Le site du parti de l'In-nocence

Au bon vieux temps

Envoyé par Roland Destuves 
29 août 2021, 11:03   Au bon vieux temps
"Je me demande dit monsieur Songe à son ami Mortin pourquoi nous avons tant de difficulté à être nous-mêmes c’est-à-dire authentiques donc différents.
L’autre répond je me demande moi si être soi-même n’est pas, à force d’approfondissement, ressembler en tout point à quiconque. Cultiver sa différence me paraît s’obstiner à rester superficiel donc inauthentique."

Robert Pinget – Le Harnais (1984)
29 août 2021, 17:13   La belle affaire
C'est que tout le monde pense qu'il n'est pas tout le monde.
30 août 2021, 20:48   Re : Au bon vieux temps
De toute façon, je n'ai jamais rien compris à cette histoire "d'être soi-même" ou ne l'être pas. Typiquement XXe siècle.
30 août 2021, 21:33   Re : Au bon vieux temps
Pourtant toute la théorie du genre (théorie ? non, bien sûr, paradigme nouveau, théologie nouvelle) repose sur cette injonction à "être soi-même", ce que l'on fut hypothétiquement, théoriquement, avant même et par-delà son primo-développement, celui de la différenciation sexuelle du foetus. J'étais femme/homme, antérieurement à ma genèse corporelle. J'ai transité vers l'autre sexe pour "me rejoindre", coïncider avec mon genre, quitter mon exil corporel, etc.

Je ne sais si, dans l'histoire de l'humanité, il y eut idéalisme platonicien plus radical, plus fracassant.

En ce sens, le 21e siècle est un bâtard monstrueux du 20e marqué de tares antiques.
30 août 2021, 21:40   Re : Au bon vieux temps
(alors que le coït offre justement cela et peut-être même rien que cela : transiter dans l'autre sexe, l'habiter pleinement, devenir lui, l'espace d'un moment, et en revenir enchanté).
31 août 2021, 18:40   Un homme sans qualités ?
Citation
Roland Destuves
De toute façon, je n'ai jamais rien compris à cette histoire "d'être soi-même" ou ne l'être pas. Typiquement XXe siècle.

Voyons, si vous n'êtes pas vous-même, vous pourriez tout aussi bien être n'importe qui d'autre, vraiment n'importe qui ?
Ça alors...
En fait, dans le bon vieux temps, j'aimais bien cette idée selon laquelle "moi" ne soit jamais que la pure entité réflexive, la surface réfléchissante qui unifiait ses représentations sous l’appellation d'un "je" par le seul fait de sa fonction spéculaire, sans autre contenu que cette faculté de réflexion.
Mais avec le temps, il apparaît que cela devient de plus en plus faux : malgré la séduisante perspective de pouvoir tous les jours se réveiller vierge, neuf et débarrassé des pesanteurs d'une personnalité, d'un sale caractère et des travers fâcheux d'une identité lourdement psychologisée, il faut se rendre à l'évidence : le miroir si idéalement vide et pur des débuts n'était de toute façon jamais si immaculé, souffrait d'emblée de distorsions particulières et, pire que tout, s'entachait de plus en plus des éclaboussures oxydantes de ce qu'il ne voulait que réfléchir : c'est terrible à dire, mais je n'est pas un autre, et il faut se supporter...


« À l'intuition intellectuelle correspond le moi, car ce n'est que par la connaissance du moi par lui-même que le moi lui-même comme objet est posé. »

Friedrich Wilhelm Joseph von Schelling - Système de l'Idéalisme transcendantal
31 août 2021, 20:28   Re : Au bon vieux temps
"c'est terrible à dire, mais je n'est pas un autre, et il faut se supporter..."

C'est un peu ce que je voulais dire en écrivant que je n'avais jamais compris cette affaire de "n'être pas soi-même" qui a tant démangé et démange encore. A propos de Rimbaud, par exemple, la question de décider s'il était plus "lui-même" comme poète ou comme aventurier me paraît incompréhensible. Il était sempiternellement "lui-même" dans les deux cas.

Sur ce thème, j'aime assez l'incipit des textes autobiographiques de Marguerite Yourcenar (c'est moi (eh oui) qui souligne) : "L’être que j’appelle moi vint au monde un certain lundi 8 juin 1903, vers 8 heures du matin, à Bruxelles, etc" Très élégante façon de ne pas trancher (sans parler de la structure grammaticale de tout le paragraphe, qui, si on l'isole en ne sachant rien de l'auteur, empêche de savoir si c'est un homme ou une femme qui s'exprime.)
Personne n'est une personne, et ce n'est pas parce que cette réalité individuante n'est presque jamais éprouvée consciemment qu'il faut se rabattre sur le seul moi. En faisant le tour de ce dernier on ne se retrouve jamais soi-même complètement. Deleuze s'amusait de l'obsession française pour le moi. Même la psychanalyse freudienne, psycho-dynamique, propose à l'analysant de retrouver son moi... À toutes les formes de personnalisme, on peut préférer la pensée de ceux qui découvrent les incessants processus multiples qui nous traversent et nous constituent (Leibniz en tire même une logique, ai-je cru comprendre). Ce savoir ne retiendra pas les inévitables névroses et prises de tête qui scandent de façon exorbitante les âges de la vie et décident de bien des choses qui nous arrivent, mais au moins aura-t-on aperçu avec les Leibniz, Biran, Whitehead, Bergson et autre Deleuze, pour ne parler que des philosophes, ce chaos (qui a ses lois) d'où nous procédons.
31 août 2021, 22:46   Re : Au bon vieux temps
Déjà que si le moi est une personne, il doit avancer masqué, en costume de théâtre : un faux-semblant !

Et s'agissant de Rimbaud, oh, c'était le même : je crois qu'Alain Borer avait qualifié de "travaux pratiques" la période aventureuse et marchande, sa plus concrète et pétrée saison en enfer, sous un soleil de plomb...


« Ma journée est faite ; je quitte l'Europe. L'air marin brûlera mes poumons ; les climats perdus me tanneront. Nager, broyer l'herbe, chasser, fumer surtout ; boire des liqueurs fortes comme du métal bouillant, — comme faisaient ces chers ancêtres autour des feux.
Je reviendrai, avec des membres de fer, la peau sombre, l'œil furieux : sur mon masque, on me jugera d'une race forte. J'aurai de l'or : je serai oisif et brutal. Les femmes soignent ces féroces infirmes retour des pays chauds. »

Arthur Rimbaud - Une Saison en enfer
01 septembre 2021, 13:25   Re : Au bon vieux temps
Il était lui-même comme un autre, vous voulez dire (calembour rimbaldo-ricoeurien inside). Était-il bien celui qu'il s'imaginait devenir quand il est venu mourir à Marseille ? Son état était piteux, je crois.
Le grand critique Jean-Jacques Mayoux dit quelque part que les morts héroïques et romanesques sont rares dans les rangs des littérateurs. Le plus souvent, ils crèvent comme le commun des mortels, de maladie, dans un lit souillé. Les Américains, toutefois, assurent le spectacle : Faulkner, cuit dans le whisky, fait une ultime chute de cheval et Thomas Wolfe s'épuise à mort en enchaînant des randonnées exaltées dans les plus grands parcs naturels !
01 septembre 2021, 16:05   Re : Au bon vieux temps
et Thomas Wolfe s'épuise à mort en enchaînant des randonnées exaltées dans les plus grands parcs naturels !

Et que croyez-vous que fit Rimbaud ?
01 septembre 2021, 16:08   Re : Au bon vieux temps
(où l'on découvre un trait commun entre Thomas Wolfe et Theodor W. Adorno).
01 septembre 2021, 16:16   Re : Au bon vieux temps
A propos de spectacle: Albert Camus me fournit, à l'âge de quatre ans et huit mois, devant un écran de télévision noir et blanc, ma première image de la finitude humaine en l'espèce d'une carcasse d'auto encastrée dans un arbre. Je découvris ce jour de février 1960 que l'on pouvait mourir brutalement, violemment. Avant cela, personne ne s'était avisé de me le faire savoir.

Quelqu'un invite les internautes sur Twitter à dire leur premier souvenir d'une "news story". Pour certains, c'est la bombe d'Hiroshima, l'évacuation de Saïgon ou le massacre des J.O. de Munich. Pour moi, c'est celle-là. Je crois même pouvoir dire qu'il y eut, en ce qui me concerne, un avant et un après Camus dans ce sens que l'on ne soupçonne pas. Si je déclare: "la nouvelle de la mort d'Albert Camus m'affecta tout particulièrement", je passerai aussitôt pour un pédant mythomane, c'est pourtant la stricte vérité.
01 septembre 2021, 19:36   Re : Au bon vieux temps
Pour vous, Francis. Dans le genre, c'est intéressant. (Dans les films de JLG, la fréquence des accidents de voitures et des scènes qui se passent dans des voitures ou qui en montrent, cassées ou qui renversent, est frappante.)

[www.cairn.info]

Curieusement, la mort de F. Dorleac n'est pas mentionnée.
01 septembre 2021, 22:19   Re : Au bon vieux temps
Je ne sais pas Pierre Jean. Dans les années 60, bien inaugurées sur ce plan par A. Camus, les accidents de la route, à cause de l'absence de ceinture de sécurité dans les autos, entre autres, ont dû tuer autant que le Covid à ce jour, en France, ou peu s'en faut.

Disons qu'assurément les accidents de la route et le tabac ont supprimé largement autant de Français entre la mort d'A. Camus et le premier choc pétrolier (1974) que le Covid de son apparition à aujourd'hui. Cela est sûr.

Or, les phases de déni face à ces mortalités, et à la finitude en général, furent, dans ce pays tout au moins, d'une expression immuable (aujourd'hui, on dirait "un narratif invariable"): le covid a tué, et voici que le vaccin anti-covid, prenant la relève de la maladie, tue tout autant ou presque, et toujours comme pour le tabac (ou l'amiante dans les immeubles), le corps médical nous explique doctement que notre erreur est de confonde "corrélation et causalité" : aucun élément ne vient étayer de lien causatif entre la vaccination et les troubles, parfois mortels, qui lui succèdent, comme pour le tabac qui, pendant 30 ans, ne fut cause d'aucune mort de par le défaut de preuve causale patente qui eût permis de l'incriminer. Les Diafoirus d'alors mettaient en avant "un terrain favorable" qui, chez les sujets atteints, noie toute cause directe. Ce n'est que vers la fin des années 80 (me semble-t-il) que les pouvoirs publics imprimèrent "fumer tue" sur les paquets de cigarettes, les "données observationnelles" étant trop accablantes pour qu'on puisse les nier plus longtemps.

Les vaccins anti-covid tuent, comme la cigarette, de manière non démontrée, "variable en fonction des sujets", mais ils tuent néanmoins.

Ce qui est remarquable: la constance des modalités du déni, la pauvreté du stratagème pseudo-scientifique qui énonce "corrélation mais pas causalité", misère de la raison qui n'empêche en rien, ne freine en rien les mêmes bougres institutionnels d'enfourcher la bête dénigrante et méprisante avec l'aplomb requis.
03 septembre 2021, 15:39   Re : Au bon vieux temps
transiter dans l'autre sexe, l'habiter pleinement, devenir lui, l'espace d'un moment, et en revenir enchanté

Video:
[twitter.com]
10 septembre 2021, 03:06   Re : Au bon vieux temps
L'obsédante thématique du moi, qui se joue de nous, d'un âge à l'autre (le moi est une instance variable, qui évolue chronologiquement avec le soi, à telle enseigne que "le moi" est une hérésie ontologique dès lors qu'il est tenu pour vrai que l'être tient de la durée, et ce fut là, me semble-t-il, l'essence de la critique deleuzienne/bergsonienne du moi).

Ici, cette phrase magnifique, stupéfiante, de l'écrivain anglais radicalement dissident (dissident social, l'auteur s'occupant, sur des centaines de pages, comme Giono, à faire parler des ploucs du Wessex, dissidence littéraire et politique jusqu'à l'arraisonnement par les tribunaux), Thomas Hardy, dans son premier roman, Desperate Remedies, dont il dut financer l'édition:

"There is in us an unquenchable expectation, which at the gloomiest of time persists in inferring that, because we are ourselves, there must be a special future in store for us, though our nature and antecedents to the remotest particular have been common to thousands"

(Il est une attente insatiable qui, dans les heures les plus sombres persiste à nous suggérer que, parce que nous sommes nous-mêmes, il est un avenir qui nous est réservé, alors même que notre nature et notre passé, jusque dans leurs moindres détails, ont été communs à la multitude).

Le "moi", c'est ça: un effet de notre perception (sensorielle et mentale), qui nous trompe sur l'extraordinaire commonalité de nos attentes et de tout ce qui, au jour de cette perception, nous a constitué.
10 septembre 2021, 03:14   Re : Au bon vieux temps
Le "moi" est une illusion (une hallucination) jeuniste. Le moi est l'obsession du jeune. Le moins jeune entre dans la dissolution du moi par le faire; l'encore moins jeune dissout le faire pour produire un retour à l'être débarrassé du moi et du faire.

L'être quiescent (ni faisant ni n'étant soi) est l'affaire du très vieux, qui voit enfin le monde extérieur strictement tel qu'il sera le jour même de son trépas, ce qui n'est pas donné aux autres, qui trépasseront dans un monde autre que celui qui s'offre à leur regard et à leur obsessionnelle activité d'affranchissement du moi et d'élargissement de sa prison.
"Double bind – De cette figure déjà rencontrée, et mieux désignée en français par « injonction contradictoire, l’exemple le plus simple (après « Ne suivez pas mes conseils ») est sans doute « Soyez naturel », ou « Soyez vous-même ». C’est sans doute le renversement de ce conseil autodestructeur (self-defeating, comme on dit en anglais de certaines prévisions) qui me fait apprécier un cartoon publié dans le New Yorker : on y voit un couple, manifestement d’invités, devant une porte d’appartement. Lui tient la bouteille de vin de rigueur. Elle s’apprête à sonner, mais, apparemment un peu nerveuse, se tourne vers son mari et lui recommande : « Just dont’t be yourself. » Une traduction serait elle-même à la fois inutile et maladroite. Mais j’ai tort de parler de « renversement » ; il s’agit plutôt d’une aggravation : s’il est difficile d’« être soi-même » sur commande, il est peut-être encore plus difficile, double bind au carré (Quadruple bind ?) de se contraindre à ne pas l’être. Déjà faudrait-il savoir ce que l’on est. Je vois la soirée mal partie, mais cela ne nous regarde plus. Pour aller vite à l’essentiel, je tends à penser que la plus « contradictoire » des injonctions est celle, trop connue, de l’oracle socratique : « Connais-toi toi-même », si l’on songe à la façon dont toujours, le connaissant modifie le connu."

Gérard Genette – Codicille (2009)
15 septembre 2021, 17:30   En quête d'auteur
« J'ai toujours considéré les gens qui découvraient soudain un sens nouveau à leur existence avec suspicion et improbation. C'est tout de même manquer du plus élémentaire respect envers soi-même que de jeter ainsi au rebut la partie non éclairée de son histoire, surtout s'y révèle une labilité fâcheuse de ce qui constitue le soi et sa permanence à travers des circonstances tout extérieures.
Il serait au contraire plaisant de suggérer que ce sont justement ceux qui semblent convaincus de se posséder, de savoir qui ils sont, qui sont les plus susceptibles de changer d'identité à la faveur d'un éclairage inédit, disposant en quelque sorte d'un objet d'échange, alors que d'autres, moins disposés à s'identifier formellement et à se trouver restent plus fidèles à eux-mêmes, c'est-à-dire au rapport problématique et nourri d'incertitudes qu'ils entretiennent avec une supposée intériorité.
Cela pourrait s'énoncer en cette formule tautologique : les convertis sont toujours convertissables. »

(De quelques miens papiers oubliés et retrouvés des années 90)
15 septembre 2021, 18:53   Ça s'arrange au niveau ontologique
» à telle enseigne que "le moi" est une hérésie ontologique dès lors qu'il est tenu pour vrai que l'être tient de la durée

Mais le problème peut s'arranger au niveau ontologique dès lors qu'on considère que l'être ne se réduit en dernier ressort, comme expérience réellement vécue, qu'à la présence dans la représentation : Esse est percipi.
Il n'y a d'être que pour autant qu'il y a perception, et je perçois donc je suis.
Or qui dit perception et représentation implique nécessairement un sujet, et l'on se représente les choses : moyennant quoi l'on voit l'être formidable s'aboucher tout naturellement au tout petit moi, qui en suscite la teneur empirique, s'y acoquiner même, caquet un peu rabattu.
15 septembre 2021, 20:40   Re : Au bon vieux temps
"rabattu" ? Vous, c'est-à-dire vous, êtes sûr ?
15 septembre 2021, 20:52   Re : Au bon vieux temps
Moi, moi, moi, j'en suis sûr : l'être a le caquet un peu rabattu, dans cette histoire de perception qui ne peut être que personnelle...
15 septembre 2021, 20:59   Re : Au bon vieux temps
Merci de la précision, on ne sait jamais avec ce mot, il aurait pu s'agir d'une coquille et d'un "caquet rebattu".
16 septembre 2021, 06:07   Le correcteur corrigé
Soit dit en passant, si vous insistez sur la coquille et qu'il s'agit bien de cela, je vous assure qu'on "rabat le caquet", que ce soit aux gens, aux dieux ou à l'être en personne, à la différence de cartes ou de certaines oreilles, qu'on peut éventuellement rebattre : c'est comme ça, c'est la règle, on n'y peut rien...
16 septembre 2021, 12:31   Re : Au bon vieux temps
"Caquet rebattu" pourrait passer pour une licence poétique, pour désigner le "caquet de l'être" dont on nous rebat les oreilles.
16 septembre 2021, 12:36   Re : Au bon vieux temps
La question du genre, qui se présente comme celle du "moi profond", sorte de dark net de l'expérience commune, instance ontologique par excellence, impose partout son actualité depuis une dizaine d'années.

Chacun, désormais, a la possibilité de choisir son sexe/genre, y est invité par une propagande incessante, afin de le faire correspondre à ce moi profond. Et ce choix lui-même est admis comme flottant ! Ce qui suppose que le moi profond est si souverain et omnipotent qu'il jouit même de la franchise d'évoluer selon ses caprices.

Le "moi profond" en ressort comme une espèces de tyran capricieux qui ordonne au sujet des choix de comportement et d'identité au gré de ses oscillations.

Le "moi profond" n'a de comptes à rendre qu'à lui-même, et encore, s'il lui plaît !

Le sujet s'en retrouve assujetti à un mystère et à l'imprévisibilité des manifestations et penchants d'une entité intérieure qui le commande à son gré.

Pourtant, le tout nous est présenté comme "liberté du sujet" de se choisir.

On s'y perd.
16 septembre 2021, 12:40   Re : Au bon vieux temps
Terminologie adoptée:

caca de l'être;

terreur empirique.


Celui-là définissant le sujet; celle-ci, la relation qu'il entretient avec le réel.
16 septembre 2021, 17:46   Nous y voilà
Citation
Roland Destuves
"Caquet rebattu" pourrait passer pour une licence poétique, pour désigner le "caquet de l'être" dont on nous rebat les oreilles.

Mine de rien, vous y êtes : on a tellement glosé sur l'être et ses dépendances, l'un des motifs les plus rebattus de l'histoire de la pensée, que de ne l'envisager plus que par la lorgnette de la représentation subjective, seul moyen effectif d'actualiser le réel comme présence, aura de fait considérablement rabattu le caquet à ses prétendus exégètes.
16 septembre 2021, 18:24   Re : Nous y voilà
A propos du genre, Francis : si, comme vous l'avez écrit vous-même : « Le "moi" est une illusion », pourquoi, a fortiori, n'avoir le loisir de se choisir tel qu'on le ressent, pour le plaisir, au gré de l'inclination d'un désir aussi imprévisible et éphémère que l'humeur ?
Parce qu'à partir du moment où vous aurez évidé la coquille personnelle de toute substance pérenne, aucune identité revendiquée ne pourra être plus authentique qu'une autre et tous les oripeaux de circonstance se vaudront, non pas ?
18 septembre 2021, 22:42   Re : Au bon vieux temps
Je crois avoir dit que le « moi » est une illusion jeuniste, un déni de finitude : le « jeune » et son « moi » se posent intimement comme immortels. Ce qui est touchant et presque légitime (encore une fois, le jeune a raison, est sage, de s’appuyer sur la forte probabilité que le monde qui l’entoure N’EST PAS celui qui accueillera son trépas, en ce sens, le jeune « moi » s’illusionne en se fondant sur une forme de rationalité, d’objectivité forte qui lui masque la finitude).

Le luxe, le caprice, sont des apanages de la durée ; et le faire dont s’arme le « moi » jeune se love dans le don de durée (je « fais » le monde et ce faisant, je le rends tel qu’il sera plus tard – l’habit, l’écrin ultime de mon trépas, si bien que mon maintenant échappe à la finitude, mon maintenant est affranchi du monde sur lequel j’agis, vois agir mes contemporains, et il habite ce retrait et "je" loge dans ce retrait.)

Le « moi » existe comme lieu régi par une dissociation universelle: mon faire, mon devenir, le monde et son devenir, sont dissociés de mes profondeurs, de mon intime obscurité que le monde méconnaîtra jusqu’au bout, jusqu’à la fin où cet écrin et mon intime trésor seront à l’image l’un de l’autre, correspondront l'un à l'autre, seront finissant l’un et l’autre.

Dans cette dissociation, il y a latitude pour le caprice, la « liberté », en effet.

Mais, véritablement, toute cette liberté n’est qu’une vue de l’esprit jeune débordant d’énergie vitale libre et gaspillée, celle du « peu faisant », de la pré-entreprise, qui va commencer par se gaspiller dans le faire acharné avant de s’anéantir dans une contemplation finissante et toute unie au reste.

Façon nietzschéenne de poser le moi (le moi comme force, volonté de puissance, liberté de vouloir).

Le finissant n'a plus de moi: sa jeunesse perdue, l'espace du "moi" n'est plus; une coïncidence générale avec le monde s'impose, soudée dans la finitude et sa signature immanente par excellence: le trépas.
18 septembre 2021, 23:33   Re : Au bon vieux temps
Revenir à cette phrase de Thomas Hardy citée supra: cette illusion, bâtie sur des perceptions, que ce qui m'arrive, parce que cela touche mon "moi" (et nullement celui des autres ou jamais à un degré semblable) connaîtra une issue, la connaît déjà, cette illusion dis-je, se fonde sur la légitime certitude de durer.

Cette impasse, cette nasse où est prise ma vie, connaît une issue cachée par laquelle ma durée va se relancer, puisque c'est "moi" qu'elle concerne. Et il n'est point d'autre preuve certaine de cette issue que moi en conscience.

De cette illusion, je crois que personne ne peut se défaire -- elle s'articule sur le refus de la finitude qui persiste tant que le monde est à faire.

Il faut compter six décennies au moins pour que cet habit, cette seconde peau, tombe à nos pieds.
13 octobre 2021, 18:00   Retour aux fondamentaux
Retour sur soi : il est un angle de vue a partir duquel le "moi" (ou le "je") non seulement n'est pas une illusion, mais constitue en fait la seule réalité, à telle enseigne que cette unicité ne peut que s'éprouver, ou se manifester, mais pas "se dire" au sens où l'on pourrait en décrire les caractéristiques de l'extérieur : cet angle est explicitement formulé dans le Tractatus, curieusement, où la question du solipsisme semble bien être tranchée en l'adoptant sans restriction.
Le "je" est en l'occurrence quasiment présenté comme la condition de possibilité pour qu'il y ait un monde, ce qui fait de Wittgenstein, l'ingénieur-logicien apparemment aussi objectiviste que possible et grand dénégateur semblait-il de l'"intériorité" de la psychologie, un grand idéaliste...


« 5.62 Cette remarque fournit la clef pour décider de la réponse à la question : dans quelle mesure le solipsisme est-il une vérité ?
Car ce que le solipsisme veut signifier est tout à fait correct, seulement cela ne peut se dire, mais se montre.
Que le monde soit mon monde se montre en ceci que les fron­tières du langage (le seul langage que je comprenne) signifient les frontières de mon monde.

5.621 - Le monde et la vie ne font qu'un.

5.63 - Je suis mon monde. (Le microcosme.)

5.631 - Il n'y a pas de sujet de la pensée de la représentation. Si j'écrivais un livre intitulé "Le monde tel que je l'ai trouvé",
je devrais y faire aussi un rapport sur mon corps, et dire quels membres sont soumis à ma volonté, quels n'y sont pas soumis, etc. Ce qui est en effet une méthode pour isoler le sujet, ou plu­tôt pour montrer que, en un sens important, il n'y a pas de sujet : car c'est de lui seulement qu'il ne pourrait être question dans ce livre.

5.632 - Le sujet n'appartient pas au monde, mais il est une frontière du monde.

5.633 - Où, dans le monde, un sujet métaphysique peut-il être discerné?
Tu réponds qu'il en est ici tout à fait comme de l'œil et du champ visuel. Mais l'œil, en réalité, tu ne le vois pas.
Et rien dans le champ visuel ne permet de conclure qu'il est vu par un œil.

5.64 On voit ici que le solipsisme, développé en toute rigueur, coïncide avec le réalisme pur. Le je du solipsisme se
réduit à un point sans extension, et il reste la réalité qui lui est coordonnée.

5.641 - Il y a donc réellement un sens selon lequel il peut être question en philosophie d'un je, non psychologiquement.
Le je fait son entrée dans la philosophie grâce à ceci : que "le monde est mon monde".
Le je philosophique n'est ni l'être humain, ni le corps humain, ni l'âme humaine dont s'occupe la psychologie, mais
c'est le sujet métaphysique, qui est frontière, et non partie du monde.
»

Ludwig Wittgenstein - Tractatus logico-philosophicus (Traduction de Gilles-Gaston Granger)
14 octobre 2021, 14:37   Re : Au bon vieux temps
Tu réponds qu'il en est ici tout à fait comme de l'œil et du champ visuel. Mais l'œil, en réalité, tu ne le vois pas.
Et rien dans le champ visuel ne permet de conclure qu'il est vu par un œil


Toujours Thomas Hardy : certaines études sur ses textes narratifs (Hardy est aussi l'auteur de poésies et de pièces de théâtre) ont révélé ceci: les descriptions des paysages sont filtrées non seulement par la perception qu'en a le personnage qui évolue parmi ses éléments, mais aussi par son intérêt. Le paysage n'est livré, dans sa plastique, sa physionomie, ses éléments (le vent, la pluie, les éclairs de l'orage, la musique du vent dans les branches et les herbes, le crépuscule, l'éclatant soleil de dix heures du matin, les élévations de terrain, les ruisseaux et rivières etc.), au lecteur, que dans et par le prisme du "moi" du personnage qui perce, filtre, déchiquète tout ce qu'il voit et ressent au crible de sa volonté, de ses désirs et des calculs qu'ils engendrent. Le monde physique n'existe pas hors le filtre humain: le monde tel qu'il est, à supposer qu'il soit, n'est d'une existence à peine plus que supputable au travers de descriptions qui ne sont qu'émanations, fumées du feu humain intérieur, et l'on pourrait même avancer que l'application que met Hardy à donner pour théâtre à ses romans des lieux du paysage anglais réel (en se contentant d'en modifier les toponymes) est nécessaire pour compenser artificiellement cette perte totale de réalité dite objective.

Mais ces détours engendrent un réalisme supérieur: l'expérience du monde qui filtre ainsi dans ces romans est la nôtre. Nous "vivons" (comme disent les publicitaires qui utilisent le verbe vivre en régime transitif) le monde, c'est à dire fort incomplètement, à la façon sélective de ces personnages qui nous livrent ce qui se montre à leur vue et habite leur coeur tout en un.

Hardy fut grand admirateur des oeuvres des peintres impressionnistes, et un rapprochement s'impose entre son écriture et l'art impressionniste.

La question de la coïncidence des finitudes: la folie est une sorte de subjectivité absolue; quand l'humanité-sujet se croit finissante, elle veut voir la fin du monde coïncider avec la sienne. C'est ce qui m'a fait dire que l'humanité, la planète ont, dans la vision dominante (qui domine le monde), l'âge de Bill Gates: 66 ans environ.

Ces hommes, les grands décideurs de l'humanité (Gates, Fauci, Schwab ces jours-ci) veulent voir l'humanité, la planète et eux-mêmes finir ensemble, croient (folie) cela logique, conclusif, normal et harmonieux.

Curieusement, dans l'histoire, les hommes qui voulurent la fin du monde furent très différents de ceux-là, souvent des trentenaires ou des quadragénaires. Ceux-là veulent une mort de vieillesse générale, entropique (économie circulaire, dépopulation lente mais sûre, arrêt des activités, confinement, vie au tombeau, extinction des différences sexuelles, baisse des consommations d'énergie, etc.)
14 octobre 2021, 17:55   Re : Au bon vieux temps
Francis, vous connaissez peut-être cette belle étude : Thomas Hardy, peintre hollandais ?
14 octobre 2021, 21:19   Re : Au bon vieux temps
Gates, Fauci, Schwab: syndrome du pharaon -- ils ne consentiront à disparaître qu'avec l'ensemble de leur(s) sujet(s) (pari de l'immortalité par le transhumanisme), et la planète qui les porte. Désir d'immortalité (je ne mourrai que si l'univers se meurt et si l'univers est immortel, je le serai aussi) mais aussi, folle subjectivité du maître de secte qui, s'il s'éteint, exige l'extinction de tous ses adeptes-sujets. Planète, sujet et moi ne sont qu'un. Monisme du suicidaire et du suicide collectif des grands sectaires.

S'il n'est de monde que par moi, il est inconcevable que ma fin ne coïncide pas avec celle du monde qui m'est témoin.

Si le transhumanisme échoue, si mon accession à l'immortalité ne se fait point, l'humanité et la planète qui la porte doivent périr, s'engouffrer dans le néant, le jour et l'heure de ma mort. Aux funérailles du pharaon, ses sujets sont ensevelis avec lui, ce qui n'est que normal. Justice harmonieuse.
15 octobre 2021, 20:03   A la fin des temps
Il reste à savoir précisément, Francis, en quoi Gates et Fauci (le médecin américain, je suppose ?) œuvrent, dans les faits, à la destruction de l'humanité, dans la mesure où ils n'auraient pas reçu la garantie suffisante que la nature ferait une exception pour eux et qu'ils ne crèveront pas comme les autres.
Tout au plus, peut-être, pourrait-on arguer qu'un Gates voudrait bien, tout divinisé qu'il est par ses 124 milliards de dollars, que son passage sur terre contribuât à ce que la condition humaine change un peu (en bien, en mal, allez savoir), mais je ne suis toujours pas convaincu de l'évidence de la programmation volontaire d'un véritable suicide collectif du tout existant...
23 octobre 2021, 19:35   Re : A la fin des temps
» Désir d'immortalité (je ne mourrai que si l'univers se meurt et si l'univers est immortel, je le serai aussi) mais aussi, folle subjectivité du maître de secte qui, s'il s'éteint, exige l'extinction de tous ses adeptes-sujets. Planète, sujet et moi ne sont qu'un. Monisme du suicidaire et du suicide collectif des grands sectaires.

Lu cet après-midi quelques Stèles de Segalen dont je ne me souvenais quasiment pas, parmi celles du Milieu : Certaines, qui ne regardent ni le Sud ni le Nord, ni l’Est ni l’Occident, ni aucun des points interlopes, désignent le lieu par excellence, le milieu. Comme les dalles renversées ou les voûtes gravées dans la face invisible, elles proposent leurs signes à la terre qu’elles pressent d’un sceau. Ce sont les décrets d’un autre empire, et singulier. On les subit ou on les récuse, sans commentaires ni gloses inutiles, — d’ailleurs sans confronter jamais le texte véritable : seulement les empreintes qu’on lui dérobe.

Celle dédiée au Prince des joies défendues consacre déjà la toute-puissance irrésistible de l'Empire du Bien.



PRINCE DES JOIES
DÉFENDUES


Prince, ô Prince des joies défendues, entendez-
vous pas ce qu'on chante autour de vous ?
« Les quatre coursiers trottent, les rênes
flottent : quitter le mal pour le bien serait
un nouveau délice ! »

Prince, ô Prince, votre perte est dénoncée.
Songez à l'Empire ! Songez à vous !


Le Prince dit : Assez. Mauvais augures ! Je suis à
l'Empire ce que le Soleil est au Ciel. Et qui
donc s'en irait le dépendre ? Quand il
tombera, moi aussi.

Mon trône est plus lourd que les Cinq Monts
gardiens : il est couché sur les cinq plaisirs
et le sixième. Viennent les hordes : on les
réjouira.

L’Empire des joies défendues n'a pas de déclin.
25 octobre 2021, 15:29   Re : Au bon vieux temps
Dans la cosmogonie chinoise, le Milieu, c'est la Terre. La Chine fut une terre, bousculée par les eaux et les vents, mais terre quand même et longtemps, toute la Terre connue.

Le Nord, c'est l'Eau;

Le Sud, c'est le Feu;

L'Est, c'est le Vent (l'air);

L'Ouest, le Bois.

La Terre est le cinquième élément, l'intangible qui peine à exister en contrepoint des quatre autres pour l'expression, la fureur naturelle desquelles il n'est requis aucune force humaine consciente non plus qu'usagère ou propriétaire (l'Homme ne saurait posséder ni le vent, ni le feu ni l'eau courante, non plus que les bois qui s'échappent en fumée quand il leur plaît). La Terre qui peine à exister, à être cet autre élément incongru que seule la conscience humaine instaure dans ses droits, n'a de légitimité qu'institutionnelle, impériale, territoriale, pensée et dite telle, scripturaire et sacrée. C'est là sa faiblesse; sa position centrale est instable de ce fait: elle repose sur l'étai des hommes car laissée sans eux, elle est battue par les éléments et n'engendre aucune transformation élémentaire.

C'est peu dire que la terre est ingrate: son ingratitude est toute humaine. La seule stèle qui puisse pointer vers elle porte des inscriptions occultes, indéchiffrables, masquées par la terre elle même, où l'on pourrait peut-être, mais encore par un effort de lecture particulier trop humain et incertain, en déchiffrer les signes en ceux.

La terre, élément et continent de l'homme conscient, est toujours problématique: la nature ne lui suffit pas pour s'imposer sans les hommes: elle est le seul élément qui se nourrisse de l'homme, elle le ronge pour s'arrêter aux os (à la différence du feu ou de l'eau qui n'en laisse rien), squelettes qu'elle livre à la lecture des générations ultérieures, comme autre signe sigillaire ou message occulte à conjecturer.

La Terre est un espace de damnation et d'effort, qui ne doit ses joies et sa beauté qu'aux quatre autres éléments. Tout est y à faire, toujours. Il n'est jusqu'à la lecture de ses signes qui n'y soit peine et labeur.

La stèle chtonienne, son mutisme tellurique sont, à vrai dire, sans grand message pour l'Esprit. Ils signalent une scorie de l'Esprit, son reflet éteint.
28 octobre 2021, 19:16   La terre et le rateau
Il est remarquable que le seul élément — le lieu par excellence, écrit Segalen — qui ne soit que d'obédience humaine, dites-vous, la terre, toute dévolue à l'institution, au script et au sens, soit aussi le lieu où l'inscription y adressée soit la plus indéchiffrable. C'est plus que de l’ingratitude, c'est à se taper la tête contre la terre...

Segalen propose une typologie cardinale sensiblement différente : la marque de l'empire des hommes pointe là vers le Midi : La direction n'est pas indécise. Face au Midi si la Stèle porte les décrets ; l'hommage du Souverain à un Sage ; l'éloge d'une doctrine ; un hymne de règne ; une confession de l'Empereur à son peuple : tout ce que le Fils du Ciel siégeant face au Midi a vertu de promulguer.
Par déférence, on plantera droit au Nord, pôle du noir vertueux, les stèles amicales. On orientera les amoureuses, afin que l'aube enjolive leurs plus doux traits et adoucisse les méchants. On lèvera vers l'Ouest ensanglanté, palais du rouge, les guerrières et les érotiques.


Ces Stèles ont toujours été l'une de mes lectures favorites, au point que j'en envoyai des extraits à quelques amoureuses pressenties. Celle dédiée au désir m'avait semblé toute choisie, évidemment, qui vantait délibérément les avantages de l'imagination désirante, pour ne pas dire du rève, en lieu et place du réel (le réel, c'est la terre), notamment :

La fille pure attire ton amour. Même si tu ne l’as jamais vue nue, sans voix, sans défense, — contemple-la de ton désir.

o

Dresse donc ceci au Désir-Imaginant ; qui, malgré toutes, t’a livré la montagne, plus haut que toi, la route plus loin que toi,

Et couché, qu’elle veuille ou non la fille pure sous ta bouche.



Et là je tombai sur un os totalement imprévu, l'intrusion inopinée de l'air du temps : il me fut sèchement répondu, de façon aigre et malveillante, même, que cela ne se faisait pas, qu'elle en avait été complètement glacée : en l'occurrence, ce terrible qu’elle veuille ou non n'avait pas passé, à ma stupéfaction, chez une thésarde ès Patočka...
Seuls les utilisateurs enregistrés peuvent poster des messages dans ce forum.

Cliquer ici pour vous connecter