« La conscience qu'a un être raisonnable de l'agrément de la vie accompagnant sans interruption toute son existence est le bonheur, et le principe de prendre le bonheur pour mobile suprême de détermination du libre choix est le principe de l'amour de soi. » (Emmanuel Kant -
Critique de la raison pratique)
Où l'on voit qu'il ne suffit pas de ressentir l'agrément, la satisfaction, le bien-être, le plaisir, mais qu'il faut en outre être conscient du fait qu'on les éprouve, se le pouvoir représenter : l'euphorie à fleur de peau ne suffit donc pas, encore faut-il qu'on sache qu'on est bien.
Je veux croire que Kant ne se contente pas du calme
pneumatique presque plat des Anciens, imperturbables champions de l'ataraxie, mais qu'il consent volontiers à ce que la surface étale de l'équanimité soit aussi parfois dérangée par des remous, des turbulences, même des Charybde aspirantes et goulues et de grosses vagues écumeuses.
Qu'il y faut donc également une certaine dose d'égoïsme, d'amour-propre, de j'menfoutisme.
Le "sans interruption" a de quoi faire tiquer, ne semble pas très réaliste : de même qu'on ne peut jouir indéfiniment d'un seul jet continu, il paraît raisonnable de ménager de temps en temps quelques pauses, pour reprendre des forces, se ramasser, se regrouper, et fermer la lucarne réflexive tant sur l'extérieur que l'intérieur : simuler le non-être, autant que ce soit possible.