L'hitlérisme, en diplomatie, dans les années 1934-1939 était une doctrine géopolitique qui nous intéresse ici, qui intéressait Churchill: l'hitlérisme géopolitique, on le découvre en lisant ces matériaux (récits, discours à la Chambre britannique, comptes rendus et notes diplomatiques, etc.) doit être distingué du nazisme pour en composer l'interface internationale, le visage géostratégique. La mise en drame et en scène hitlérienne, on vient de le voir, était largement aussi personnelle, voire intime que politique dans ces années-là: Hitler, qui décidait seul du sort de l'Allemagne, puis, par extension, de l'Europe, réglait des comptes avec tous : les pères, les traitres à l'Allemagne, son propre père, largement autant qu'avec l'Angleterre et la France.
Curieusement, et ceci est rarement relevé : Hitler
méprisait copieusement l'Angleterre, pays sans armée continentale, habitué des dérouillées militaires sur le Continent (bataille de la Somme, etc.), dont l'armée, à la puissance de feu inférieure à celle de la Belgique dans ces années-là, n'était guère plus qu'une "police coloniale", commandée par des généraux qui en été restés, grosso modo,
à la guerre en dentelles et qui, dans les rares velléités de dépasser ce mode d'action sur les théâtres des opérations, s'étaient couverts de ridicules. Seule la flotte britannique pouvait mériter d'être un peu respectée, mais plus l'Air Force, avec laquelle, dès 1934, l'Allemagne jouait à parité de puissance (ce que Churchill ne cesse de déplorer dans son ouvrage).
Mais Hitler avant une dent personnelle contre les Anglais qui l'avait gazé trois semaines avant l'armistice de 1918. Il fallait, coûte que coûte, humilier cette nation, honnie et méprisée. L'hitlérisme c'etait, dans ces années-là, 50 pour cent au moins de dent personnelle contre l'ennemi. Contrairement à la mafia, Hitler vous visait
parce qu'il y avait quelque chose de personnel en lui contre vous. D'où la pertinence de
l'hitlérisme, de préférence au nazisme quand on se penche sur ces développements.
Rien de cela vis-à-vis de la France. Pourquoi ? parce que A.H avait un faible pour le petit vin blanc, le saucisson à l'aïl, le camembert coulant, le berret basque, l'opéra Garnier et la Tour Eiffel ? Non.
Parce que la France, en 1936, était la seule puissance qui possédait les moyens militaires de couper court à ses aventures, ses calculs, ses coups de bluff, ce qui commandait chez lui un certain respect. Seule puissance en Europe ? Même pas: dans le monde ! car ni les Etats-Unis d'Amérique, très occupés par eux-mêmes à ce moment (isolationnisme, reconstruction économique, etc.), ni l'Union soviétique (parallèlement elle aussi trop occupée par elle-même et ses efforts d'industrialisation et ses luttes intestines accompagnées de purges, le communisme n'étant rien d'autre qu'une purge, un médicament, appliqué au monde agraire par et pour l'industrie et l'industrialisation des espaces ancestraux) ne se trouvaient en mesure, non plus que désireux, de mobiliser des forces contre les coups de poker de Hitler en Europe occidentale à ce moment
La remilitarisation de la Rhénanie par Hitler eut lieu en 1936. La pensée stratégique d'Hitler était la suivante: si je remilitarise la Rhénanie sans que les Français ni la Ligue des Nations ne bronche, il me devient possible d'ériger une ligne de défense sur le flanc ouest de l'Allemagne qui donnera à celle-ci les coudées franches pour abattre les frontières à l'Est et ouvrir son lebensraum dans ces espaces (Europe du Sud-est) sans que les couilles molles de l'Ouest ne bronchent davantage qu'elles n'ont broché quand j'ai occupé la Rhénanie. C'était audacieux, risqué, ça a été risqué et ça a marché.
Tout se joua donc, stratégiquement, en Europe, en 1936.
Or en 1936, dans le seul pays, la France, qui eût pu faire fermer sa gueule à Hitler et anéantir ses plans, c'était le Front populaire, son pacifisme, sa confiance en la bonté foncière de l'Homme et des institutions internationales (Ligue des nations, multilatéralisme dialoguiste, etc.), son goût pour la négociation civilisée avec "monsieur Hitler", qui régnait.
Une certaine bourgeoisie française, enfin, la plus bête, c'est à dire, la dominante, se plaisait à penser :
plutôt Hitler que le Front populaire. Pour faire court, ces crétins ne virent pas une seconde,
que c'était le Front populaire qui leur amenait Hitler, que sans lui, le Front populaire, un Clémenceau, un Poincaré, eussent réglé "la question hitlérienne" en Rhénanie en envoyant les gros bataillons dont disposait la France à ce moment, au lieu de "sissies" du type Daladier ou Neuville Chamberlain, lequel était la couille molle en chef à ce moment outre-manche; que le Front populaire, par conséquent (et le caractère "prolétarien" d'Adolf Hitler, n'en doutons pas, ne manquait pas d'avoir ses effets sur les socialos au pouvoir à Paris) fut bel et bien l'accoucheuse, la sage-femme du désastre de mai 1940 et tout ce qui s'ensuivit.