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Du triangle de l'ego, de l'âge et de l'énergie

Envoyé par Francis Marche 
S’il l’on admet que l’énergie (la quantité d’énergie déployée, engendrée, « remuée ») est en relation de proportionnalité inverse avec l’âge, il devient possible de mesurer l’âge, de dire le moment actuel dans la durée impartie, de situer celui-ci sur l’échelle d’espérance de vie d’un système (vivant ou inerte, comme peut l’être le cosmos) par un examen du rapport que ce système, dans ce moment, entretient avec l’énergie.

Sa volonté d’un certain rapport à l’énergie révèlera l’âge du sujet-système : s’il la gaspille, il est jeune ; s’il se soucie de la conserver (économie dite « circulaire », etc.), il aborde l’âge de la retraite.

Le moi « jeuniste » est débordant de confiance, non pas en l’avenir -- lequel n’existe pas pour le jeune appelé à s’abolir en abordant l’âge adulte ou l’âge mûr (« l’avenir », le futur, étant de par cela même une notion d’homme mûr rétroprojetée sur la jeunesse et les jeunes qui « pensent à leur avenir », comme on disait, ne sont que des petits vieux déguisés) --, mais débordant de confiance en lui, en son moi gonflé d’énergie/puissance affirmée.

Dans quel âge de l’humanité se situe son moment contemporain, celui qu’elle est convenue de désigner comme marqué par la « transition énergétique » ?

La vie humaine dont on peut arbitrairement fixer la durée à 100 ans, offre, de par le rapport de proportionnalité inverse qu’on vient de dire entre l’énergie et l’âge, une échelle de mesure logarithmique de l’âge de l’humanité, non point en nombre absolu d’années (2 à 3 cent mille ans) mais relativement aux bornes de son commencement et de sa fin.

Autrement dit, notre rapport actuel à l’énergie devrait nous dire si l’humanité est un jeune de 20 ans, un homme ou une femme mûre de 40 ans, ou si elle s’enfonce dans l’automne de son espérance de vie, à 60 ans passés.

La difficulté d’effectuer cette opération s’impose d’évidence : l’humanité n’est pas un corps, un organisme unifié et présente des stades de développement disparates corrélables à la diversité des civilisations qui l’ont conduite jusqu’ici.
Mais unifiée elle l’est pourtant par un certain discours qui met en avant « la durabilité » de ses actes qui « engagent l’avenir et les générations futures » (ce qui est déjà un raisonnement de vieillard soucieux de sa descendance et de l’héritage qu’il lui laissera!), promeut la circularité de l’économie, la conservation de l’énergie, etc. Cette thématique obsessionnelle est celle des objectifs de développement durable fixés par l’ONU (125 pays environ) dont l’année cible est 2030, année où sonnera la retraite de l’humanité, quand elle se dépouillera officiellement de son « moi » conquérant et insouciant pour se fondre, se dissoudre dans l’environnement planétaire (il restera alors aux conquérants impénitents, les Elon Musk, la conquête de planètes tierces).

Ce rapport au monde inédit dans l’histoire de l’humanité -- inédit car pour la première fois, le moi souverain de l’humanité se relativise, entre autres et par exemple, face au monde animal (cf «l’anti-spécisme », etc.). --, offre des manifestations révélatrices : la cessation de l’âge du faire, un accord général (presque une harmonie) avec un environnement-monde sur lequel on s’abstient d’agir, et, depuis deux années bientôt, le souci sanitaire obsessionnel caractéristique du valétudinaire hypocondriaque.

L’humanité va passer la main. Elle a l’âge de Bill Gates : 66 ans.

Bill Gates (financier de l’OMS, vaccinateur mondial, etc.) ne se contente pas de vouloir infléchir le cours de l’humanité, il est l’homme-monde : en bon théomachiste luciférien, il façonne l’humanité à son image et veut l’installer dans l’âge qui est le sien !

En 2030, Bill Gates aura 75 ans, logarithmiquement, l’humanité aussi. Comme lui, majoritairement affranchie de son moi (et piquée Pfizer/Moderna) elle aura un pied dans la tombe.
Un pied dans la tombe et un clone en sautoir...
(Conception discutable que celle d'une vieillesse au moi ravagé et qui retire à la personne toute énergie... Dans son abécédaire, Deleuze est convaincant quand il décrit le vieux comme quelqu'un qui n'a plus qu'à être pleinement. Débarrassé, jusqu'à leurs derniers oripeaux, de toutes les pesanteurs sociales et affectives, sa perception est aiguisée comme jamais elle ne fut, il peut contempler, voir, sentir de façon enfin optimale. Pour un vieux, si tant est qu'il ne souffre pas trop et vie décemment, la lenteur et la fatigue peuvent être de fabuleux alliés pour laisser se développer en lui d'autres états d'âme et émotions. La vieillesse est une ouverture qui peut très bien libérer l'individu des tourments inutiles et le tirer de la compétition pour la vie. Il n'y a rien de pire qu'un vieux actif, qui veut rester jeune... Du spiritualisme de papa, on peut bien garder l'idée que la passivité est tout !)
L'énergie du faire en allée, il ne reste plus en vrai que la classique contemplation du monde ou la fusion avec ce qu'il est, jusqu'à la disparition du sujet. Le vieillard coïncide avec le monde tel qu'il est ne serait-ce que par la chronologie même: il est présent au monde tel que celui-ci sera à l'heure prochaine de son trépas. Le monde n'ayant pas le temps de changer avant cette heure, le vieillard a sous les yeux la figure mondaine de son outre-trépas, spectacle qui le contente et fonde son non-agir. C'est le privilège du vieillard; le jeune, lui, ne peut rien prédire de sérieux sur le monde qui accueillera son trépas futur. Il ne peut que faire et se dépenser, porté par son moi réfractaire à toute dissolution.

La dépense énergétique, dans cet état d'aboutissement quiescent, est tout simplement sans objet. C'est le discours de la "transition énergique", celui que seule peut concevoir une humanité moribonde, transparente au monde, n'y faisant plus tache, ne le dérangeant plus.

C'est un constat, pas un jugement. La mort (volontaire, consentie ou pressentie, je ne sais au juste) de l'humanité n'appelle aucun jugement des vivants.

A ajouter à cela que la mort par senescence n'exclut en rien l'hypothèse d'un trépas convulsif et violent.
A ajouter à cela que la mort par senescence n'exclut en rien l'hypothèse d'un trépas convulsif et violent.


André Bay, traducteur et grand bonhomme de l'édition disait à la fin de sa vie, en paix avec lui-même, qu'il anticipait sa mort parce qu'il savait que, naturelle, indolore, entourée des siens, elle constituerait malgré tout un choc. Pour mon malheur, j'ai assisté à l'entrée dans l'agonie de mon père (mon fils de 8 ans était à mes côtés), qui, le temps que dura la maladie, adopta cette passivité dont je parle plus haut. L'hypersécrétion lacrymale fait croire à des pleurs et les derniers spasmes musculaires à une sorte de sursaut vital. On est induit en erreur par les signes du corps qui se décompose, exactement comme on l'est, sur un versant beaucoup plus heureux..., quand le nourrisson "sourit" nerveusement — on dit alors qu'il sourit aux anges. La bête humaine, tournée en bourrique par les signes, est une infernale machine à interpréter.
27 septembre 2021, 23:06   Qu'il y a toutes sortes de vieux
» le vieillard a sous les yeux la figure mondaine de son outre-trépas, spectacle qui le contente

Non pas toujours, loin s'en faut...

Quoi qu'il en soit, la distribution des sensibilités, des forces et des intelligences étant si inégale au départ, on ne voit pas pourquoi la déperdition d'icelles devrait être semblable pour tous, produisant une copie conforme du vieillard en soi tel qu'il doit être et vivre, passé un certain âge : vraiment, c'est vexant pour eux, ils ne sont pas nécessairement interchangeables parce que vieux, tout de même : je tiens qu'il y en a de toutes sortes, et s'il y a encore différentiation possible des individus, il y a conservation de ce qui constitue la matière simple et indécomposable du moi.

Quant à l'action qui serait supposément "sans objet", ce ne me semble pas du tout rédhibitoire, au contraire, Francis : j'ai pour ma part toujours soupçonné que les buts à échéance plus ou moins éloignée n'étaient en réalité qu'un prétexte, pas le nerf de ce qui fait qu'on puisse être dans l'ivresse de l'agir : on est dans l'action pour y être, se sentir vivre en s'oubliant dans le mouvement, s'électriser dans la pure dépense d'énergie : quand l'action apparaît si fatalement dénuée d'objet, raison de plus d'y sombrer corps et âme, semble-t-il.

Et puis, j'ai plutôt l'impression que passé un certain cap de décrépitude, on ne coïncide plus du tout avec le monde, mais intègre un référentiel différent quasi einsteinien où les choses s'écoulent beaucoup plus lentement, parce que ce n'est plus du tout le rythme du monde comme il va.
A mon avis, mais cela n'engage que moi, on est plutôt largué qu'autre chose...
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