"... Cette analyse progressive suit la nouvelle, découpant le signifiant, c'est-à-dire le texte matériel, le suivant tel qu'il se suit lui-même. Chaque unité de lecture - ou
lexie - correspond en gros à une phrase, quelquefois un peu plus, quelquefois un peu moins. Le découpage peut rester arbitraire, purement empirique, sans implications théoriques, dans la mesure où le signifiant ne fait pas ici problème pour lui-même. On se trouve en effet, avec Balzac, dans une littérature du signifié, qui possède un sens, ou des sens, et permet donc de découper le signifiant en visant des signifiés. La découpe a pour fonction essentielle de délimiter des unités à travers lesquelles passe un nombre raisonnable de sens: un, deux, trois, quatre sens. Car, si on découpait par paragraphe, on perdrait des articulations, qu'il faudrait par conséquent réintroduire au coeur de ces unités larges, au risque d'avoir chaque fois trop de sens;"
Extrait de
Sur S/Z et L'Empire des signes, entretien donné aux Lettres françaises le 20 mai 1970
Qu'on permette ce commentaire en raccourci: le découpage en
lexies reste la seule méthode valable en traduction des lettres chinoises, qui ne connaissent pas la phrase ou plus exactement, où les phrases d'origine n'offrent aucun moule où couler les phrases d'arrivée. Par conséquent, la méthode barthésienne de dégagement des lexies, illustrée avec esprit de système dans S/Z, possède une valeur pratique éminente dans l'ingénierie du sens et de la traduction; se voulant en effet manière de lecture sémantique, elle doit logiquement déboucher sur une libération de la syntaxe de la langue l'arrivée. Elle permet, ou devrait permettre de la part de ceux qui devraient en user, de donner en traduction du chinois des textes français démoulés de leur gangue orientaliste a-syntaxique, savoir de leur apparente platitude originelle. Son usage, son concept offrent à tout le moins la possibilité d'un premier pas décisif dans cette direction.