La jeunesse est un naufrage

Il fut une époque, vieille de quelques décennies seulement, où une certaine retenue, voire un soupçon de honte, fréinait quelque peu les diatribes, l'arrogance et la suffisance des incultes, des jeunes sauvageons, des cancres, mais aussi des voleurs et délinquants, et, plus généralement, de tous ceux qui n'avaient à faire valoir que leur jeune âge comme éminente qualité.
La récente apostrophe, adressée sans aucune espèce de retenue ni de simple politesse, dont a été la victime le Premier ministre de la France, nous rappelle l'état des lieux de notre Vivre-ensemble et de la jeunesse de ce pays.
"J'ai 21 ans, vous en avez le triple (...) Je vous demande l'honneur d'être écoutée. Laissez-nous la place."
De fières paroles à méditer, émises par une personne se sachant, dans la société actuelle, protégée, fortifiée et prémunie d'attaques extérieures, par la grâce de ses seuls talents qui sont sa jeunesse et son sexe.On ne peut que proposer à cette jeune femme de se réécouter dans quelques décennies afin qu'elle puisse, peut-être, mesurer rétrospectivement, toute l'étendue de sa morgue juvénile inculte.
On peut bien sûr supposer que rien de cela n'aurait été possible, à ce niveau là en tout cas, sans le concours constant, régulier, tenace, de tous les politiques et décideurs de ce pays, qui n'ont de cesse de porter la jeunesse aux nues, de ne jamais, tel un Jack Lang, manquer une occasion de proclamer combien tous ces jeunes sont formidables et intelligents en diable. D'ailleurs ils sont presque tous bacheliers, c'est dire !
Comme dirait le général Mao : Que cent fleurs s'épanouissent.! Que chacun puisse s'exprimer sans limite, sans gêne, sans surmoi, sans aucun frein du désir. L'éducation, sans autorité parentale, cousine du fascisme, veillera au grain et assurera la venue d'hommes et de femmes, certes tous antiracistes et voulant tous sauver la planète, mais à l'ubris totalement démesuré, emplis d'outrances, de démesures, de fatuité insolente et ridicule, tout ce qu'il faut pour forger de vrais tyrans.
Il serait parfois bon aussi de rappeler combien les jeunes, malgré leur incommensurable qualité de se trouver être jeune à un moment donné de leur vie, représentent l'essentiel de la délinquance et de la criminalité, des nuisances en tout genre, et de plus en plus rares sont ceux qui affichent une nécessaire humilité face au savoir et à la culture. D'ailleurs à quoi bon puisqu'ils ont tous le bac et en savent donc bien assez. Rappeler aussi que le jeunisme a toujours fait très bon ménage avec toutes les dictatures passées, qu'elles soient communistes ou fascistes, sans parler du régime de Vichy.
Arrêtons la fabrique des enfants gâtés et capricieux, futurs tyrans.Comme le disait fort justement Jaime Semprun : A quels enfants allons-nous laisser le monde ?

Bien plus captivant serait un retour à de certaines valeurs plus helléniques, à la fois viriles et hédonistes : à la lecture de quelques ouvrages consacrés à la paideia grecque, laquelle était de préférence homosexuelle, j'avais retiré l'impression que l'essentiel de la doctrine pouvait se résumer en ceci qu'il fallait impérativement museler la jeunesse, en règle générale, mais qu'on était en outre parfaitement en droit de la baiser, cela, par-dessus le marché, pour le plus grand bien de l'éromène (qui pouvait éventuellement être une jeune fille, je crois).

A dire vrai, l'âge avançant, je ne peux m'empêcher de trouver de telles dispositions tout à fait plausibles, souples et réalistes concernant la conception de la sexualité en général (cela semblait impliquer une certaine bisexualité adaptative fondamentale des êtres) et, cerise sur le gâteau, tout cela est d'un caractère si irrésistiblement subversif et horrifique de nos jours qu'on ne peut qu'applaudir...