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Le monde sans l'Homme

Envoyé par Pierre Jean Comolli 
16 décembre 2021, 10:48   Le monde sans l'Homme
[laviedesidees.fr]

En attendant que Moby Dick ait rejoint intellectuellement Achab, nous meublerons l'espace virtuel avec des avatars : [www.20minutes.fr]
16 décembre 2021, 18:34   Des mondes en plus
Fonce, Zuckerberg...

« Un pas significatif sera probablement franchi quand on disposera enfin d'un kit d'immersion sensorielle complète (c'est-à-dire englobant tous les sens) convaincant, et discret si possible — pas de ces trucs ridicules qu'on vous colle sur la figure et qui sont en réalité impraticables pour des périodes un peu longues, franchement ; hélas, étant donné la très grande complexité qu'il y a à reconstituer, et donc pouvoir reproduire, toutes les modalités organisationnelles des trajets physico-neurologiques qui vont de la stimulation efficace au percept, ce semble n'être pas pour demain, si pour jamais en fait.

Mais si l'on arrivait à recréer effectivement de façon artificielle ou virtuelle l'accessibilité sensorielle éprouvée d'un environnement, c'est véritablement toute la notion de réel qui s'en trouverait chamboulée (et démultipliée), parce que, quoi qu'en disent les chichiteux, la pierre de touche de toute réalité est la présence synchroniquement perceptible de ce qui est donné par les sens : pouvoir modifier et susciter à volonté ce donné serait une formidable libération de la chaîne platement causale d'une "nature" jusqu'à présent totalement subie, censément une ouverture à une pluralité de mondes réels.
La maxime de Leopardi prendra alors tout son sens, et de façon inattendue : Il semble absurde et pourtant il est exactement vrai d'affirmer que, tout le réel étant un néant, il n'est rien de réel et de substantiel au monde que les illusions. »
16 décembre 2021, 23:18   Re : Le monde sans l'Homme
"pouvoir modifier et susciter à volonté ce donné [...] "

"susciter à volonté" ? A quoi ? Cette "volonté" ne sortirait-elle pas elle aussi d'un néant ? Tout serait illusoire sauf cette "volonté" d'agir sur "la chaîne platement causale" de la "nature" ? Je ne comprends pas.
17 décembre 2021, 18:02   L'homme sans le monde
J'explique : voyez-vous, cela fait un certain temps déjà qu'on subodore que les choses sont ainsi faites qu'il ne peut y avoir représentation sans quelqu'un qui se la représente ; pensée sans une chose qui pense ; jugement, aussi néantisant soit-il, sans quelqu'un qui le porte. Et c'est celui-là même qui pense et qui juge, celui-là même qui veut, et s'arroge le privilège exorbitant de prendre ses désirs pour des réalités ; et la réalité pour des prunes.
17 décembre 2021, 18:39   Re : Le monde sans l'Homme
Ah c'était de vous, Alain (ou peut-être que je m'adresse déjà à son avatar...), je croyais que vous citiez Zuckerberg !...

Donc on y va, on traverse le Réel pour ne plus s'y cogner, on atomise tout, au diable sujet et objet dans les deux sens de l'un à l'autre ! Voguons sensoriellement, la tête casquée, au gré des relations et des représentations qui nous attendent dans le Ciel virtuel... Abonnement "Stimulus" à partir de 9.99€/mois.

Alain Eytan, c'est la version augmentée de Hume et Russel multipliée par K. Dick et Castaneda !

(Je déconne, le sujet s'y prête.)
17 décembre 2021, 20:53   Tous les mondes possibles
Leopardi fut probablement l'un des plus grands contempteurs du réel tel qu'il est, poussant la dénégation jusqu'à souhaiter ardemment qu'il n'y eût rien, plutôt que quelque chose : avec ces dispositions, battant pavillon noir de la rebellion inconditionnelle contre la vie (à l'exact opposé d'un Nietzsche), ce serait tout de même un comble qu'on se mette martel en tête de devoir au réel quoi que ce soit, et de s'y voir lié par une quelconque obligation de fidélité, comme si un contrat avait jamais été approuvé et signé : qu'on le veuille on non, on ne nous a rien demandé.

La licence dont s'autorise Zucky, avec sa tête à claques poupine de jeune surdoué exaspérant, apparaît ainsi dans un certain ordre des choses : dès lors qu'on s'estime n'être redevable en rien à une réalité si implacablement subie, il n'y a plus aucune raison de ne pas la reconstituer en se donnant les moyens de fabriquer de toutes pièces l'illusion vraie de celle qui nous plairait davantage, c'est-à-dire en reproduisant l'inextricable variété d'influx nerveux aboutissant à la création d'une représentation sensorielle d'un réel parcourable à la carte : par goût de la nouveauté, pour le plaisir, pour le fun, ou même par pure distraction...
17 décembre 2021, 23:07   Re : Le monde sans l'Homme
Mais n'est-on pas redevable à la réalité qu'elle nous paraisse comme si "implacablement subie" ?

Dit autrement : que la réalité nous paraisse comme "si implacablement subie" ne peut-il être considéré, non pas comme la seule et unique caractéristique de la réalité mais plutôt comme l'une parmi d'autres ? Et si c'est le cas, la "reconstitution" de la réalité au moyen de la technique ne mérite-t-elle pas plutôt d'être appelée "amputation" de la réalité à qui on aurait cherché à faire perdre de son extériorité, cette dernière s'exprimât-elle par une tendance à vouloir s'imposer.

Le côté "seul maître à bord", tel que l'entrevoit Zuckerberg avec son "kit d'immersion sensorielle", me laisse dubitatif. Il y a quelque chose d'un peu naïf ou de prétentieux à s'imaginer capable d'alimenter en continu une "illusion vraie". Une telle "immersion sensorielle" deviendrait assez vite lassante et très souhaitable l'intervention d'autres individus venus d'autres "kit". S'en suivrait nécessairement la reconstitution, pour le coup, d'un univers relationnel et patatras le "virtuel" constituerait peu à peu ses lois et elles ne nous paraîtraient pas moins "implacablement subies" que celles de la vieille réalité.
18 décembre 2021, 21:02   L'homme et les mondes
Je crois qu’on peut dire que le "réel" dont on parle est "ce qui apparaît", comme résultant d'une traduction de certains signaux physiques extérieurs en représentation interne, sensation et perception : ces signaux physiques sont produits par un milieu qui les impose de toute façon, quoi qu’il en soit, aussi je ne vois pas très bien quelle autre "caractéristique de la réalité" entendue dans ce sens pourrait exister hormis celle d'être implacablement subie : sauf bien sûr si l'on aura trouvé le moyen de les supplanter pour les recréer nous-mêmes, cela entraînant en définitive des représentations qui auront, pour autant que cette recréation soit réalisée de façon techniquement optimale, exactement le même degré de "concrétude" ou de tangibilité que celles provenant de la bonne veille unique réalité originelle.
A ce titre la multiplication des "expériences sensorielles" possibles n’en ampute en réalité aucune en particulier, pas plus que la multiplication de chaînes retransmises n’empêche qu’on puisse toujours rester fidèle à celle qui dans le temps était la seule à émettre…

Pour l’instant, il est vrai, la réalisation technique de telles représentations sensorielles induites est à peu près à la réalité non simulée ce qu’est le robot sexuel le plus sophistiqué (le sexbot) aux véritables objets du désir en chair et en sang, c’est-à-dire quelque chose de passablement piteux, hélas.
Encore que ces premiers balbutiements en carton-pâte procurent à la chose un côté agréablement récréatif : attendons la suite avec impatience…
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