A propos des considérations très hasardeuses sur 1939 et autres parallèles outranciers entre les Sudètes et les Ukrainiens, il faut vraiment lire le texte churchillien originel pour enfin comprendre ce que beaucoup (dont j'étais avant cette lecture) n'ont jamais vraiment saisi: que si Hitler a bénéficié de la collaboration des autorités françaises pendant quatre ans (1940-1944),
il avait bénéficié pendant les cinq années précédentes de la collaboration pleine et entière des thalassocraties d'alors (Grande Bretagne et USA). Pendant ces cinq années, le gouvernement qui en Europe s'est montré le plus compréhensif envers lui, et dans certains moments, davantage même que le ne fut Mussolini ! f
ut le gouvernement britannique.
L'agresseur, s'il est bien celui qui fond sur une nation plus faible ou la soumet par la force, JAMAIS ne le pourrait faire, ni l'oser autrement qu'avec des complicités actives de la part d'autres forces, comparables à la sienne, qu'il affrontera plus tard. Les "démocraties" occidentales, avant de déchaîner leur puissance de feu, souvent pendant de longues années, offrent cette caractéristique de complaire aux monstres, de manifester à leur égard de la fascination, voire de l'admiration, de cultiver face à eux l'art du cafouillage diplomatique, de la négligence calculée, de l'irresponsabilité militaire patente, tantôt sottement agressive, tantôt passive et criminellement oublieuse.
A propos de l'accusation poutinienne de nazisme à l'encontre des Ukrainiens: il faut l'entendre dans le contexte historique du XXe siècle. Non que les Ukrainiens fussent des nazis ontologiques, et dans l'âme, mais bien en considérant cela sous le prisme des rivalités impériales entre deux blocs continentaux qui ont déchiré l'espace européen au milieu du siècle dernier. Toute "guerre de cent ans" oppose deux tentations impériales sur un même espace continental. L'empire de l'Ouest dans cet espace se nomma 3e Reich, et le nazisme en était bien l'idéologie; il fut vaincu et son sceptre opéra une translation de Berlin à Moscou en 1945, et Moscou devint la capitale de l'empire de l'Est dont le limes occidental se compose de pays qui, depuis 1992, sont les pays du limes oriental de l'empire occidental refondé en UE à cette date (en janvier 1992, trois semaines après le démantèlement officiel de l'URSS). La ligne de friction entre ces deux tentations impériales passe donc toujours par eux (Pologne, Ukraine, pays du pacte de Visegrad en général). Il s'ensuit que les accusations de "populisme" et autres anathèmes ("petits fachos d'opérette", etc.), que l'UE adresse régulièrement aux dirigeants de ses pays réticents envers elle, compose une stéréophonie avec ceux qui émanent de leur flanc Est. Ces accusations sont jumelles parce que la rivalité est mimétique entre les deux blocs: les Ukrainiens ne sont des "nazis" que dans la mesure où une part importante de cette population veut un rattachement au bloc de l'Ouest, lequel, dans ces zones, fut magnifiquement représenté au milieu du siècle dernier par le nazisme. Pour les dirigeants russes, et même, semble-t-il aussi pour une part importante de la population de la Fédération de Russie, être européiste sur ce limes c'est être nazi puisque le vécu russe de l'européisme dans cette sous-région est historiquement celui du nazisme et de ses politiques ultraviolentes et agressives.
L'impératif d'objectivité et de non-alignement ne doit pas nous faire négliger la perception subjective des événements qui anime leurs protagonistes.