C'est qu'il y a deux ordres de métissage. Le métissage des individus et celui des sociétés, lequel, il y a encore trente ou quarante ans, était désigné comme "brassage". Cette distinction est celle qui vaut entre mosaïque sociale et creuset biologique.
On ne sait plus, dans le galimatias vaporeux qui caractérise le discours actuel sur "le métissage", et qu'illustre à la perfection le tract ci-dessus, duquel de ces deux phénomènes il est au juste question: le plaidoyer est indistinct, globalisant, comme l'est l'Autre ontologique.
En ce sens, ce tract est un texte philosophique qui, en fondant ces deux ordres, dégage une ontologie: le métissage en devient tout à la fois le culte de l'Autre, l'usage de l'Autre et
un culte à l'usage de l'Autre qui lui attribue une destinée, lui assigne
une place à part. Le métis étant traditionnellement un être à part, il devient, en vertu de cette ontologie, tout l'être de l'Autre en même temps que l'attribut exclusif d'autrui.
Les implications politiques de cette ontologie sont considérables, d'abord parce qu'elles sont contradictoires aux intentions humanistes déclarées de ses initiateurs.
En effet, Soi non-métis ne sera jamais assimilable à l'Autre-Métis, objet du discours de Soi sur l'Autre, c'est ainsi que si la société future doit se bâtir sur et autour de l'Autre-Métis, le soi qui institua cet Autre s'instaure en position de dêmi-ourgos exclu. Bref, cette ontologie de l'Autre-Métis fait roi, est exclusive (expulsive) de Soi. Autrement dit, l'autodétestation est une mécanique d'auto-expulsion de l'histoire et d'exclusion, la fameuse exclusion qui hante le Moderne et dont aucun politique ne veut.