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Depuis que je suis malade, je suis contre l'euthanasie!

Envoyé par Gérard Rogemi 
A titre de contribution à la discussion ouverte par Corto je vous propose de lire cet entretien trouvé dans le Petit Journal.

TÉMOIGNAGE - "Depuis que je suis malade, je suis contre l’euthanasie"
mercredi 07 novembre 2007

Mariée à un Italien, Sylvie Ménard vit à Milan depuis 38 ans. Elle travaille à l'Istituto nazionale dei tumori, où elle est chef du département de cancérologie expérimentale. Lors d'un congrès sur l'euthanasie, elle a été invitée à prendre la parole. Non pas en tant que spécialiste mais en tant que malade

Lepetitjournal.com : Votre témoignage lors du congrès Eutanasia in oncologia a fait l'objet de plusieurs articles dans la presse italienne. Quel message avez-vous voulu faire passer ?
Sylvie Ménard : On m'a diagnostiqué il y a deux ans et demi un cancer de la moelle osseuse. Avant cela, je considérais l'euthanasie comme un droit. Depuis que je suis malade, je suis absolument contre. Si on la rend légale, l'euthanasie risque de devenir non pas un droit mais un devoir pour le patient qui, se sentant inutile et coûteux, demanderait la mort. Si on commence à légiférer, c'est la porte ouverte à tous les abus.

Quelles ont été les conclusions du colloque ?
Des médecins de malades terminaux, des juristes et des philosophes étaient présents. Beaucoup considèrent l'euthanasie comme un droit de l'homme. Mais tous s’accordaient sur le fait qu'il faut mieux accompagner la douleur et la souffrance psychologique.

L'euthanasie est-elle à proscrire dans tous les cas ?
Tout à fait. Si une personne souffre et se sent inutile, il faut avant tout soigner la dépression. Aide-t-on un dépressif sain à se donner la mort ? Tellement de gens luttent chaque jour pour vivre dignement en fauteuil ou avec des maladies en phase terminale ! Autoriser l'euthanasie, cela équivaudrait à leur infliger une gifle. Ce serait concéder qu'une vie comme la leur, ce n'est pas une vie. Or toutes les vies valent la peine d'être vécues. Je préfère courir le risque d'un peu plus de souffrance que de dire "vous avez raison, votre vie n'est pas valable".

Des considérations religieuses influencent-elles votre position ?
Je ne pense pas qu'il faille nécessairement être croyant pour voir que la légalisation de l'euthanasie serait la faillite de tout un système. Ma position touche tout le monde, et concerne uniquement la loi.

Que proposez-vous comme alternative ?
La médecine, à cause de l'hyper spécialisation, se déshumanise. Il faut retrouver un rapport entre médecin et malade fort, pour que le malade ne se sente pas désorienté. La maladie se manifeste aussi comme une souffrance morale. On a besoin des autres pour se donner le courage de continuer. La famille a elle aussi besoin de soutien, elle ne doit pas se sentir seule face à l'épreuve. Le plus important reste de développer un traitement de la douleur adapté.

Etes-vous à contre-courant dans votre profession ?
J'espère que non. Les chiffres qui avancent des pourcentages élevés de médecins favorables ne me semblent pas justes. Il conviendrait d'interroger sur une telle question uniquement les médecins au contact de malades terminaux.

Que pensez-vous des différentes législations européennes ?
Je suis contre ce qui se fait en Belgique et aux Pays-Bas. Si la loi n'existait pas, je suis convaincue que moins de malades voudraient effectivement mourir. Plusieurs études ont été menées sur la question, dont une au Canada. L'échantillon de population saine se montrait plutôt favorable à l'euthanasie, tandis que les patients en soins palliatifs n’étaient que rarement pour. L'instinct de survie reste le plus fort.

Comment les médias traitent-ils ce sujet ?
Il est très difficile de traiter un tel sujet, car la majeure partie de la population a, selon moi, un avis superficiel. Si on se lance dans des explications un peu compliquées, cela devient moins lisible. Les bien portants ne veulent généralement pas refuser un droit aux malades, ni réfléchir en profondeur à un sujet qui touche la mort, et surtout pas "leur" mort. La facilité revient à se dire favorable à l'euthanasie.

Le traitement de la douleur est-il différent en France et en Italie?
En Italie, nous sommes très en retard, peut-être pour des raisons religieuses. Pourtant, la position du Vatican est claire, comme j'ai pu le constater lors du congrès auprès du cardinal Javier Lozano Barragan (NDLR : président du Conseil pontifical pour la pastorale de la santé). Il faut développer les soins palliatifs pour que la fin de vie ne se fasse pas dans des conditions de douleur intenable, qui peut aller jusqu'à détruire l'amour que le malade porte aux autres.

Propos recueillis par Corentine GASQUET et Marie MALZAC.
Mercredi 7 novembre 2007

Les législations en Europe
En Italie : l'euthanasie est strictement interdite et passible d'un emprisonnement de 5 à 16 ans
En France : la loi Leonetti sur la fin de vie du 22 avril 2005 donne un droit au "laisser mourir", c'est-à-dire à l'euthanasie passive
L'euthanasie en Europe sur le site du Monde.fr
» Si on la rend légale, l'euthanasie risque de devenir non pas un droit mais un devoir pour le patient qui, se sentant inutile et coûteux, demanderait la mort.

Je crois que l'on a très peu considéré cette dérive culpabilisatrice ou autoculpabilisante liée à l'euthanasie. C'est à mon avis une pièce essentielle du dossier.
Utilisateur anonyme
22 mars 2008, 12:46   Re : Depuis que je suis malade, je suis contre l'euthanasie!
En Belgique il y a aussi des personnes dans le coma depuis longtemps (plus d'un an) qu'on ne débranche pas si la famille s'y oppose. Comme toujours, tout est une affaire de bon sens, de respect de chacun, et de ce qui fait, finalement, la qualité , le raffinement d'une civilisation. Qu'on se rappelle les "bonnes" sœurs, distribuant parcimonieusement les analgésiques pour ne pas contrarier la volonté de Dieu, et les parturientes, sommées d'expier leur péché dans la douleur de l'accouchement. Il n'y a pas si longtemps ! L'excès nuit en tout (comme disait l'autre), et c'est quand même extraordinaire que l'on doive encore se battre en défunctant, contre ceux qui ne veulent pas que l'on meure d'une autre façon qu'eux.
De nombreuses personnes qui sortent de leur comas, au grand étonnement de leurs proches, leur décrivent comment il avaient conscience claire et aigue du monde alentour, de la présence des uns et des autres, qu'ils entendaient les paroles prononcées, percevaient les gestes, etc. en étant seulement privés de la capacité de leur faire connaître cette perception. La personne plongée dans le coma n'est pas un absent. Il vit. Il vit! dans un présent incommunicable.
Utilisateur anonyme
22 mars 2008, 18:35   Re : C'est quand même extraordinaire...
"Comme toujours, tout est une affaire de bon sens, de respect de chacun, et de ce qui fait, finalement, la qualité , le raffinement d'une civilisation. Qu'on se rappelle les "bonnes" sœurs, distribuant parcimonieusement les analgésiques pour ne pas contrarier la volonté de Dieu, et les parturientes, sommées d'expier leur péché dans la douleur de l'accouchement. Il n'y a pas si longtemps ! L'excès nuit en tout (comme disait l'autre), et c'est quand même extraordinaire que l'on doive encore se battre en défunctant, contre ceux qui ne veulent pas que l'on meure d'une autre façon qu'eux."

Oui, c'est exactement cela. Merci cher M. Obi Wan.
Utilisateur anonyme
22 mars 2008, 18:45   Re : Depuis que je suis malade, je suis contre l'euthanasie!
Quelle naïveté, cher M. Lombart ! On est bien mieux protégé contre ce genre de dérives dans les pays qui on légiféré et posé des règles strictes que dans ceux où la question est taboue et où les médecins peuvent en définitive assez facilement faire ce qu'ils veulent, puisque la question n'est même pas posée.
Utilisateur anonyme
22 mars 2008, 18:51   Re : Depuis que je suis malade, je suis contre l'euthanasie!
Sauf que celui qui veut mourir parce qu'il se sent inutile ou coûteux n'a aucune chance d'obtenir satisfaction dans les pays ou la loi précise les strictes conditions qui permettent d'accéder à une demande d'assistance.
Utilisateur anonyme
22 mars 2008, 20:15   Re : Depuis que je suis malade, je suis contre l'euthanasie!
Cher Corto, vos paroles, avec lesquelles je suis en sympathie, mais aussi les effroyables, les stupéfiantes âneries découvertes sur ce fil et le précédent me feraient bien pencher pour un dernier petit coup de l'étrier à la mode suisse. Merci à vous et à Aline !
Et moi, j’opte pour le Champagne !

« Mais tous s’accordaient sur le fait qu'il faut mieux accompagner la douleur et la souffrance psychologique. »
« La famille a elle aussi besoin de soutien, elle ne doit pas se sentir seule face à l'épreuve. Le plus important reste de développer un traitement de la douleur adapté. »

Ces propos me font lever les yeux au ciel ! Si ce n’était pas cruel pour cette dame, je dirais qu’ils n’ont d’autre but que lénifiant. Un traitement de douleur adapté, allons donc ! Comme si l’on n’en connaissait pas les limites ! Par exemple, quiconque a jamais vécu une (vraie) crise de migraine sait, d’une part, que tout « accompagnement psychologique» de la souffrance est inutile, voire irritant (seuls le noir et la solitude sont recherchés) et d’autre part qu’AUCUN analgésique n’est capable d’en venir à bout, AUCUN!!! La morphine n’est aucunement agissante, elle vous met dans les « vaps », c’est tout, mais la douleur est toujours là, horrible, insupportable, fracassante…Mais au moins on sait que ces crises ont une fin ! (Que les plus amicaux d’entre vous se rassurent, je n’en souffre plus).
Citation
Corto
Quelle naïveté, cher M. Lombart !
(Obi)
» En Belgique il y a aussi des personnes dans le coma depuis longtemps (plus d'un an) qu'on ne débranche pas si la famille s'y oppose.

Nous avons été récemment, ma femme et moi, dans le cas de devoir annoncer aux responsables d'un service d'hôpital notre volonté en la matière, comme famille la plus proche d'un grand malade. Je puis vous dire que le refus de l'acharnement thérapeutique est un grand soulagement pour toute l'équipe médicale, et cela dans une clinique de tradition catholique. Il est bien possible que ce soient justement les services à moralité intéressée qui poussent à l'extrémisme dans le « respect de la vie »...
Il me semble que le film "Les invasions barbares" traitent plutôt superbement de ce sujet. Qu'en pensent les forumistes ?
Utilisateur anonyme
23 mars 2008, 11:30   Re : Depuis que je suis malade, je suis contre l'euthanasie!
Bernard
En Belgique il y a aussi des personnes dans le coma depuis longtemps (plus d'un an) qu'on ne débranche pas si la famille s'y oppose.

Je voulais montrer avec cet exemple extrême que l'euthanasie n'est donc pas pratiquée arbitrairement comme certains le craignent ou le sous-entendent. Un hôpital catholique sera évidemment plus enclin à conserver la vie (et encore) en offrant une possibilité de choix supplémentaire selon sa philosophie. Je suis contre évidemment l'acharnement, qui prit dans sa connotation négative va jusqu'à la cruauté.
Je n'ai pas encore vu ce film, Cassandre.
Mais, Obi Wan, nos opinions ne sont pas opposées, loin de là. La principale chose à redouter, en la matière, est la simplicité de la propagande...
Utilisateur anonyme
23 mars 2008, 20:28   Re : Depuis que je suis malade, je suis contre l'euthanasie!
En parlant de simplicité de la propagande, dites-moi cher Bernard, qui a la langue la plus fourchue, entre mon modeste discours et celui du Cardinal Danneels :

« En quittant ainsi la vie, on ne répond pas au problème de la souffrance et de la mort. On la contourne. Contourner n’est pas un acte d’héroïsme, ce n’est pas de la matière pour les nouvelles des premières pages », a déclaré le cardinal Danneels.

Amen
Les propos de ce médecin sont absolument sidérants. Que penserait-elle du beau final d'Hugo Claus? Elle semble ignorer que le désir de quitter la vie n'est pas toujours, pas systématiquement un symptôme dépressif, ce qui est assez inquiétant.

"Toutes les vies valent la peine d'être vécues." Et cette femme est chef du département cancérologie d'un institut national... La vie ne vaut pas la peine d'être vécue si elle perd son sens, si j'estime qu'elle a perdu son sens. Et cela ne relève pas dans tous les cas d'un déréglement neurologique ou endocrinal, c'est ce qu'on appelle une appréciation morale, ou philosophique, ou... enfin quelquechose qui échappe à la technique médicale et à la vision étriquée de madame Ménard.
Bien chers amis,


Nous avançons tous en âge et, je le suppose, avons pour la plupart connu un proche dans cette situation, et nous nous sommes peut-être posé la question pour nous-mêmes.

De mon côté, je ne sais que dire...


Je vous conseille la lecture, pour une fois, de Simone de Beauvoir. Dans "Une mort très douce", on voit le Castor, d'habitude écrasée de certitudes, pour la première fois hésiter et, à la fin, ne pas conclure (pour résumer, sa mère, Françoise de Beauvoir, agonise d'un cancer tardivement diagnostiqué. Sa mère veut "durer", les médecins veulent qu'elle "dure", Simone de beauvoir et d'autres souhaitent voir son calvaire s'achever. Il n'y a, dans cette affaire, ni noir, ni blanc).

Pour avoir fréquenté les services de cancérologie à titre à la fois familial et personnel, je puis vous affirmer que bien fou est celui qui, en la matière, proclame une vérité absolue.
Bien chère Aline,


Je n'ai pas de compétence spéciale en algologie, et je conçois tout à fait que des douleurs comme celles de la migraine ne puissent être facilement maîtrisée.

Pour ce qui est de la morphine, il est effectivement connue qu'elle est d'une faible efficacité contre les douleurs des cancers digestifs, qui sont atroces.

Elle est en revanche très active sur des douleurs qualifiées "d'extrêmes", comme celles de la colique néphrétique ou de la chirurgie thoracique (ayant expérimenté les deux, je puis en témoigner).

Du point de vue de la psychologie, on a noté des choses tout à fait intéressantes : lorsque le patient peut lui-même agir sur l'administration de morphine, sa consommation est plus faible que lorsqu'il dépend d'une infirmière pour les injections.
Bien cher jmarc,

Ce que vous dites sur la migraine m'amène à vous soumettre un cas, qui fut le mien, lors d'une crise de paludisme il y a une dizaine d'années. Après les sueurs (abondantes et glacées), la fièvre retombait soudainement, ce qui procure une sensation de bien-être et de légèreté qui ressemble à celle qui fait suite à un orgasme. C'est la sensation bienheureuse d'être guéri enfin, et libre à tout jamais de ce mal. Puis, une heure et demie ou deux heures plus tard, se manifeste à nouveau la fébrilité, l'amorce d'un malaise général, et la fièvre remonte en flèche à deux heures, et avec cette remontée, vient la migraine. Une migraine indescriptible, à hurler, incompréhensible, qui ne connaît aucun plateau. Le paroxysme de cette migraine, qui précède les sudations, je ne connais pas de mot pour en dire l'effet. J'ai cherché dans ces moments une solution, une suppression rapide et radicale qui m'aurait apporté la joie. Dans ces moments, si une arme à feu, un objet contondant quelconque se fût trouvé à ma portée, je me serais brûlé la cervelle, tranché la carotide avec joie. Je dis bien avec joie, sans l'allégresse morale ou philosophique que certains ont cru bon de chanter ici: la seule joie, la jubilation victorieuse de qui se débarrasserait du démon d'un seul trait, sans une seconde de réflexion.

J'ai remercié plus tard la femme qui se trouvait à mes côtés pendant ces journées là de n'avoir pas eu l'atroce compassion que certains louent avec faste et tant d'imprudence sur ce forum.

Je vous raconte ça à vous, convaincu que les autres ne comprendront pas, leur réaction ne m'intéresse pas: Tout ce qu'ils connaissent de la mort est l'hôpital où ont fini leurs parents. Ils n'ont visiblement fréquenté ni les suicides sous les trains, ni l'auto-pendaison des jeunes gens; ils seraient sinon plus modestes avec le sujet qui les agite.
» Tout ce qu'ils connaissent de la mort est l'hôpital où ont fini leurs parents.

Comme vous y allez !
Utilisateur anonyme
24 mars 2008, 09:48   Re : Sujet très difficile
Pour avoir fréquenté les services de cancérologie à titre à la fois familial et personnel, je puis vous affirmer que bien fou est celui qui, en la matière, proclame une vérité absolue.

Cher JMarc, c'est ce que je me tue à vous dire.
» Cher JMarc, c'est ce que je me tue à vous dire.

Tout de même, on ne vous demande pas un argument de ce poids...
Mais je ne crois pas qu'il soit question, en Suisse, en Belgique, aux Pays-Bas, de mettre à mort selon des procédés expéditifs tout patient qui s'écrierait, sous le coup d'une douleur insupportable : "tuez-moi, par pitié, tuez-moi!" N'oublions pas que l'euthanasie n'est accordée qu'à l'issue d'une demande réitérée dans le temps, motivée et réfléchie - ce qui ne saurait concerner le cas que vous évoquez à travers votre expérience, Francis.

Il est vrai toutefois que les effets de la souffrance sur l'état psychique, et sur la perception de l'avenir, doivent être évalués avec la plus grande finesse. Nombreux sont les cas où la guérison, ou simplement l'atténuation de la douleur, chasse les pensées suicidaires. Mais ne me dites pas qu'un médecin peut ignorer ces intrications des états physiques et psychologiques. Je suis certain que le droit à l'euthanasie est appliqué avec la plus grande prudence. Je n'ai pas entendu parler d'abus notoires dans les pays où elle permet à ses habitants, depuis longtemps déjà, d'être libérés sans boucherie du fardeau de leur existence.
Utilisateur anonyme
24 mars 2008, 16:04   Re : Depuis que je suis malade, je suis contre l'euthanasie!
Parfaitement d'accord avec Cassandre sur le traitement de l'euthanasie dans le film "Les invasions barbares". Que d'amour autour de ce départ !
Utilisateur anonyme
24 mars 2008, 16:13   Re : Sujet très difficile
Bien sûr que c'est un sujet très difficile, cher jmarc, et qu'il n'y a pas de vérité absolue. C'est pourquoi, à mon avis, seule la vérité ou, en d'autres termes, la volonté de la personne concernée doit l'emporter. Ainsi, pour la mère de Simone de Beauvoir, c'était assurément, à mon avis, la volonté de durer de la mère qui devait être respectée.
Bien cher Francis et bien chère Aline,


J'ai toujours réussi à échapper au paludisme et à la migraine. Mon grand-père, "vieux colonial", souffrit toute sa vie de crises de paludisme, à une époque où les traitements étaient pour le moins réduits.

C'était effrayant.
24 mars 2008, 16:49   Mensonge
Le problème, bien cher Corto, est que dans ces cas-là tout le monde ment à tout le monde :


- les médecins au mourant : "cela va passer", "mais ce n'est pas grave du tout"...

- le mourant à ses proches (alors que souvent il sait) : "mais je vais très bien, ne vous inquiétez pas...

- les proches au mourant, et ainsi de suite.


Le système ancien, par l'administration du viatique, fournissait cette "certitude commune" qui coupait court aux ambiguïtés.
On parle beaucoup de la souffrance, mais peu de l'angoisse.

Or, c'est souvent le plus éprouvant pour un agonisant.
Utilisateur anonyme
24 mars 2008, 17:10   Re : parler de sa mort
Pour ma part, cher jmarc, j'ai plutôt constaté que le mourant qui veut qu'on lui parle franchement reçoit généralement des réponses franches de son médecin. Quant à l'entourage, vous avez raison. Et c'est terrible de savoir que l'on va mourir bientôt et de ne pouvoir en parler avec ses proches qui font semblant de le nier. Mon grand père, horticulteur, disait à 95 ans : "Je ne peux plus travailler, il est temps que je meure". Et tout son entourage de le rabrouer ! Il est mort peu après.

Comme l'écrit Ernst Jünger dans son journal ("Soixante-dix s'efface", tome IV, p. 124) :

"Jadis le paysan se mettait au lit, lisait un passage de la bible et mourait. On ne s'en tire plus aujourd'hui à si bon compte."
24 mars 2008, 17:27   Souvenir personnel
Mon grand-père est mort à une époque durant laquelle on ne disait pas lé vérité aux malades, sauf à la fin.


La veille de sa mort, le médecin ne laissa plus d'espoir à la famille. Ma mère alla donc le voir, et lui demanda s'il voulait voir le prêtre. Il s'étonna d'abord et lui dit que celui-ci était venu la veille, et qu'il faisait fort mauvais temps. Il demanda alors à ma mère si, de son point de vue, cela pouvait attendre. A son visage, il comprit que non, et il lui demanda d'en effet appeler le prêtre.
Simple manière de rappeler que tout le monde n'a pas des parents qui ont eu la bonne fortune de mourir dans leur lit, fût-il d'hôpital.
Je ne serais pas mécontent d'avoir affaire à des médecins juste assez hypocrites pour conserver en moi vivante, le plus longtemps possible, la flamme de l'espérance. Alain disait qu'un bon médecin n'écoute pas ses patients. Il ne geint pas avec eux, c'est le b.a. ba de tout art thérapeutique, dont le célèbrissime docteur Coué fut le grand théoricien. Ses patients ressortaient de son cabinet avec le sourire, il savait mieux que quiconque les persuader qu'ils allaient bien, ou beaucoup moins mal que ce qu'ils croyaient. Il obtenait des résultats incroyables. Jusqu'au bout j'aimerais qu'on m'aide à m'imaginer guéri. (Quand je dis jusqu'au bout, évidemment cela veut dire : jusqu'au moment où le combat doit laisser place à la sagesse.)
24 mars 2008, 19:58   Re : parler de sa mort
Le plus terrible est quand le malade sait qu'il est perdu, que son entourage lui ment mais que pour ne pas chagriner ses proches ou par dignité il feint de les croire tandis que l'entourage se demande si le malade est dupe ou non et dans le doute continue à se montrer optimiste. Je ne connais rien de plus pénible que la comédie hasardeuse qui se joue alors entre l'un et les autres.
24 mars 2008, 20:06   Comédie hasardeuse
Bien chère Cassandre,

C'est exactement ce que je pense.

"Une mort très douce" exprime remarquablement cela.
Utilisateur anonyme
24 mars 2008, 21:16   Re : Depuis que je suis malade, je suis contre l'euthanasie!
Je partage aussi pleinement votre point de vue, chère Cassandre.
Utilisateur anonyme
24 mars 2008, 21:25   Re : Affronter la réalité
Emile Coué n'était pas médecin, cher Olivier,, mais pharmacien, sauf erreur à Nancy. Sa méthode, fondée sur l'autosuggestion, avait, en effet, dit-on, des résultats remarquables. Mais c'était plutôt pour des affections qui relèvent de la bobologie. Ne pas être leurré et ne pas se leurrer quand il s'agit du grand départ, c'est autre chose.
Vous avez raison, Cher Corto, Emile Coué n'était pas médecin, mais il était pharmacien, et psychologue. Bien sûr la "méthode Coué" ne serait sûrement d'aucune aide sur un lit de mort, mais dans quelle mesure toutefois le médecin habile ne peut-il pas augmenter les chances de survie d'un malade - dans le cas, évidemment, où ces chances existent? Dans la plupart des cas de guérisons surprenantes, voire miraculeuses - il en existe - la combativité et l'optimisme du malade sont, semble-t-il, des facteurs presque toujours déterminants.
Citation
Le plus terrible est quand le malade sait qu'il est perdu, que son entourage lui ment mais que pour ne pas chagriner ses proches ou par dignité il feint de les croire tandis que l'entourage se demande si le malade est dupe ou non et dans le doute continue à se montrer optimiste. Je ne connais rien de plus pénible que la comédie hasardeuse qui se joue alors entre l'un et les autres.

C'est vrai mais il arrive aussi souvent que l'entourage lui-même ne veut pas le croire et s'illusionne lui-même et le malade de son côté qui sait de quoi il en retourne joue à son tour la comédie de l'optimisme pour rassurer - en général - sa femme qui perd complétement les pédales à l'idée de perdre son mari.

Ces situations insincères sont pitoyables ...
24 mars 2008, 22:53   Re : parler de sa mort
Le terrible est quand le malade se doute qu'il est perdu, que ses proches le lui cachent et que pour ne pas les chagriner ou par une sorte de pudeur, il feint de les croire alors que ceux-ci se doutent, sans en être sûrs, qu'il sait et que dans l'incertitude où ils sont ils continuent à lui mentir sur son état . Cette pieuse comédie qui se joue entre l'un et les autres est une torture pour tous.
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