand frère « économie circulaire ») comporte des implications pour la dignité humaine du civilisé que, semble-t-il, peu de monde perçoivent : d’abord, si chacun, dès l’enfance, se sait assuré d’une rente qui le dispensera de se forcer à quelque apprentissage que ce soit (« apprendre un métier » comme on disait au siècle dernier), à quelle fin, somme toute, apprendre à lire et à écrire puisque le vivre est garanti (avec le toit grâce aux diverses lois en ce sens). Pourquoi se fatiguer à se civiliser ? Autant s’assumer légume, s’en contenter, et accompagner ce contentement d’un doigt d’honneur à la société, vivre en Zadiste toute sa vie et basta !
Mais hélas, cette issue, lamentable quoique de formule pacifique, se complique et se gonfle de conséquences retorses car, ayant délaissé l’éducation, le citoyen moyen n’en délaisse pas pour autant ses désirs et ses envies, lesquelles il satisfera comment si sa carence éducative fondamentale, son défaut d’instruction et de formation, nourris par le dit « revenu universel », ne lui permettent pas d’œuvrer économiquement à les satisfaire ? Il y a là un nœud coulant, un étranglement entre ses faibles capacités, son inculture foncière, la négligence de tout effort et l’inappétence générale pour la discipline d’un apprentissage ou la contrainte d’une occupation rémunérée, et le brûlant désir d’en être, de briller, de posséder des biens, de se faire valoir auprès du sexe convoité et d'en être désiré. Cette contradiction admet un dénouement, pour ainsi dire, naturel : la délinquance et le crime, seules voies qui s'ouvrent à l’heureux bénéficiaire du revenu universel s'il veut « flamber » en s’élevant au-dessus du statut de légume subventionné.
Cela, l’élite qui « pense le futur » ne le peut penser parce qu’elle n’intègre pas l’irrationnalité du désir d’être, que n’habite pas le chou-fleur au revenu universel. Le bétail humain est infernal, précisément parce qu’il n’est pas un pur et simple bétail.
Allez donc expliquer cela à Jacques Attali. Il ne comprendra pas. Clignera des yeux, et marmottera quelques « éléments de langage », toujours les mêmes, qu’il marmotte depuis 1981, qui diront toute la rationalité négative des visions du futur qu’il se fait fort d’échafauder.
L’irrationalité positive reste à inventer.