Zemmour candidat

Les premiers sarcasmes qui accompagnent la diffusion du film sont assez édifiants. Les politiques de tous bords raillent notamment le passéisme de la forme et une prétendue tonalité lugubre du message comme du messager. La solennité a déserté à ce point les esprits, les donneurs d'ordre sont devenus de tels neuneus qu'une prise de conscience que l'heure est grave n'est même plus considérée, aperçue, envisagée. Je rêve d'un pastiche des Données immédiates de la conscience à l'heure où triomphe l'Homme du Grand Remplacement.

La droite de gouvernement qui ce matin épinglait le catastrophisme de Zemmour débat en ce moment sur France 2. Bilan à mi-émission : l'hôpital public ET les professionnels de santé libéraux agonisent, nos rues sont des coupe-gorge, il faut réindustrialiser le pays de toute urgence, il est vital de redonner son rang à la France, le pays va mal, des territoires entiers ont été envahis par les immigrés, de Gaulle, de Gaulle, de Gaulle... j'en passe et des meilleurs.

Mais l'oiseau de mauvaise augure, le nostalgique d'une France imaginairement grandiose, qui soi-disant s'appartenait et était le plus agréable des pays du monde, c'est ? Zemmour, bien sûr.

Il suffit d'une allusion à la philosophie pour que se produise une étrange coïncidence... Ainsi parlait hier M. Attal, porte-parole du Gvt : "La France de M. Zemmour n'a pas beaucoup existé". Or c'est l'être éternel de la France qui obsède Zemmour, l'existence des Français étant empoisonnée par la présence surnuméraire et hyperactive de l'Occupant. À propos de ce dernier dans son incarnation âgée de moins de 18 ans (la dernière attaque au couteau contre un policier a été commise par un "jeune" de 16 ans) : il ne pourra pas regarder la vidéo de Zemmour, désormais interdite aux...mineurs en raison des violences qui y sont montrées !... y compris les leurs ?

Philosophie : j'ouvre à l'instant l'exemplaire reçu aujourd'hui d'un beau numéro des Cahiers du Sud datant de 1962 et consacré à Kierkegaard. Savez-vous quels sponsors, pour parler comme il ne faut pas, comptait cette revue où écrivirent Jean Wahl, Henry Corbin, Jean Brun, etc.? Péchiney, la Chambre de commerce et d'industrie de Marseille ou encore les pneus Kleber ! Voilà ce que finançaient les industriels il n'y a pas un demi-siècle de cela. Cette France-là a existé beaucoup plus longtemps que ne le dit M. Attal.

Quelqu'un, un "chroniqueur", a déclaré que "la France de Zemmour" n'existait pas. Il a raison. Elle n'existe qu'en nous, dans notre intérieur, ce qui est suffisant pour motiver sa restauration (ou sa reprise, puisqu'il est question de Kierkegaard). Je crois même que c'est là le mobile de toute action politique qui mérite d'être entreprise: incarner une vision intérieure.

Le grand problème résidant dans le fait que c'est justement quand l'"extérieur" (le politique) se mêle de s'emparer de l'"intérieur" et de le décliner en toutes lettres que pointe la sale gueule du totalitarisme...

Platon réincarné écrirait un Renaud et un Éric. De même, Barthes revenu des champs Élyséens (!) publierait une version augmentée des Mythologies comportant un essai profond et drôle sur le pastiche et le réel. La Seconde occupation camusienne pastichant le réel tragique du GR et l'annonce de candidature zemmourienne pastichant l'Appel du 18 juin sur fond de guerre civile vidéosurveillée y seraient jouissivement décortiquées.

...et tout à coup, un peu interdit, on se demande si la petite souris déboulant que personne n'avait vue n'aurait une chance réelle de devenir président.e...

video: [m.youtube.com]

Encore une fois : quelle audace ! Encore une fois, une vidéo superbe qui n'oublie jamais les aléas et les contraintes de la bataille actuelle mais qui approfondit, qui relie, qui parle vrai. Dites-moi, avez-vous souvenir d'un précédent candidat à la Présidence de la République tenant ce langage ? Élu ou pas (probablement pas) nous aurons eu cela et je saurai m'en souvenir.
Joyeux Noël à tous.

Vu un peu du dernier rallye zemmourien, belle homélie sur le travail, travail, travail, et la vertu roborative entre toutes de ceux qui se lèvent tôt, le plus tôt possible, pour aller travailler : un peu rasante, ma foi, à la longue, d'autant que cela paraît se resserrer de plus en plus autour de ce mot d'ordre désuet qui ne fait point trop rêver, il ne faut pas exagérer : travail, famille, patrie, holà...

Déception : Zemmour a parlé, avec une note de mépris condescendant, de ces "utopistes" qui la ramènent avec cette lubie de jean-foutre, le "revenu universel", pour bien faire savoir qu'il ne saurait y avoir de ça chez nous, non mais : au travail !
Pour un peu on eût entendu Engels : « Création d'armées industrielles ; travail obligatoire pour tous. »

Serait-ce la marque d'un esprit un peu étroit, après tout ?
Car il faudra bien se rendre à l'évidence, dans un avenir très proche, parfois dès à présent déjà, il ne sera plus besoin, dans des pans de plus en plus importants de l'économie, de travail, pour une production suffisante de richesses : ce qui veut dire que l'un des enjeux majeurs des prochaines décennies, dans la plupart des pays dits riches d'abord, sera de trouver le moyen de découpler franchement moyens de subsistance et travail, enfin, plutôt que persister sottement à créer de plus en plus d'emplois fictifs ridicules qui ne servent strictement à rien.

Car il faudra bien se rendre à l'évidence, dans un avenir très proche, parfois dès à présent déjà, il ne sera plus besoin, dans des pans de plus en plus importants de l'économie, de travail, pour une production suffisante de richesses : ce qui veut dire que l'un des enjeux majeurs des prochaines décennies, dans la plupart des pays dits riches d'abord, sera de trouver le moyen de découpler franchement moyens de subsistance et travail, enfin, plutôt que persister sottement à créer de plus en plus d'emplois fictifs ridicules qui ne servent strictement à rien.

Tiens, le virus de la finitude davosienne vient de vous frapper de plein fouet, Pierre Jean, on dirait. C'était bien la peine !

Ceux qui croient à la fin du besoin de travail (y compris le besoin intérieur d'oeuvrer) pour entretenir les richesses et sustenter l'humanité, ressemblent de plus en plus à ces savants "géniaux" qui, à l'époque de Léonard De Vinci, jugeaient de l'ordre de l'atteignable la création du mouvement perpétuel.

L'économie circulaire, le revenu universel, l'arrêt général dans l'immobilité tournant autour d'elle-même: voilà le rêve de Davos, dans lequel la domination d'une oligarchie devient incontestable de par le fait même qu'elle aurait porté l'humanité au nirvana du ne plus rien devoir foutre.

Le goût d'entreprendre sera étouffé pour 1000 balles par mois. Et plus personne, jamais, ne prendra la peine de se déplacer pour servir qui que ce soit à quoi que ce soit. Sauf, bien sûr, les petits saints humanistes et philanthropes qui, pour se faire mousser, viendront nous tondre le jardin ou aider les vieilles dames à porter leurs courses, absolument quand il leur plaira.

Les restaus du coeur, les queues devant les boulangeries, ont de beaux jours devant elles.

A propos, je ne donne pas cher du taux de survie des capacités intellectuelles, de la capacité d'apprendre notamment, de nos compatriotes embiérés et cannabisés à vie qui se seront installés dans le revenu universel.

J'arrête. Je me sens devenir méchant.

"Rêves de Davos", "économie circulaire", "entéléchie marxiste", etc., tout cela est intéressant, mais il me semble parfois que ce sont de ces élaborations mentales qui empêchent de voir ce qui est, plutôt qu'elles n'aident à le comprendre, et la croyance n'y est en l'occurrence pour rien, face à un faisceau d'évidences se profilant de plus en plus clairement à l'horizon ; étude menée il y a cinq ans déjà :

« En fin de compte, ce sont 1,2 milliards d’emplois à temps plein et quelques 14,6 billions (mille milliards) de dollars américains de salaires qui pourraient être économisés au profit d’une automatisation de l’économie mondiale. Pour chaque pays, la moyenne de la robotisation possible change mais reste contenue entre 40 et 55 %, aucune économie n’ayant un marché du travail préservé à plus de 60 %. »

C'est un processus qui ira s'accélérant à grande vitesse, avec le développement incontestable de ce qu'on appelle, à tort probablement, l'"intelligence artificielle", car les emplois qualifiés eux-mêmes s'ouvrent de plus en plus à la compétition des robots...
Fichtre, même ma supérette de quartier a récemment subi quelques travaux de rénovation, moyennant quoi il n'y a plus que 4 caisses humanisées, les 4 autres étant dorénavant automatisées ! Ça m'a tellement foutu en rogne que j'en ai profité pour chourrer une bouteille de vin, la stupide machine n'y a vu que du feu : bien fait pour leur gueule...

Toujours est-il que les travailleurs, les vrais, ceux qui ont du travail le goût inimitable et la vocation sacramentelle pourront désormais rester entre eux, en cotisant, pourquoi pas, ce sera bien...

Un jour, peut-être bien, mais en attendant, la réalité réelle, celle de tous les jours, celle de “notre quotidien” comme aime à dire Modernœud, c'est qu'en France, en tout cas par ici, on manque terriblement de main d'œuvre. C'est vrai pour la main d'œuvre qualifiée : les couvreurs, les plombiers, les chauffagistes, les maçons, etc. cherchent désespérément des compagnons, les villes et villages des médecins, des dentistes, etc., les rendez-vous pour se faire réparer un pan de toiture, une dent cariée ou prescrire des lunettes se prennent de six mois à un an à l'avance, voire davantage. C'est encore plus vrai peut-être pour la non-qualifiée : l'été dernier, un tiers de la récolte de cocos de Paimpol, des haricots blancs très réputés et qui se vendent très bien, a été perdue faute d'ouvriers agricoles pour les récolter et trouver une femme de ménage relève de l'exploit qui suscite la jalousie. À Guingamp, une nouvelle usine qui cherche à pourvoir mille deux cents emplois n'en a pas trouvé le tiers en trois mois de recherche.

Il s'agit là d'emplois utiles et qui permettent de gagner sa vie sans être dépendant de la charité publique, de quelque nom que l'on affuble celle-ci. Je vous laisse imaginer ce que serait cette situation avec le revenu universel...

Pendant ce temps les emplois plus ou moins bidons, par exemple dans la dite fonction publique territoriale, suscitent l'engouement que l'on sait, avec des concours de recrutement où il y a des dizaines et souvent même des centaines de candidats pour un poste.

Alors oui, essayer de réinjecter un peu d'éthique du travail dans notre société serait faire œuvre d'utilité publique.

Cela fait des milliers d'années au moins qu'on nous bassine avec l'"éthique du travail", au point d'en avoir fait une malédiction corollaire à la condition humaine, rien de moins : peut-être est-il temps qu'on puisse également voir les choses un peu différemment : cela, c'est pour le principe, camusien en diable...

Pour ce qui est du côté pratique et réaliste de la chose, s'il est vrai qu'un nombre croissant d'emplois est d'ores et déjà inutile et remplaçable par des machines qui pourront fournir un même niveau de productivité, voire un niveau supérieur, alors une réalité dans laquelle il n'est plus besoin de tant de travail humain me semble être tout du moins aussi "réelle" que celle qui pâtirait d'un manque de main-d'œuvre qualifiée dans certains secteurs spécifiques de l'activité économique : cette réalité-là, où le remplacement robotique et informatique concerne au moins la moitié des emplois existants dans les pays riches, implique par la force des choses qu'on trouve le moyen de dissocier moyens de vivre et travail pour ce qui concerne les vivants du travail desquels on n'a strictement plus besoin : cela tombe sous le sens, et refuser obstinément de le prendre en compte dans toute prospective sociale, ce me semble quand même avoir quelque difficulté à voir plus loin que le bout de son nez, ce qui en politique est un peu rédhibitoire.
Mais bon, je suppose qu'on ne peut pas tout avoir...