Il présentait toutes les caractéristiques de l’homme à principes : choses devant être faites. Peu en importait la raison, pourvu que le décret en ait cours. Serait-ce un trait plus spécifiquement juif ? On connaît la formule du livre de l’Exode, lors du don de la Torah sur le mont Sinaï : « Nous obéirons puis nous écouterons. ». Obéir d’abord. L’Injonction est principielle, elle est tout et se suffit à elle-même, l’écoute et la compréhension en deviennent secondaires et facultatives. Allez donc perdre votre temps à comprendre.
C’est dire la primauté essentielle de l’acte sur le sens, qui est toujours postposé, incertain et élusif.
Il y eut une vague d’émigration importante dans la première moitié du siècle dernier en Palestine, qui fournit l’archétype de l’homme à principes israélien : c’est le
yekke, juif originaire d’Allemagne.
On ignore précisément l’origine du terme, à quoi on accola l’épithète
potz pour faire bonne mesure. Le
potz (ou
putz), en yiddish, c’est à la fois la bite (même glissement de sens qu’en anglais quand on vous qualifie de
dick), le gland, voire le con simple et honnête. Ainsi le
yekke-potz peut se prendre en bonne part : c’est le type même de l’homme précis, pointilleux, travailleur comme un cheval de trait, intraitable sur les principes, quels qu’ils soient, d’une probité d’airain, faisant
ce qu’il faut, obtus, et très utile à avoir sous la main en cas de coup dur, quand on a besoin d’un allié sûr. S’y glissant par effraction une intelligence et une profondeur inattendues, cela peut donner des Kant, qui n’avait en vérité rien de juif.
Mon père fut tel, un
yekke-potz, parfois dans toute sa splendeur mate. De quoi il semble bien que j’ai hérité de toutes les dispositions contraires : ne considérer la vie que comme villégiature perpétuelle ; fournir en toute circonstance le moindre effort ; toujours remettre au lendemain, le plus tard est le mieux.
Au point que c’en est devenu un principe, car il en faut toujours.