Après m’être réveillé d’un rêve particulièrement inepte, je me suis dit que les rêves devaient être structurés comme l’esprit du rêveur, lui être littéralement consubstantiels, jusqu’à refléter une vision du monde propre et personnelle, et qu’il était vain d’y chercher autre chose que le type de rapport au monde qu’entretenait le rêveur lui-même : ainsi, pour certains esprits qui voient du sens partout, qui présupposent une origine et un devoir-être inscrits dans la trame du réel, qui sont convaincus de la nécessité d’un principe de raison suffisante englobant et ont une tendance déconcertante à confondre fait et valeur, pour les individus de type cratylien, en somme, le rêve peut pareillement avoir du sens, être susceptible de quelque interprétation instructive sur l’état de la personne, posséder intrigue et complications narratives signifiantes.
En revanche, pour ceux qui a priori ne voient de sens nulle part, ou plus exactement qui ne le considèrent que comme construction postposée et arbitraire, tributaire seulement du regard sur le monde (et point du monde lui-même), pour ceux qui n’y voient qu’artifice épiphénoménal essentiellement
faux au regard d'une inconcevable nature des choses telles qu’elles sont, il est alors fort probable que pour ceux-là les rêves ne soient autre chose que des éclats rémanents hétéroclites d’un état de veille, bribes éparses d’un puzzle sans aucune forme préexistante reconstituable : de la matière apparente en soi, absolue.
