Ainsi la nuit. Il n’y a pas qu’Adamo. Quignard dans
Le Nom au bout de la langue décrit la pétrification qui saisit celui qui ne retrouve plus son mot : regard fixe, cervelle élongée en langue qui essaye éperdument de cracher le morceau et n’y arrive pas, les nerfs à bout de contention. Cela m’est arrivé ce jour, au retour d’un rêve inepte, qui n’est jamais comme disait Cocteau qu’ « excrément de réalité » — je ne dors que le jour —, la nuit je veille :
Ainsi la nuit. Il s’est formé un vide concret dans ma tête, comme je butai contre cet oubli solide et dur qui prenait toute la place.
Quel est donc le nom du compositeur d’
Ainsi la nuit ?? Un quatuor, interprété par les Arditti, du deuxième mouvement duquel je me souvenais parfaitement, très… nocturne, on s’en serait douté : bruissements, lucioles, infimes remuements. Me tournant et retournant dans le lit, impossible de me rendormir, et toujours rien… « Du… », « Du… », une sonorité qui commence en « Du… » ? Dusay, Dusens, Durosoir ! Durosoir ! Mais non, trop tôt.
Ainsi la nuit. Dufay ?... quand même pas… « Du… » doit être une fausse piste. J’ai récemment ainsi séché sur le nom de deux écrivains pendant une semaine, puis ai de guerre lasse laissé tomber, enterrant les osselets pour couver la chose. Cela est revenu à l’improviste, comme si une forme s’était tout à coup dépêtrée de ce qui la retenait au tréfonds pour refaire surface. Le pire est que je m'avisai, dans un demi-sommeil de plus en plus énervé, que je ne me souvenais plus non plus de l'objet de ce précédent oubli : oublié l'oubli. Je revois pourtant la tête du gars, le compositeur d'
Ainsi la nuit, une tête solide, aux traits accusés, sur la pochette d'un autre disque, la Deuxième Symphonie, orchestre de Paris, Chailly... Philips... Une tête à la Bruckner, me dis-je sottement, si la musique pouvait avoir une tête.
Je ne me souviens toujours pas, il est impératif que je retrouve seul, dans ma nuit...