Le site du parti de l'In-nocence

Alexandre Douguine lecteur d'Arnold Toynbee

Envoyé par Francis Marche 
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[profidecatholica.com]

Arnold Toynbee, dans son oeuvre fleuve (d'inspiration collective, faut-il le préciser) dont la rédaction s'étala sur 25 ans, A Study of History, développe cette thèse, ou ses prémisses, sur la Russie comme re-fondation du monde méditerranéen (les Russes ne disent pas "monde judéo-chrétien"), refondation en exil de la romanité. Je l'avoue, je ne me doutais pas que les Russes actuels, du moins ce type d'intellectuel, aient intégré cette vision de l'histoire complexe et contradictoire de l'Occident fatalement scindé, et d'eux-même en son sein. Les bras m'en tombent:


« Ce n’est pas une guerre contre l’Ukraine. C’est une confrontation contre le globalisme en tant que phénomène planétaire intégral.

C’est une confrontation à tous les niveaux – géopolitique et idéologique.

La Russie rejette tout dans le mondialisme : l’uni-polarisme, l’atlantisme, d’une part, et le libéralisme, l’anti-tradition, la technocratie, en un mot, le Great Reset, d’autre part.

Il est clair que tous les dirigeants européens font partie de l’élite libérale atlantiste.

La Russie est désormais exclue des réseaux mondialistes. Elle n’a plus le choix : soit construire son monde, soit disparaître.

La Russie a tracé une voie pour construire son monde, sa civilisation. Et nous sommes en guerre contre cela. D’où leur réaction légitime.

Et maintenant, la première étape a été franchie. Mais le souverain face au mondialisme ne peut être qu’un grand espace, un État-continent, un État-civilisation. Aucun pays ne peut résister longtemps à une déconnexion complète.

La Russie est en train de créer un champ de résistance mondial.

Sa victoire serait une victoire pour toutes les forces alternatives, de droite comme de gauche, et pour tous les peuples. Nous entamons, comme toujours, les processus les plus difficiles et les plus dangereux.

Mais quand on gagne, tout le monde en profite. Ça devrait être comme cela. Nous créons les conditions d’une véritable multipolarité. Et ceux qui sont prêts à nous tuer maintenant seront les premiers à profiter de notre entreprise demain.

Qu’est-ce que cela signifie pour la Russie de rompre avec l’Occident ? C’est le salut.

L’Occident moderne, où triomphent les Rothschild, Soros, Schwab, Bill Gates et Zuckerberg, est la chose la plus dégoûtante de l’histoire du monde.

Ce n’est plus l’Occident de la culture méditerranéenne gréco-romaine, ni le Moyen Âge chrétien, ni le XXe siècle violent et contradictoire.

C’est un cimetière des déchets toxiques de la civilisation, c’est l’anti-civilisation.

Et plus tôt et plus complètement la Russie s’en détache, plus tôt elle revient à ses racines. A quoi ? Aux racines chrétiennes, gréco-romaines, méditerranéennes, européennes… C’est-à-dire aux racines communes au véritable Occident.

Ces racines – les leurs ! – l’Occident moderne les a supprimés. Et elles sont restés en Russie.

La Russie n’est pas l’Europe occidentale. La Russie a suivi les Grecs, Byzance et le christianisme oriental. Et elle suit toujours cette voie. Oui, avec des zigzags et des détours. Parfois dans des impasses. Mais ça bouge.

La Russie est née pour défendre les valeurs de la Tradition contre le monde moderne. C’est précisément cette « révolte contre le monde moderne ». Vous comprenez ?

L’Europe doit rompre avec l’Occident, et les États-Unis doivent aussi suivre ceux qui rejettent le mondialisme. Et alors tout le monde comprendra la signification de la guerre moderne en Ukraine.

Beaucoup de gens en Ukraine l’ont compris. Mais la terrible propagande colérique libérale-nazie n’a rien laissé de côté dans l’esprit des Ukrainiens.

Ils reviendront à la raison et se battront avec nous pour le royaume de la lumière, pour la tradition et une véritable identité chrétienne européenne. Les Ukrainiens sont nos frères. Ils l’étaient, ils le sont et ils le seront.

La rupture avec l’Occident n’est pas une rupture avec l’Europe. C’est une rupture avec la mort, la dégénérescence et le suicide. »
La Russie rejette tout dans le mondialisme : l’uni-polarisme, l’atlantisme, d’une part, et le libéralisme, l’anti-tradition, la technocratie, en un mot, le Great Reset, d’autre part

Je me désole que l'auteur de La Dépossession continue de taper à toute force à coups de parapluie sur la tête des Russes dans ses prises de position publiques.

Mais je me réjouis de voir la petite Véronique Lévy, libérée de tout, désinhibée de toute idéologie par une ardeur spirituelle exemplaire, célébrer la grandeur de Poutine. Je ne partage pas cette célébration mais reste admiratif de la belle indifférence à la doxa dont fait montre celle qui ose.
Photo de famille des bataillons Azov, combattants de l'Ukraine liiiiiibre, et, comme on le constate dans les détails de cette photo, résolument européiste.

Incroyable vraiment, les bras n'en peuvent que tomber. Les têtes suivront, pour que la sidération soit à son comble.
A la lecture de ce beau texte, on serait presque tenté de paraphraser l'esprit soixante-huitard : "Sous les ruines, le salut."

C'est tout à l'honneur de Renaud Camus d'être littéralement révulsé à l'idée que ce qu'a été et signifié le régime de Poutine depuis les vingt et quelques années qu'il est au pouvoir puisse être dorénavant le seul sanctuaire possible de quelque forme, même résiduelle, de civilisation.
Cette idée aura tout de même du mal à passer, et l’on ne peut que souhaiter bonne chance au "champ de résistance mondial", dont l’axe transcontinental visible est pour l’instant constitué, avec la Russie, de l’Erythrée, la Corée du Nord et la Syrie.

Nul ne pourra contester le fait que l’Ukraine eut une prestigieuse tradition d’antisémitisme, lequel fut de toute façon quasiment un fait culturel dans cette partie du monde : les pogroms y furent éblouissants (de sang), notamment à l’époque de Petlioura (ce qui ne veut pas dire qu’il en fut réellement l’instigateur).
Il n’en reste pas moins qu’il semble bien qu’Israël tout entier se soit actuellement pris de passion pour l’Ukraine, où la communauté juive a du reste prospéré ces dernières années et connu une véritable efflorescence (plusieurs centaines de milliers d’individus non pogromés récemment), et que l’on comptait une quinzaine de milliers d’Israéliens dans le pays avant le début des hostilités, dont beaucoup de Hassidim à la judéité facilement reconnaissable : il paraît que l’on pouvait difficilement faire quelques pas dans les principale villes sans entendre parler hébreu dans les rues.
Depuis l'invasion, c'est la folie... Allez y comprendre quelque chose, mais il semble quand même que le régime de Zelensky ne soit pas encore totalement nazifié…
- Je crains que même si Poutine n'avait pas existé, il se serait trouvé un autre personnage pour s'en prendre à l'anti-civilisation dont il est question dans le texte posté par Francis. Onfray a d'ailleurs placé ce conflit sur le terrain philosophique des antagonismes civilisationnels, en prenant un exemple simple : la véritable délocalisation en Ukraine de la GPA, tandis que l'UE fait la leçon à certains de ses membres qui ont l'audace de durcir leur législation en matière d'IVG et de procréation. On en est là, quand même...Au point qu'on se dit que de Bruxelles pourrait sortir un jour une loi obligeant les femmes à avorter au moins une fois dans leur vie (sur ce sujet, voir les travaux de bons sociologues urbains français et britanniques qui montrent que des adolescentes accumulent les avortements comme autant de trophées).

- Il peut être intéressant de rapprocher la nausée qu'inspire à un Poutine ce que modifient, dans les mœurs, les fameux processus de "démocratisation" d'anciens pays proches de la Russie, de celle qu'éprouvèrent les premiers Frères musulmans en découvrant l'Amérique. Au premier, Hegel, aux seconds, Marx, comme fonds vague d'une pensée nostalgique et esclave de ses affects ? Alors la philosophie de l'histoire serait encore un glaive déterminant les plus terribles et complexes passages à des actes proclamés "libérateurs". Sinon, les larmes aux yeux, nous devrions nous en tenir au diagnostic pacifiste mais faux de cet adolescent terré dans le métro de Kiev : "Des gens souffrent par la faute d'un seul homme".
06 mars 2022, 00:42   Restons simples
Hegel, Marx, philosophie de l'histoire, oh là là... C'est encore une question quasiment de goût, voyez-vous : il y a ceux qui croient dur comme fer que le-libéralisme-démocratique-occidental-est-le-mal-absolu, cela érigé en dogme pratiquement axiomatique, et d'autres pour qui la mise en œuvre de ce dogme saugrenu implique nécessairement qu'on marche sur la figure de ceux qui trouveraient à y redire, ou qui se ficheraient un peu de la question, indécidable en fait, et que ce piétinement concret et physique est bien pire et inquiétant que les fantaisies virtuelles de Zuckerman.

Dans son principe, le libéralisme ("laissez faire, laissez passer") est un laisser-aller (oui, Gelassenheit) qui voudrait qu'on entrave le moins possible, dans le cadre de ce que peut permettre une vie en société, la nature de l'homme : c'est l'expression la plus sociale possible de l'authenticité humaine, aussi paradoxal que cela paraisse, puisqu'on prétend faire fond sur le libre cours encouragé des penchants individuels, régulant tout de même a minima la dérégulation pour que ça se passe aussi doucement que possible.
Ce qui se révèle alors de l'homme livré à lui-même, dans son cocon, tout à sa plus banale authenticité, n'est peut-être pas si réjouissant : remplissage de gueule et vacuité spirituelle sont le lot le plus commun.
C'est ainsi, il semble qu'il n'y ait pas tellement d'âme et de sens, à l'état naturel, dans le monde, et pour des gens comme Douguine qui voudraient qu'il n'y ait que cela à ras bord, artificiellement surajouté et surenchéri, jusqu'à ce que les frontières des pays en débordent, c'est tout simplement inacceptable et insupportable.
C'est son problème, mais qu'il foute la paix aux autres.
Refus de l'OTAN d'instaurer une zone d'exclusion aérienne, le Royaume-Uni qui refoule des réfugiés Ukrainiens et des pays européens, dont l'Allemagne, qui refourguent aux combattants quelques caisses d'armes, des armes il est vrai qu'ils n'utiliseront jamais. Assurément, le camp du Bien ne veut pas de cette guerre... Pourtant, c'est bizarre, il la met formidablement en scène, Elon Musk ayant même envoyé un satellite pour qu'on ne perde pas une miette d'image des horreurs à venir...! Le spectacle du voyeurisme et de la bonne conscience peut commencer : l'horrifique sur tous vos écrans en semaine et les manifs au coin de la rue le week-end !
A-t-on déjà vu psyché plus moisie et ravagée que cette psyché occidentale...?
Ce qui se révèle alors de l'homme livré à lui-même, dans son cocon, tout à sa plus banale authenticité, n'est peut-être pas si réjouissant : remplissage de gueule et vacuité spirituelle sont le lot le plus commun.
C'est ainsi, il semble qu'il n'y ait pas tellement d'âme et de sens, à l'état naturel, dans le monde, et pour des gens comme Douguine qui voudraient qu'il n'y ait que cela à ras bord, artificiellement surajouté et surenchéri, jusqu'à ce que les frontières des pays en débordent, c'est tout simplement inacceptable et insupportable.


Ce que vous dites de Douguine s'applique en fait à tout l'Occident davosien. D'abord, le capitalisme dont vous résumez ici les principes est mort et enterré par Davos, qui le grand'remplace par une domination oligarchique dans laquelle le travailleur n'est plus (revenu universel, etc.), a perdu toute sa pertinence historique pour la démocratie et la civilisation, dont le grand livre historique doit se refermer, selon Davos, du vivant de notre génération.

Les cercles mis en place à Davos ont pour mission d'éteindre l'histoire, et bien sûr, en son sein ce qui en faisait le moteur, d'après Marx : le capital productif d'une part et les classes travailleuses d'autre part.

Un portrait de Lénine trône dans le bureau de K. Schwab. On aurait tort d'y voir une coquetterie ironique. Pour l'intéressé, le capitalisme de libre concurrence doit mourir, comme les nations, et les idiots utiles, les naïfs, qui se figurent être révolutionnaires en voulant cette double mort, ne sont que les petites mains de Schwab.

Concernant le deuxième point -- Douguine et la Russie qui voudraient "qu'il n'y ait que cela [de l'âme et du sens] à ras bord, artificiellement surajouté et surenchéri" -- c'est précisément le mal de l'Occident tel que nous le subissons qui est résumé de la sorte : la moraline et le Bien, qui empastifouillent tout l'existant par chez nous, et la vertu, qui, ayant renoncé à sauver l'humanité (par le Christ d'abord, par Marx ensuite), s'est mis en tête de "sauver la planète" par Greta Thunberg, dont la maman est une intime de Schwab.
06 mars 2022, 23:22   Qu'on voit ce qu'on croit
» A-t-on déjà vu psyché plus moisie et ravagée que cette psyché occidentale...?

D’après ce que j’ai compris, Musk a répondu à la demande des Ukrainiens de mettre à leur disposition son service d’internet par satellite.
Vous pointez le côté "moisi et ravagé" de cette initiative, alors que la véritable désolation, au sens le plus littéral et concret, n’est causée strictement que par l’action russe. Typique.
Derechef, je ne crois pas que l’"Occident davosien" veuille la mort du système économique et social, de la sorte de vision du monde même, qui l’a fait émerger lui-même et a assuré son succès ; pas du tout.
Les entreprises membres de cette coterie ont toujours absolument besoin, comme toute entreprise, de populations suffisamment riches et consuméristes, de plus en plus riches et consuméristes, pour alimenter et augmenter leur chiffre d’affaires et leur permettre de continuer de satisfaire aux critères d’appartenance au club.
On dirait plutôt une joyeuse bande de caciques se reposant sur ses lauriers, par endroits un peu desséchés et défraîchis, "moisis" peut-être, si l’on veut, s’auto-congratulant, s’agitant un peu, faisant semblant de se remettre en question, parlottant, papotant, surinant et baisottant dans les coins, se donnant belle et bonne conscience, tirant des plans sur la comète, entre soi, épanouis et ravis de ce qu’ils sont et de ce qu’ils ont réalisé, heureux de vivre après tout, cela fait plaisir à voir…
Certes pas la sombre cabale méphitique qui voudrait insensément couper les branches de la canopée sur lesquelles ils sont si confortablement installés.

Je vois plutôt la surenchère de "moraline et de bien" , de la part de ces gens tout du moins, comme une sorte d’excès de bonne conscience qui s’est un peu emballée : de façon plus générale, c’est toujours une façon d’étouper, de calfeutrer davantage le cocon protecteur et personnel dont je parlais plus haut, et d’éviter les conflits trop violents, qui pourraient nuire à l’équilibre relatif de l’ensemble (cela ne donne pas toujours les meilleurs résultats).
Le libéralisme occidental est peut-être une méthode d’expansion par le vide : il veut créer des espaces neutres, impersonnels, aménageables à volonté, laissant le soin de l’ameublement aux goûts particuliers, finalement : cela participe de la nature de l’argent : neutre en soi, il est un moyen pour ce que l’on veut en faire. Ne cherchez pas dans ces espaces d’âme et de sens déjà là, justement, on pourra éventuellement y pourvoir tout individuellement.
Cela ne tue pas, ne brutalise pas non plus de façon malséante, du moins pas volontairement : cela peut aseptiser et euphoriser, on peut résister en chambre…

Revenons à Douguine : je crois que sa détestation viscérale du libéralisme (le "monde moderne") est principielle et originelle, et ne vise pas seulement Davos : c’est la modernité comme processus de subjectivisation rationnelle qu’il vomit.
Tel Hegel s’extasiant devant les troupes napoléoniennes réalisant sous les pas des chevaux l’Absolu, Douguine assimile l’avancée actuelle des chars russes à une véritable marche de l’Histoire, comme accomplissement de la « révolte contre le monde moderne ».
C’est son droit. Il n’a cure de la destruction effective d’âmes et de biens s’ensuivant, qui promet d’être massive, il s’en contrefout même, ou y est aveugle, ou l’estime nécessaire. L’avancée des troupes est hoquetante, à tout le moins, l’Histoire bégaie, et pourrait éventuellement tout, mais absolument tout, détruire sur son passage : les prodromes du grand tumulte à venir auraient même pu être immédiatement radioactifs si les obus égarés avaient atteint un cœur de réacteur.
En bref, les implications pratiques de la pensée de ce personnage, mises en œuvre par son agent exécuteur (Poutine), le rendent infiniment plus dangereux pour nous tous que la petite Thunberg, tout autiste qu’elle soit, voyons…
Nous en sommes là, disais-je plus haut. Voilà quel produit d'appel l'Ukraine est aussi devenue en se "démocratisant" : [techno.konbini.com]

La démocratisation, la libéralisation, cela mène bel et bien à l'anti-civilisation du plan cul, de la malbouffe, de la GPA et des réseaux sociaux. Cet effondrement moral et intellectuel qui contamine l'Est s'occidentalisant avait de quoi rendre fou Poutine, ce qui n'excuse évidemment en rien ses crimes barbares mais les explique en partie.
Les Frère musulmans puis leurs progénitures terroristes partagent ce dégoût que suscite l'Occident qui se fout en l'air en se vautrant dans l'inculture et la laideur. Pour rappel, l'islamiste Khaled Kelkal, dixit un de ses proches, était épouvanté par les "blagues en dessous de la ceinture" des Français.
- Un taxi, à la fin des années 1950, file dans les rues d'Alger. À l'arrière, ceux qui allaient devenir mes parents, s'embrassent timidement. Le chauffeur : Sortez, c'est pas un bordel ma voiture !
Nous retournons l'estomac des Russes poutiniens et des islamistes. Et nous nourrissons leur paranoïa victimaire en cultivant, sûrement à notre corps défendant, l'équivoque à leur égard. Nous les ménageons (pas d'OTAN pour l'Ukraine, l'islamisation bienheureuse de la France) mais on dirait que le mal est fait, le message par eux demeurant interprété de travers.
07 mars 2022, 18:04   Re : Restons simples
Si, comme l’écrit Alain Eytan : « Dans son principe, le libéralisme est un laisser-aller qui voudrait qu'on entrave le moins possible, dans le cadre de ce que peut permettre une vie en société, la nature de l'homme (…) » Et que : « Ce qui se révèle alors de l'homme livré à lui-même, dans son cocon, tout à sa plus banale authenticité, n'est peut-être pas si réjouissant : remplissage de gueule et vacuité spirituelle sont le lot le plus commun.», on ne voit vraiment pas quelle sorte de paix pourrait installer un tel système et comment, au contraire, la guerre ne lui serait pas naturellement et périodiquement indispensable parce que le « remplissage de gueule » et « la vacuité spirituelle », ne suffisent pas et qu’à la fin, on a envie, ou besoin, de tout casser pour retrouver l’appétit ou remplir l’esprit.
Et la vie en Russie, c'est mieux ? Ou en terre d'islam ? Vous êtes sûr ?
Non mais vous vous foutez de la gueule du monde : la Russie, sous toutes ses moutures politiques, fut à l'époque contemporaine (au sens anglo-saxon, disons au cours du dernier siècle) quelque chose qui ressemblait fort à un désastre. Mais un désastre puissant : par son ampleur pour les individus, et parce que cet immense pays, invaincu et imprenable, fut aussi une puissance menaçante pour l'extérieur.
La suffocation des soviétiques sous leur chape de plomb, Beria, le goulag, les famines, l'impéritie, la prévarication et le délabrement généralisés, les gueules des apparatchiks, Tchernobyl, l'oligarchie maffieuse et le capitalisme sauvage et délétère après l'écroulement de l'empire, jusqu'aux philippiques glaciales de Poutine qui claquemure son pays et s'en-va-t-en-guerre, jusqu'à la tête de Douguine, tout cela est, quintessentiellement, russe.
Un désastre essentiellement russe, donc, parce que russe ? Les peuples sont tout de même responsables de ce qu'ils deviennent, et on peut fort bien penser que c'est ce qu'ils sont, en propre, qui détermine leur histoire particulière.

C'est là où cela confine à la farce : cette "Tradition" dont Douguine fait si grand cas, motif ultime de l'âme du peuple, qu'est-ce en l'occurrence, sinon la raison même de cette faillite ?
07 mars 2022, 18:23   Re : Restons simples
Citation
Roland Destuves
Si, comme l’écrit Alain Eytan : « Dans son principe, le libéralisme est un laisser-aller qui voudrait qu'on entrave le moins possible, dans le cadre de ce que peut permettre une vie en société, la nature de l'homme (…) » Et que : « Ce qui se révèle alors de l'homme livré à lui-même, dans son cocon, tout à sa plus banale authenticité, n'est peut-être pas si réjouissant : remplissage de gueule et vacuité spirituelle sont le lot le plus commun.», on ne voit vraiment pas quelle sorte de paix pourrait installer un tel système et comment, au contraire, la guerre ne lui serait pas naturellement et périodiquement indispensable parce que le « remplissage de gueule » et « la vacuité spirituelle », ne suffisent pas et qu’à la fin, on a envie, ou besoin, de tout casser pour retrouver l’appétit ou remplir l’esprit.

Voilà ! Tout cela, en somme, va un temps... (Je me souviens d'une de ces Chinoises de la classe moyenne supérieure qui visitent Paris les poches remplies de biftons, qui expliquait sur France 5 qu'après s'être bien empiffrée de burgers, cela au bout d'une première vie nourrie au congee, elle comptait "apprendre le vin".)
07 mars 2022, 18:37   Re : Restons simples
» à la fin, on a envie, ou besoin, de tout casser pour retrouver l’appétit ou remplir l’esprit

C'est vous qui le dites : cela a tenu relativement longtemps, et continue du reste, parce que les Occidentaux-libéraux-démocrates n'ont toujours pas, mais alors pas du tout, envie de se battre. La preuve...
Et vous-même, perso, vous avez envie de vous dégourdir les jambes et de vous offrir une petite virée martiale, bien sanglante, à la dure, pour vous changer les idées ?
"Et la vie en Russie, c'est mieux ? Ou en terre d'islam ? Vous êtes sûr ?"

Non bien sûr. Je dis autre chose : qu'avoir colonisé des modes d'être avec des modes de vie réduits à la quête hypnotique du plaisir est un racisme qui, cela ne vous aura pas échappé, suscite en Russie et terre d'islam, pour ne parler que d'elles, un soupçon de frustration, de ressentiment et d'ambivalence... C'est aussi l'intoxication de leur culture conservatrice que nous font payer terroristes islamistes et chars russes. Libéraliser, c'est diaboliser, tourmenter, cliver, créer des résistances désastreuses au mimétisme. Cela saute aux yeux.
Racisme... Égarement de la jouissance... L'Autre...

[m.youtube.com]
07 mars 2022, 19:55   Chacun pour sa gueule
A votre façon, Pierre Jean, vous perpétuez quand même pas mal le "complexe de l'homme blanc" : interdiction d'être heureux (selon la conception qu'on se fait du bonheur) sous peine de vexer les voisins !

Spontanément, pourtant, nous sommes en droit d'estimer que nous avons tout autant le droit de nous vautrer dans l'égoïsme hédoniste, si c'est notre truc, qu'un fou de Dieu de couper des têtes ou qu'un Douguine de conchier la pourriture occidentale, enfin... Le contraire serait un comble !
"A votre façon, Pierre Jean, vous perpétuez quand même pas mal le "complexe de l'homme blanc" "

Je ne vous le fais pas dire, moi qui consomme à tout-va ces fruits du pêché qui saturent nos sociétés sans entrave ! Mais au prix de quelques tourments, tout de même, que la camisole chimique ne parvient plus vraiment à mater. La moindre entaille à mon train de vie me mine profondément. Bref, on n'est que des hommes et je m'efforce d'être le moins dupe possible. D'autre part, à l'échelle de la personne, l'ambivalence ne va pas que dans un sens. Ainsi ai-je souvent eu des amantes arabes, la mère de mes enfants est égyptienne, je suis à tue et à toi avec les derniers Chibanis du quartier et suis incollable sur biens des productions culturelles algériennes. Et pourtant, de manière générale disons, les Arabes me sortent des yeux... mais un peu comme le héros fordien qui ne peut vivre trop longtemps loin de ces Indiens dont il ne semble devoir parler que durement et avec dédain.
07 mars 2022, 21:43   Re : Restons simples
"Et vous-même, perso, vous avez envie de vous dégourdir les jambes et de vous offrir une petite virée martiale, bien sanglante, à la dure, pour vous changer les idées ?"

Il ne s'agit pas de moi ni de personne en particulier mais de "l'homme" chez qui le libéralisme révélerait le "remplissage de gueule" et le "vide spirituel", c'est vous qui l'écrivez et je ne fais prendre cette opinion au sérieux. Si vous dites vrai, j'observe simplement que cela conduit nécessairement à la guerre parce que, à mon avis, c'est une impasse. Et d'ailleurs, à quand faites-vous remonter le libéralisme ? Les deux grandes guerres, leurs millions de morts, et la multitude de "petites", depuis le début du XXè siècle, n'ont-elles pas eu lieu sous ce bénin système libéral ? A moins que vous ne pensiez, chaque fois qu'elles ont éclaté, que c'était unilatéralement à cause des ennemis du-dit système, acharnés à vouloir empêcher l'homme de se remplir le ventre et de se vider la tête, seul horizon qui serait le sien ?
07 mars 2022, 23:44   Re : Restons simples
Quand Douguine vilipende le "libéralisme démocratique occidental", je suppose qu'il cible plus précisément le mode de vie occidental tel qu'il s'est progressivement mis en place au sortir de la Seconde Guerre mondiale, lequel met en avant l'individualisme (libertés individuelles, droit au "bonheur individuel" etc.), le libéralisme économique ou capitalisme (voir Adam Smith), ce dernier pouvant du reste aussi inclure certains éléments de "social-démocratie" qui prétend corriger un capitalisme trop sauvage mais certainement pas le supprimer, la démocratie de préférence représentative, le consumérisme, l'égoïsme hédoniste et le nombrilisme subséquents.
Toutes sociétés où le loisir, le plaisir, le souci de soi, le chez-soi, le smartphone, la smart-tv à grand écran, le spectacle, les "droits" (à la différence et de toutes sortes), le droit fondamental à ce qu'on pourrait appeler la "douilletterie" existentielle, personnelle et égoïste en règle générale, ont une place prépondérante.
La liste n'est pas exhaustive, bien sûr...
Bref, tout ce qui semble bien être le produit de la possibilité d'avoir allié, économiquement et socialement, un relatif confort matériel pour le plus grand nombre (émergence d'une classe moyenne petite-bourgeoise majoritaire) et la liberté de vaquer à ses petites affaires, quelles qu'elles soient, cela érigé en idéal tout du moins, dans un cadre de vie où il est dit que l'on doive rendre le moins de comptes possibles à toute instance jugée par trop extérieure ou transcendante dont on n'a plus vraiment que faire : Dieu, la tradition, quelque ordre cosmique...

Soit dit en passant, cette Seconde Guerre mondiale a tout de même été provoquée par le bellicisme très ostentatoire d'une doctrine politique et sociale qui abhorrait les grands principes dudit système, et prétendait revenir à une source bien plus originelle, plus totale, plus totalitaire, de part en part traditionnelle et du peuple, völkish...

Encore une fois, ce "système" tient le coup depuis longtemps déjà, rien n'indique actuellement que ses tenants n'aient de cesse qu'il ne soit radicalement changé, au contraire, et je ne vois toujours pas pourquoi cela constituerait forcément une "impasse"...
"Toutes sociétés où le loisir, le plaisir, le souci de soi, le chez-soi, le smartphone, la smart-tv à grand écran, le spectacle, les "droits" (à la différence et de toutes sortes), le droit fondamental à ce qu'on pourrait appeler la "douilletterie" existentielle, personnelle et égoïste en règle générale, ont une place prépondérante."

Le problème, à mon avis, c'est que la "douilletterie" existentielle que vous décrivez ne connait pas de limites, surtout si elle devient un des piliers des échanges économiques ou, plus justement, une occasion d'assouvir la cupidité abyssale de certains. Parce qu'on n'est jamais assez douillettement installé dans un "remplissage de gueule et une "vacuité spirituelle", on est nécessairement conduit à s'abrutir et l'abrutissement final, c'est la guerre.

Vous évoquez "la liberté de vaquer à ses petites affaires, quelles qu'elles soient, cela érigé en idéal tout du moins, dans un cadre de vie où il est dit que l'on doive rendre le moins de comptes possibles à toute instance jugée par trop extérieure ou transcendante dont on n'a plus vraiment que faire : Dieu, la tradition, quelque ordre cosmique..." Cependant, la "pandémie" a bien montré qu'il a été demandé au public de rendre le plus de comptes possibles à des instances qui, pour n'être pas transcendantes, n'en ont pas moins eu tous les traits d'une religion.

Quant à l'irruption guerrière des théories nazies en Europe, on ne peut raisonnablement pas les dissocier de l'irrationnel conflit précédent, la Grande guerre, tout comme ce qui se passe aujourd'hui en Ukraine ne peut se comprendre sans considérer la fin de l'URSS.
» Le problème, à mon avis, c'est que la "douilletterie" existentielle que vous décrivez ne connait pas de limites

J'aurais plutôt tendance à dire que rien n'est plus opposé au "douillet" que le "sans limites" : c'est tout de même un moyen terme du plaisir et de la satisfaction, un entre-deux doucement euphorique qui répugne aux éréthismes, à l'infini, l'absolu, le drame, les conceptions trop entières des choses.
Convenez que nous sommes là dans une certaine médiocrité générale consentie (au sens littéral, qui constitue une moyenne) : il s'agit de classes moyennes, de petite-bourgeoisie, de remplissage de gueule obtenu à bon compte par de la distraction un peu niaise, souvent, mais pas totalement débile non plus, n'exagérons rien, avec parfois de petites pointes d'incitation à la culture, un mol intérêt, mais sincère, pour les choses de l'esprit etc.
Ainsi peut-on penser que la douilletterie s'assigne à elle-même ses propres limites, ne verse certainement pas naturellement dans l'extrême que serait un abrutissement total, donc possiblement martial et violent.
Le douillet a ses aises dans le doux, c''est aussi simple que ça.
Et comme la combustion hédoniste, pour ainsi dire, se fait à petit feu, presque sur un mode précautionneux d'économie d'énergie raisonnable, cela peut durer longtemps...
Ce "système", pour reprendre votre terme, est honnête, il rend compte de la condition sociale telle qu'elle est probablement : dans tout groupe donné, il y aura toujours une majorité médiocre, et une minorité plus exigeante, c'est ainsi ; or cette espèce de relative viduité collective n'empêche pas en réalité que les individualités plus affirmées puissent également trouver nourriture plus substantielle, chez soi, parce qu'en fait tout ou presque est à disposition, et beaucoup plus facilement qu'avant, dans cette formidable monadologie virtuelle et interconnectée que sont ces sociétés modernes.


» Cependant, la "pandémie" a bien montré qu'il a été demandé au public de rendre le plus de comptes possibles à des instances qui, pour n'être pas transcendantes, n'en ont pas moins eu tous les traits d'une religion.

Ce n'est pas tout à fait faux, mais n'oubliez pas que le motif prédominant de cette "religiosité" au petit pied était la peur : peur qu'un élément extérieur, incontrôlable, vécu comme l'intrusion terrifiante d'une nature inhumaine, ne sème la maladie et la mort et ne rompe le douillet équilibre.


» on ne peut raisonnablement pas les dissocier de l'irrationnel conflit précédent

Je suis plutôt d'avis que le nazisme, dans ses œuvres, a pris un tour tellement irrationnel, à tous les sens du mot, qu'on peut parfaitement le dissocier de tout ce qui est raisonnable.
"J'aurais plutôt tendance à dire que rien n'est plus opposé au "douillet" que le "sans limites" : c'est tout de même un moyen terme du plaisir et de la satisfaction, un entre-deux doucement euphorique qui répugne aux éréthismes, à l'infini, l'absolu, le drame, les conceptions trop entières des choses."

Certes. Mais vous ne citez pas entièrement ce que j'ai proposé : "...surtout si elle [la "douilletterie"] devient un des piliers des échanges économiques ou, plus justement, une occasion d'assouvir la cupidité abyssale de certains." Autrement dit, la "douilletterie", quand elle devient un marché juteux, ne connait pas de limites et conduit nécessairement à l'abrutissement. Quoi de plus "douillet" que l'abrutissement ?
11 mars 2022, 19:25   L'homo douillet
A quoi j'avais répondu, me semble-t-il : « Ainsi peut-on penser que la douilletterie s'assigne à elle-même ses propres limites, ne verse certainement pas naturellement dans l'extrême que serait un abrutissement total, donc possiblement martial et violent.
Le douillet a ses aises dans le doux, c''est aussi simple que ça.
Et comme la combustion hédoniste, pour ainsi dire, se fait à petit feu, presque sur un mode précautionneux d'économie d'énergie raisonnable, cela peut durer longtemps... »

Jusqu'à quand précisément ? Je n'en sais rien, sky is the limit, mais quelle que soit la contradiction que devrait nécessairement réaliser tout segment d'histoire (dit-on), l'homo douillet me semble avoir encore de beaux et doucement satisfaits jours devant lui (si tant est que des brutes méchantes ne précipitent pas prochainement le monde dans le chaos et la désolation, bien sûr)...
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