Je regrette de ne pouvoir mettre la main sur la vidéo de l'exécution de ce repris de justice enrôlé dans les rangs du groupe Wagner, à qui on avait offert une façon de rédemption mais qui, relaps, avait peureusement déserté pour rejoindre les Ukrainiens. Au moins, ai-je vu avec un certain plaisir une scène de brusque décapitation à la hache d'un hobereau anglais accusé de traîtrise par le flamboyant roi Canute lui-même (Knut le Grand, dans la vraie histoire), dans la passionnante série Vikings: Valhalla. Masse ou hache, c'est quand même bien fait. Il semble que ce soient des notions, des valeurs, codes de conduite désormais inconcevables pour les limaces recroquevillées dans un mièvre confort, de l'autre côté du réel : valeurs de fraternité guerrière, de placide cruauté nécessaire, d'usage pleinement assumé de la violence brute, de dépassement de soi dans le sang versé, la guerre, la mort défiée.


« Ce que je voulais raconter se passe dans un minibus qui, d’une quelconque table ronde, raccompagne les congressistes à l’hôtel. À un feu rouge, un camion militaire vient se ranger le long du minibus, à l’intérieur duquel se propage un bruissement d’effroi délicieux : « L’Armée rouge ! L’Armée rouge ! » Le nez à la vitre, surexcités, ils sont tous, cette bande d’intellectuels bourgeois, comme des enfants au guignol quand sort de la coulisse le grand méchant loup. Édouard ferme les yeux avec un sourire de satisfaction. Son pays est encore capable de faire peur aux couilles molles d’Occident : tout va bien. »

Emmanuel Carrère - Limonov