»
La "shoah par balles" a été nommée telle à postériori parce qu'une shoah eut lieu postérieurement à son événement
La "Shoah", c'est l'extermination des juifs (qu'elle ait été partielle ou totale importe peu en l'occurrence) découlant d'une volonté et d'un projet politique spécifique, celui du régime nazi : aussi ce premier volet de l'extermination, les assassinats (qu'on peut d'ailleurs aussi déjà qualifier "de masse") à la bonne franquette dénommé "Shoah par balles" est partie intégrante de la Shoah et procède d'une même volonté politique et d'un même projet que l’aboutissement proprement industriel de la production de mort mise en œuvre dans les camps ; donc l'extermination des juifs conséquente à un projet et une volonté tout à fait singuliers et identifiables (celui du régime nazi) ne découle pas, dans sa
réalité très concrète et historique, d'une quelconque
Weltanschauung essentiellement techniciste qui eût pu être tout aussi bien celle d'un agronome très high-tech, laquelle technicisation n'en aura été que la méthode d'exécution optimale, mais de ce projet et de cette volonté bien particuliers.
Je ne vois pas tellement comment on pourrait tourner autour de ce pot-là, ni à quoi cela servirait en fin de compte...
Quant à ce qu'on a appelé "l'antisémitisme historial" d'Heidegger et le rôle néfaste-providentiel y dévolu aux Juifs, cela n'est pas une construction apposée a posteriori, mais le reflet des propres pensées de l’auteur telles qu'elles se font jour dans les
Cahiers noirs, semble-t-il...
Ce
texte n'est pas très bien écrit et souffre de nombreuses fautes, mais n'en est pas moins assez clair et instructif :
« Pareille réserve amène J.‑L. Nancy à reconnaître qu’à travers ces pages dans lesquelles Heidegger introduit l’antisémitisme comme moment historial, c’est‑à‑dire comme moment de l’histoire de l’être, ses propos sont tout aussi virulents à l’égard du peuple juif qu’à l’égard de la doctrine du nazisme, qu’il condamne comme suit : « Savoir racial, savoir pré‑historique, savoir du peuple constituent le fondement scientifique de la vision‑du‑monde populo‑politique » (p.25). De fait, il s’agit pour J.‑L. Nancy de refuser, comme le propose Emmanuel Faye, de faire de Heidegger le penseur qui a introduit le nazisme dans la philosophie. Tout en reconnaissant qu’il y a chez lui une sorte d’ « archi‑fascisme » pour reprendre le terme de Lacoue‑Labarthe, il convient de reconnaître que le nazisme pose un problème philosophique, et ensuite, J.‑L. Nancy maintient que le geste de Heidegger est philosophique car il met en question la vérité destinale de l’être et qu’il mérite d’être étudié comme tel afin de comprendre toute les implications. Ainsi, J.‑L. Nancy nous invite à comprendre cet « antisémitisme historial » en nous dressant la manière dont le peuple juif vient prendre part dans cette histoire de l’être. De fait, pour Heidegger, il y a histoire lorsque la vérité de l’être est en jeu. L’antisémitisme appartient de droit à cette histoire de l’être, car cette histoire appelle des peuples comme acteurs ou entités qui mettent une disposition de cette histoire destin. Ainsi, cette histoire prend naissance dans l’ouverture du Dasein comme historialité, comme venue ou comme déploiement de l’être. Cette histoire a connu un premier commencement qui est celui du dévoilement de la pensée de l’être dans la pensée grecque. Ce moment coïncide avec le dévoilement de l’άληθεσία, l’éclaircie qui ouvre la pensée à la vérité de l’être. Ensuite, le mouvement de cette histoire aura été celui d’un retrait progressif de l’être sous la forme de son oubli, de son occultation. Cet oubli de l’être implique donc un voilement de plus en pus épais, qui commence avec Platon et se cristallise dans la définition aristotélicienne de la vérité. C’est ainsi que naît la métaphysique, tandis que l’oubli de l’être ne cesse de s’accomplir jusque dans l’achèvement de la métaphysique. Cette histoire appelle ainsi un autre commencement, un second commencement qui par‑dessus la métaphysique viendrait prendre sa source à l’origine de la pensée, mais l’Occident, cette contrée du soir ou du déclin, dans son état actuel de déracinement, est impropre au déploiement de ce nouveau commencement car il est perdu dans le « calcul » avec lequel on ne peut rien faire. Ainsi, les conditions de ce nouveau commencement sont la disparition de ce qui caractérise l’Occident dans son stade ultime, à savoir la technique, la domination des masses, le calcul et la machination. Le peuple que Heidegger identifie pour porter le fardeau de la destruction de ce premier commencement est le peuple juif. Cet antisémitisme historial atteste que le peuple juif joue un rôle dans le déracinement de l’être. Il devient l’acteur privilégié du déclin de l’Occident, cet Occident qui pour Heidegger comporte une fatalité et doit donc s’achever en vouant la pensée de l’être à son oubli. En d’autres mots, le peuple juif pour Heidegger joue un rôle dans le processus de dévastation du monde voué à la domination de la vie par machination. La figure qui identifie le peuple juif comme force ou acteur de ce naufrage est le nomadisme, le fait qu’ils sont sans sol. En n’étant pas attaché au sol, le peuple juif est attaché à rien et il peut dès lors tout mettre à son service et cette absence de sol devient une absence d’histoire et une absence‑de‑monde. C’est ainsi que J.‑L. Nancy résume pour nous la thèse antisémite que Heidegger articule dans ses Cahiers noirs. »