Récapitulons:
1. l’âme du sujet continue de loger dans la main de son créateur (dans la main de Dieu chez les hommes croyants en un Dieu créateur de toutes choses, et le sujet ne peut pas ne pas lui obéir sous peine de mort) ou, s'il s'agit d'un objet, entre les mains de son ingénieur, comme pour la voiture automobile autonome, comme aussi et plus simplement l’âme du sac de farine qui ne loge pas dans le sac mais dans la main du boulanger. Dans ce mode d’âme extérieur, le sujet et l’objet ne se différencient guère et leur autonomie relative n’est en aucun cas liberté. La liberté du croyant dans l’Islam n’est point : son mode d’être est l’obéissance à Dieu, et tout acte de désobéissance de sa part appelle la sanction fatale de l’anéantissement, du
débranchement, pour employer ce terme qui renvoie à la vision transhumaniste de ce mode d’âme. Le sujet vit branché à ses maîtres, ou à son Maître, si son créateur est divin comme dans l’islam, et cinq prières par jour sont requises pour entretenir la connexion.
2. L’âme s’est détachée de la main du Créateur pour un séjour limité (une vie et pas deux ni davantage) dans le cœur du sujet, son corps, et c'est le corps chrétien habité d’une âme investie en lui par le sacrement du baptême. Quand les catholiques affirment que Jésus est Dieu fait homme, c’est de cela qu’il est question : il y a eu médiation et descente de l’instance divine dans le corps de l’humanité. Les conséquences de cette incarnation sont phénoménales: le sujet n’est plus autonome mais
libre, libre, donc, de faire aussi le Mal, de s’égarer, de se perdre, de renier Dieu sans encourir la moindre sanction ici-bas, et pis encore : de se figurer erronément, de nourrir l’illusion facile qu’il est lui-même Dieu (et c’est le régime « droits de l’homme » qui remplace la primauté du droit divin) ! Toute liberté porte en soi son lot de dangers, mais la liberté mise en nous par le Christ est assurément la plus dangereuse, sachant aussi qu’elle reporte toute sanction à l’heure du Jugement dernier.
3. Mais il se trouve aussi que ce second mode d’âme «centre de commandement embarqué à téléguidage débranché en permanence» paraît conforme au schéma des êtres supérieurs dans le flot du vivant. Il s’agit d’une structure efficace : les individualités d’une population, d’un parenchyme s’agissant de cellules vivantes dotées d’un noyau de commandement, coopèrent, s’entraident, se groupent pour se spécialiser, au besoin, et pour former tel ou tel élément d’un méta-corps complexe, ce qui peut entraîner le sacrifice librement consenti de certains au bien commun. Cette liberté-là est créatrice, et semble porter la vie des nations, des civilisations. Elle appelle un ordre civilisé, un environnement ordonné (la forêt, par exemple, est un environnement ordonné), un νόμος civilisationnel qui promet des floraisons et des chants nouveaux à la gloire de Dieu, soit l’offrande faite à Dieu en retour de la liberté qu’il nous accorde (Notre-Dame-de-Paris était une offrande de cet ordre).
Le transhumanisme, tel qu’il se présente à nous aujourd’hui, est un mode d’être, suppose un mode d’âme, qui rétablit le branchement, le « contrôle » primitif et immanent. La liberté est abolie et l’autonomie, celle des voitures automobiles autonomes, vient la remplacer. Nos vies se vivront sous l’œil omniscient qui siège en permanence au sommet de la pyramide illuminée figurant cet ordre nouveau. L’instance supérieure et ultime ne cessera de nous éclairer, mais notre désobéissance à son vouloir, notre mauvais vouloir, signalera notre extinction en tant qu’être autonome, fera de nous une chose débranchée, abandonnée, un détritus, un brouillard à balayer et à éteindre, à mettre à mort sans cérémonie (par des injections empoisonnées, notamment).
Voilà l'alternative fondamentale à laquelle nous sommes désormais confrontés, la croisée des chemins où nous nous tenons.
A noter cet exemple de "détritus sociaux débranchés": les soignants mis à pied sans salaire pour avoir refusé les injections douteuses qu'on a voulu leur imposer. Leur mort sociale (même les syndicats les ignorent), leur statut de paria, leur non-être économique, dit tout de ce qui nous attend dans ce régime de l'âme mise en laisse, celui d'une autonomie fragile sujette à conditions. C'est aussi le sort que nous réserve le projet de "revenu universel", si cher aux gourous de Davos, et auquel vient de souscrire avec enthousiasme l'actuel capricieux dirigeant ukrainien, qui ne saurait être accordé autrement que sous conditions d'obéissance absolue aux injonctions diverses des gouvernants, aux caprices des maîtres.
(message modifié)