Le terme "diction française" est probablement impropre. Il faudrait véritablement parler de
prosodie. En 1972, il existait encore une chanson populaire de langue française, dont les mélodies s'harmonisaient avec l'intonation du parler français commun. Michel Sardou chantait une chanson intitulée
Dans les bals populaires (quand ceux-ci commençaient à mourir, comme toujours, en vertu de cette loi accablante qui veut que l'humain ne se puisse nommer et discourir que de ce qui se meurt -- voir le fil voisin sur la mort). Or la mélodie de cette chanson n'avait rien d'original : elle se calquait sur la diction ordinaire du français. Essayez de prononcer ces quatre mots en enfilade
dans-les-bals-populaires et vous constaterez que, sans l'avoir voulu le moins du monde, vous chantez déjà le refrain de Sardou. Le squelette de la mélodie est donné par l'intonation "naturelle" des syllabes du français.
Voilà qui n'est nullement particulier au français mais que l'on retrouve en italien, en espagnol, en allemand et en anglais. Voici le texte d'une chanson de Bob Dylan,
Heart of Mine,
Heart of mine be still,
You can play with fire but you'll get the bill.
Don't let her know
Don't let her know that you love her.
Don't be a fool, don't be blind
Heart of mine.
Heart of mine go back home,
You got no reason to wander, no reason to roam.
Don't let her see
Don't let her see that you need her.
Don't put yourself over the line
Heart of mine.
Heart of mine go back where you been,
It'll only be trouble for you if you let her in.
Don't let her hear
Don't let her know where your'e going.
Don't untie the ties…
Il est impossible de lire à haute voix, en ignorant tout de la mélodie, ce texte sans esquisser la mélodie de la chanson.
Dylan n'a créé aucune musique : les mélodies de ses chansons lui étaient fournies par la musique et la rythmique de l'anglo-américain (ce que confirme au passage la tradition du "blues parlé" dont Dylan fut un adepte à ses débuts).
Plaquée sur le français, cette rythmique a donné Johnny Halliday et l'affreux Francis Cabrel qui place les accents toniques de l'anglais sur ses textes français.
Charles Trenet dans ses dernières années regrettait que "les jeunes"
chantassent hâché. C'est la prosodie anglo-américaine, assise de force sur une langue étrangère, qui activait le hachoir. Ca n'a jamais cessé depuis, et cela n'a fait que s'aggraver avec les intonations de l'arabe montées à cheval sur le hachis, avec la prédominance du "parler banlieue" sur les beaux quartiers.
Bref, vous m'avez compris.
Heart of Mine par B. Dylan sur YouTube:
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www.youtube.com]