Citation
Pierre-Alain Tissot
Sur la propension russe à suivre de mauvais maîtres :
l’avis d’une jeune Russe, Catherine Sayn-Wittgenstein, dans « La fin de ma Russie. Journal de 1914-1919 ».
Moguilev-Podolski, le 31 décembre 1917
Le dernier jour de l’année 1917 ! Il sera difficile de trouver dans l’Histoire d’un seul pays une année comparable à celle-ci. Ce fut terrible. Pas à cause de la révolution, pas à cause du sang versé. Ce fut terrible à cause de cette mer de bassesse, d’infamie et de saleté qui a coulé sur le visage de la malheureuse Russie pendant cette année. Cela a-t-il jamais existé qu’un peuple détruise lui-même sa patrie de ses propres mains, et la conduise à sa perte ? Qu’un peuple aveugle et stupide rejette volontairement tout son passé et se précipite dans l’esclavage de son ennemi ? Que tout ce qui est bon soit soudain qualifié de criminel et tout ce qui est bas et criminel de saint !…
Un bon Russe peut, et d'ailleurs doit, ne pas dessoûler pendant des jours : c'est le
Zapoï. Une odyssée dans les limbes, peut-être une quête... Choisir de bons maîtres pour le meilleur, dans tout ça, à d'autres...
« Zapoï est une affaire sérieuse, pas une cuite d’un soir qu’on paye, comme chez nous, d’une gueule
de bois le lendemain. Zapoï, c’est rester plusieurs jours sans dessoûler, errer d’un lieu à l’autre,
monter dans des trains sans savoir où ils vont, confier ses secrets les plus intimes à des rencontres de
hasard, oublier tout ce qu’on a dit et fait : une sorte de voyage. »
Emmanuel Carrère -
Limonov
Il semble tout de même y avoir un goût très prononcé pour le pire, le désastre...
« la Russie, sous toutes ses moutures politiques, fut à l'époque contemporaine (au sens anglo-saxon, disons au cours du dernier siècle) quelque chose qui ressemblait fort à un désastre. Mais un désastre puissant : par son ampleur pour les individus, et parce que cet immense pays, invaincu et imprenable, fut aussi une puissance menaçante pour l'extérieur.
La suffocation des soviétiques sous leur chape de plomb, Beria, le goulag, les famines, l'impéritie, la prévarication et le délabrement généralisés, les gueules des apparatchiks, Tchernobyl, l'oligarchie maffieuse et le capitalisme sauvage et délétère après l'écroulement de l'empire, jusqu'aux philippiques glaciales de Poutine qui claquemure son pays et s'en-va-t-en-guerre, jusqu'à la tête de Douguine, tout cela est, quintessentiellement, russe.
Un désastre essentiellement russe, donc, parce que russe ? Les peuples sont tout de même responsables de ce qu'ils deviennent, et on peut fort bien penser que c'est ce qu'ils sont, en propre, qui détermine leur histoire particulière.
C'est là où cela confine à la farce : cette "Tradition" dont Douguine fait si grand cas, motif ultime de l'âme du peuple, qu'est-ce en l'occurrence, sinon la raison même de cette faillite ? »