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Poésie municipale et (évidemment) citoyenne

Envoyé par Henri Rebeyrol 
Baudelaire pouffait de rire en voyant les tableaux de propagande, très 1848, qu'il englobait dans ce qu'il nommait "la peinture municipale"; Musset les nommait (ironiquement bien entendu) "tableaux citoyens". On pouvait (légitimement ou naïvement) espérer qu'après un siècle et demi ou plus "d'esprit critique", de "vigilance" ou même "d'insolence obligatoire", de "rebellitude consacrée", etc., ces vieilles âneries (art municipal et art citoyen) nous seraient définitivement épargnées. Que nenni ! Elles redoublent, elles prolifèrent, elles colonisent tout.

Dans un village du Luberon (l'Autre, le pays d'Aigues, pas le caviar), la bibliothèque municipale, sise, comme il se doit, à côté de l'école communale et de la mairie, célèbre à sa manière (c'est-à-dire très officiellement) le printemps des poètes, en affichant sur la façade un grand drap blanc sur lequel est peint, en lettres rouges, un poème (municipal, évidemment).
Je ne résiste pas au plaisir de le citer, serait-ce pour la franche rigolade.

"L'AUTRE EST UN JE
AUTRE QUE MOI
QUI N'AI DE JEU
QUE DANS L'EMOI
QUI NE M'EMEUT
QU'A TRAVERS D'AUTRES
INSTANTS DONT ME
GRATIFIE L'AUTRE"

Le contenu n'appelle même pas un haussement d'épaules; la forme non plus.

En revanche, le support et le dessin peuvent être commentés : un grand tissu blanc, rectangulaire, de 5 ou 6 m de haut sur 3 de large, et les lettres majuscules peintes en rouge et de 40 cm environ de hauteur. A ceux qui ont une conscience historique, ce chef d'oeuvre rappelle sans doute quelque chose : la propagande maoïste de la Chine pop avec des majuscules qui sont maladroitement calligraphiées au pinceau.
Autrement dit, sous cette poésie municipale, démocratique, républicaine, citoyenne, dans l'air du temps, très à la mode ou dans le vent, etc. se cache le pire des totalitarismes, celui des panses pleines et des gueules bouffies. Je suppose que les ânes qui ont accroché ce chef d'oeuvre sur la façade de la bibliothèque s'indignent des exactions dont sont victimes les Tibétains dans leur propre pays, sans se rendre compte que, dans la manifestation publique de leur art, ils occupent la position des Chinois.
Utilisateur anonyme
21 mars 2008, 13:23   Re : Poésie municipale et (évidemment) citoyenne
Ce poème est la meilleure définition qui doit exister d'une crampe généralisée.
Utilisateur anonyme
21 mars 2008, 13:53   Re : Poésie municipale et (évidemment) citoyenne
"un grand tissu blanc, rectangulaire, de 5 ou 6 m de haut sur 3 de large, et les lettres majuscules peintes en rouge et de 40 cm environ de hauteur"


L'esthétique, toujours l'esthétique, vous disais-je...
Quoi de plus normal ? Les gens qui n'ont rien appris sont maintenant aux affaires...
Utilisateur anonyme
21 mars 2008, 14:29   Re : Poésie municipale et (évidemment) citoyenne
"Les gens qui n'ont rien appris sont maintenant aux affaires..."

Bah... Il sont équipés de toutes les prothèses voulues et ont si bien appris à s'en servir que le nombre d'emplois auxquels un trisomique pourra postuler et honorer ne devrait cesser d'augmenter dans les années qui viennent.
« le nombre d'emplois auxquels un trisomique pourra postuler et honorer »

Oh oh, seigneur Bolacre, il va vous falloir changer de prothèse...
Utilisateur anonyme
21 mars 2008, 14:54   Re : Poésie municipale et (évidemment) citoyenne
C'est vrai, je fatigue un peu, veuillez m'excuser, je suis dans le taf jusqu'au cou (sauf aujourd'hui), entre la rédaction de notices publicitaires d'objets pour bobos et l'animation d'ateliers d'écriture dans un quartier sensible. De quoi en perdre son latin, not true ?
« l'animation d'ateliers d'écriture dans un quartier sensible »

Wow, sexy...
Utilisateur anonyme
21 mars 2008, 14:58   Re : Poésie municipale et (évidemment) citoyenne
C'est ce qui s'appelle vivre de sa plume.
Utilisateur anonyme
21 mars 2008, 15:01   Re : Poésie municipale et (évidemment) citoyenne
Soit dit en passant, j'aurais bien sûr dû mettre des guillemets à "quartier sensible", d'abord parce que c'est un syntagme absurde mais s'il fallait à tout prix mettre de la sensibilité là-dedans il faudrait plutôt dire "quartier insensible", tant les rapports entre les gens y sont rugueux.
21 mars 2008, 15:02   L'abeille municipale
"Je m'enfouis dans le tas jusqu'au cou"... et voilà Bolacre qui nous la joue "cadre surbouké", abeille vrombissante la tête dans la fleur à cambouis. Ah ça repose, de voir notre Orimont bosser comme un lion! Du coup et par comparaison, on se sent oisif et sur la touche, quel bonheur !
Dans le taf, Mister March, dans le taf...

(pardon, je suis obligé d'écrire "Mister", parce que si l'on écrit "Mr" les gens croient qu'on veut dire "M.", à présent)
Utilisateur anonyme
21 mars 2008, 20:24   Re : Poésie municipale pour ta fête
Ma chi me la fatto fare ?!
«AU taf», cher Maître, en argot de souche...
Utilisateur anonyme
25 mars 2008, 17:53   Re : Poésie municipale et (évidemment) citoyenne
La poésie municipale se traduit également de manière architecturale. Exemple en France à Nyons , ville de la Drôme provençale, berceau de l'huile d'olive. Juste derrière la mairie, la médiathèque départementale, non loin de la tour Randonne qui date de 1280 !







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