Psaumes

Youtube c'est formidable sur grand écran, comme programme TV : s'y offre une variété hétéroclite de vidéos pour tous les goûts, cela allant du dessin animé et du documentaire animalier aux émissions politiques en passant par des archives de l'INA. L'image d'un énorme berger allemand léchant un minuscule chaton, les yeux clos de plaisir, jouxtait un beau portrait de Lucette Almansor, épouse Destouche ; comment se trouvait-elle là ?? je choisis donc de voir l'interview de Lucette, divertissante, à la fin de quoi on me proposa de continuer avec celle de Céline en personne, par Pauwels ; je l'avais déjà vue, mais il y a longtemps, aussi j’applaudis : « La grande inspiratrice est la mort, si vous ne mettez pas votre peau sur la table, vous n'avez rien... Il faut payer, le gratuit pue le gratuit… La prison est un endroit noble car on y souffre, un bal à Neuilly c’est vulgaire» ; (Céline ou pas, encore un laborieux, un souffre-douleur de la Terre vallée des larmes, un moraliste dolent) ; Stéphane Zagdanski qui suivit enfonça le clou car après la souffrance nécessaire, les bas-fonds et l’impossibilité d’être il convoqua franchement les chiottes et le prophète Ezéchiel bouffeur de merde, préfigurateur de Céline : « rapport avec l’excrémentalité du monde… conception de l’écriture comme une sorte de défécation acide qui va radiographier le mensonge… » ; je faillis m’étrangler, non à cause de la teneur des propos, pas inintéressants d’ailleurs, mais parce qu’en écoutant tout cela je tétais au goulot une bouteille d’excellent Arak et, faisant un faux mouvement de gorge j’avalai de travers ; l’alcool à 55 degrés mal enfilé brûle terriblement ; pourtant j'y tiens : seul le gratuit est étincelant parce que dégagé de toute pénible nécessité ; that’s all folks.

Sacrée coïncidence : depuis quelques jours je découvre à l'usage d'une nouvelle télé acquise, un peu contre mon gré, par ma dispendieuse épouse, le visionnage, qui s'avère étourdissant, de vidéos YouTube sur écran géantissime, vidéos que je regarde depuis des années sur mon smartphone, un casque Bose sur les oreilles... Le contraste est sidérant, Deleuze, Bruno Pinchard, Billie Holyday, Jordi Savall ou Marc Lachièze-Rey n'étant plus vraiment, ou vraiment plus, les mêmes !

C'est fou, vous me tendez la perche : moi aussi j'ai le Bose, un QC35II pour être précis, mais avec quoi je regarde la télé, car toujours en pleine nuit... Bref, ce confort moderne rutilant d'imageries, c'est vraiment du jenseits von Gut und Bose...

J'ai un rapport tout à fait introverti aux objets audiovisuels, qui pour moi appellent l'immersion. Hyperacousique, j'ai vécu dans l'extase l'arrivée sur le marché de la technologie de réduction de bruit mise au point par les génies de Bose... Confession : je collectionne les casques, et possède ainsi de côté, neufs et sous emballage, deux QC 15, les vieux, les filaires qui ne sont plus manufacturés ! C'est un peu excessif mais que voulez-vous, quand on aime on s'organise, on stocke, et parfois on ne compte pas...